De nombreuses personnalités se définissant comme « Français d’origine algérienne, Franco-Algériens, Français aimant l’Algérie » ont cosigné une tribune publiée ce jeudi 13 mars dans Le Monde, appelant à dépasser la crise en cours entre les deux pays par la « diplomatie » et le « dialogue » qui « doivent reprendre le dessus ».
Parmi les signataires, l’historien Benjamin Stora, l’avocat Jean-Pierre Mignard, l’économiste El Mouhoub Mouhoud, le diplomate Karim Amellal, le mathématicien Cédric Villani, ou encore Fadila Khattabi.
Dans cette tribune, ces voix influentes défendent la place des Franco-Algériens dans les relations entre les deux pays, et expriment leur « malaise profond » face à la détérioration « rapide » et « sans équivalent » de la relation entre la France et l’Algérie.
Algérie-France : Détérioration « rapide » et « sans équivalent » de la relation
« Nous sommes tristes, et pour tout dire désemparés, face à une situation où, de part et d’autre, nous avons l’impression que ce sont les extrémistes, et les polémiques qu’ils alimentent, qui dictent l’agenda et instrumentalisent la relation franco-algérienne à des fins politiques », écrivent-ils.
Les auteurs de la tribune reconnaissent que des problèmes objectifs, des différends et des malentendus « parasitent la relation bilatérale » et estiment qu’il faut en « parler avec franchise, exigence et honnêteté », « de façon ferme, mais apaisée ».
Ils citent les questions migratoires et le passé colonial de la France. Les « coups de menton, d’un côté comme de l’autre », ne peuvent pas faciliter un heureux dénouement, « à fortiori quand ils sont, comme souvent dans certains de nos médias idéologisés, entachés de mensonges flagrants ». « Cela ne fera qu’échauffer des esprits et, in fine, envenimer un peu plus les choses », mettent-ils en garde.
Le cas de l’écrivain Boualem Sansal qui a été arrêté en Algérie en novembre dernier, est aussi évoqué par les signataires de l’appel qui expriment leur espoir que « le président Abdelmadjid Tebboune fasse un geste d’humanité en le libérant ».
S’agissant de la place de la diaspora algérienne en France, ils regrettent qu’elle « n’a jamais eu vraiment son mot à dire ».
« Ballottée au gré des circonstances, au rythme des circonvolutions d’une relation qui n’a jamais été simple, elle a toujours cherché sa place, sans vraiment la trouver », écrivent-ils.
Comme l’ont rappelé les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, la diaspora algérienne en France a un rôle de « trait d’union entre deux histoires entremêlées, deux sociétés qui partagent encore bien des choses, deux économies qui ont chacune ses intérêts, ses priorités ».
Les signataires plaident pour un « agenda positif » qui prolonge et renforce le travail déjà entrepris, y compris sur les sujets mémoriels.
L’Europe et la France ont besoin de « partenaires de l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique, dans le monde arabe » et, « par-delà les désaccords » il y a la possibilité d’une entente avec l’Algérie dans bien des domaines.
France – Algérie : la diaspora algérienne réclame sa place
Entre les deux pays, il y a des problèmes qu’il faut régler, comme la mobilité à sens unique et le faible taux de délivrance des laissez-passer consulaires, mais on parle assez peu de l’autre réalité, celle des « millions de Français d’origine algérienne ou de Franco-Algériens parfaitement assimilés, qui occupent aujourd’hui jusqu’aux plus hautes fonctions en France, et qui la font rayonner par leur talent, leur travail, leur engagement, leur mérite » et qui font partie aussi de « l’équation ».
« La France n’a pas besoin de l’Algérie, ni l’Algérie de la France », mais « les deux pays peuvent trouver un chemin de coopération et de dialogue qui ne porte pas préjudice à leurs intérêts respectifs, mais au contraire les conjuguent opportunément », écrivent les auteurs de la tribune, citant l’économie, l’environnement, l’innovation, l’intelligence artificielle, la culture et le patrimoine comme autant de sujets sur lesquels la France et l’Algérie peuvent s’entendre.
« La diaspora, trait d’union entre nos deux pays, aspire à prendre pleinement sa place, dans l’apaisement et le respect mutuel », réclament-ils.
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