L’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, est devenu, depuis son départ à la retraite en 2020, la boîte à idées du courant extrémiste anti-algérien en France, révèle le journal Le Monde qui lui consacre un long portrait.
Sur le terrain, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau se charge de faire la promotion des propositions du diplomate auprès de l’opinion publique française et de pousser au sein du gouvernement à leur mise en œuvre. Plus que tout autre, le tandem a fait beaucoup de mal à la relation franco-algérienne.
“L’obsession algérienne” -pour reprendre le titre d’un long portrait que lui a consacré Le Monde dans son édition du vendredi 4 avril – de Xavier Driencourt est antérieure à la crise déclenchée par la reconnaissance par la France de la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental en juillet 2024.
À sa décharge, l’ancien ambassadeur n’y est à priori pour rien dans ce casus belli tant on ne lui connaît pas un passif de partisan de la marocanité du Sahara, du moins à travers ses prises de positions publiques.
Attaques contre l’immigration algérienne et les accords de 1968
Il a en revanche la paternité de certaines propositions qui, si elles étaient mises en œuvre, sont susceptibles de porter un coup fatal à la relation bilatérale. Lui-même avait reconnu, lorsqu’il avait suggéré pour la première fois, en mai 2023, de révoquer l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, qu’un tel pas pourrait déboucher sur la situation extrême de rupture des relations diplomatiques.
Son autre proposition phare est de remettre en cause un accord de 2007 portant exemption réciproque du visa pour les porteurs de passeports diplomatiques.
“En technicien plus qu’en idéologue, M. Driencourt a fourni quelque inspiration au clan des faucons – regroupé autour du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau”, écrit Le Monde.
Pendant de longs mois, l’ancien ambassadeur à Alger (2008-2012 et 2017-2020) a maintenu le cap, exhortant à la “fermeté” à l’égard des autorités algériennes qui, écrit-il dans son livre “L’énigme Algérienne” ne comprennent que “le rapport de force”. C’est bien de cet ouvrage que Bruno Retailleau a puisé l’idée du rapport de force qu’il veut engager contre l’Algérie.
Driencourt – Retailleau : divergents sur la forme, d’accord sur le fond
Haut fonctionnaire de l’administration centrale du Quai d’Orsay et plusieurs fois ambassadeur, Xavier Driencourt avait eu le temps de connaître les dossiers et de définir ceux qui pouvaient être utilisés comme “leviers”. “Personne ne connaissait ces dossiers, je les ai mis sur la table”, se targue–t-il auprès du Monde.
Cet activisme a très vite fait sortir l’ancien ambassadeur de l’anonymat de ses anciennes fonctions pour le propulser vers la lumière des projecteurs médiatiques. Driencourt est très sollicité par les médias, et fortement courtisé par la partie extrémiste de la classe politique, y compris le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. De diplomate au long court, Driencourt est devenu un “influenceur”, comme il se définit lui-même.
Son influence la plus visible est celle qu’il exerce sur Bruno Retailleau qui, constate Le Monde, “siphonne ses idées, jusqu’à reprendre ses formules au mot près”. Au point où le “rapport de force” et la “riposte graduée ” chers au ministre de l’Intérieur sont perçu comme “du copié-collé de Driencourt”.
Retailleau – Driencourt : divergence sur la méthode
La seule divergence entre les deux hommes porte sur la méthode. Là où le diplomate aurait préféré l’action dans la discrétion, le ministre a opté pour les effets d’annonces pour les besoins de son agenda politique, lui qui cible l’électorat extrémiste dans sa quête de prendre la présidence des Républicains et celle de briguer peut-être la présidence de la République en 2027.
Lorsque Retailleau a essuyé des échecs retentissants en s’empressant d’annoncer l’expulsion d’un influenceur algérien en janvier ou encore la remise à l’Algérie d’une liste de ressortissants expulsables en mars, Xavier Driencourt lui a livré publiquement le conseil de “le faire sans le dire”. En poste à Alger, rappelle-t-il, il a tronqué de moitié le nombre de visas délivrés sans faire de bruit.
Malgré cette divergence sur la forme, Xavier Driencourt et Bruno Retailleau restent d’accord sur le fond. Et maintenant que l’heure de la réconciliation entre Alger et Paris semble avoir sonné, le tandem est devenu un boulet pour la partie française.