Le ministre français de l’intérieur Bruno Retailleau est déterminé à poursuivre son offensive contre l’Algérie, même s’il a été désavoué par le chef de l’État Emmanuel Macron, notamment sur l’accord de 1968 et le rapport de force qu’il compte engager avec Alger.
En France, le dossier Algérie continue de susciter des contradictions dans les discours des plus hautes autorités du pays. Alors que l’Élysée et le Quai d’Orsay privilégient la voie diplomatique, Beauvau et Matignon veulent toujours engager un rapport de force avec Alger.
Vendredi dernier, le président français Emmanuel Macron a clairement désavoué son ministre de l’Intérieur, en déclarant depuis le Portugal qu’il ne compte pas dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 « de manière unilatérale », car « ça n’a aucun sens ».
« Cette fermeté n’est plus seulement la mienne, mais celle du Premier ministre »
De plus, il a ajouté, à propos de la crise entre la France et l’Algérie, que « les choses se font bien quand elles se font avec exigence, avec engagement. Mais il ne faut pas qu’elles fassent l’objet de jeux politiques ».
Il s’agit d’une allusion à peine voilée à l’élection interne au parti Les Républicains, à laquelle Bruno Retailleau s’est porté candidat, en vue de préparer le terrain à une éventuelle candidature à la présidentielle de 2027. Dans cette optique, ce dernier trouve apparemment de l’Algérie un sujet qui lui offre une bonne visibilité dans l’opinion publique française.
D’ailleurs, Bruno Retailleau maintient toujours sa position qui consiste à engager un rapport de force avec Alger. C’est ce qu’il a réitéré dans un entretien accordé au journal Le Figaro, publié ce dimanche 2 mars. « Chacun sait que, depuis plusieurs semaines, je plaide pour que la France assume un rapport de force », a-t-il d’emblée déclaré.
Il se félicite aussi d’avoir eu le soutien du Premier ministre, François Bayrou. « Désormais, cette fermeté n’est plus seulement la mienne, mais celle du Premier ministre et donc du gouvernement », a encore assuré le locataire de la Place Beauvau.
Bruno Retailleau menace l’Algérie
C’est en effet l’une des conclusions du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, tenu mercredi dernier. À l’issue de cette réunion, Bayrou a fixé un délai de quatre à six semaines pour qu’Alger se montre « plus coopératif ». Sans quoi, il promet de suspendre les accords de 1968, une option pourtant contredite par Macron.
Pour sa part, le ministère algérien des Affaires étrangères a rejeté ce qu’il qualifie « d’ultimatum » et de « menaces », tout en promettant d’appliquer « une réciprocité stricte et immédiate à toutes les restrictions apportées aux mobilités entre l’Algérie et la France ».
Malgré ces évolutions, Retailleau poursuit son escalade dangereuse envers l’Algérie et ses ressortissants établis en France. Si l’Algérie « ne respecte pas ses engagements, en multipliant les provocations », elle « s’exposera à une riposte de notre part », a encore menacé le ministre, appelant à nouveau à la nécessité de dénoncer les accords migratoires qui lient les deux pays.
Retailleau cite quelques mesures prises. « Nous avons déjà mis en œuvre une riposte à nos frontières, à Roissy notamment, où l’on exige désormais un ordre de mission pour les Algériens présentant un passeport diplomatique à nos postes-frontière ».
« Des ressortissants algériens ont dû être renvoyés dans leur pays »
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé samedi avec l’épouse d’un ambassadeur algérien. Selon l’agence algérienne APS, les services de la PAF française ont été instruits de refouler l’épouse de l’ambassadeur d’Algérie au Mali, en lui interdisant l’entrée sur le territoire français « sous le prétexte qu’elle n’avait pas d’argent ».
Bruno Retailleau a assuré que « des ressortissants algériens ont dû être renvoyés dans leur pays », soulignant que cette « riposte graduée est la plus efficace », car elle permet, selon lui, d’abord « d’aller sur des mesures individuelles, notamment vis-à-vis de membres de la nomenklatura algérienne ».
Dans son offensive contre les Algériens de France, l’intervenant indique que grâce aux accords de 1968, la France a accordé aux Algériens « des avantages exorbitants » et « beaucoup plus favorable qu’aux autres ressortissants des pays du Maghreb ». Il cite la santé et la protection dont bénéficie les Algériens contre le retrait des titres de séjour en cas d’infraction.
"Songez également que, quand un Marocain ou un Tunisien commet une infraction, la France peut dégrader son titre de séjour ou le lui retirer. Mais elle ne peut le faire pour un Algérien qui enfreindrait nos lois. Plus rien ne justifie ces privilèges aujourd’hui", a-t-il détaillé.