Bruno Retailleau est celui qui se fait le plus entendre en France sur l’affaire Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien emprisonné en Algérie depuis novembre dernier, dans un contexte de grave crise entre les deux pays.
Le ministre français de l’Intérieur est soupçonné d’utiliser cette affaire et toute la crise avec l’Algérie pour son propre agenda politique.
Manuel Bompard, député de La France insoumise (LFI) vient de l’accuser publiquement d’avoir en réalité d’autres soucis que l’obtention de la libération l’écrivain.
Sansal a été jugé jeudi dernier devant le tribunal de Dar El Beida (Alger) et le verdict sera rendu ce jeudi 27 mars. Le parquet avait requis 10 ans de prison ferme et 1 million de dinars d’amende.
Crise Paris – Alger : la méthode Sansal ne fait pas l’unanimité
Un rassemblement de soutien à Boualem Sansal a eu lieu mardi 25 mars devant l’Assemblée nationale à Paris. Selon les comptes-rendus des médias française, toute la classe politique française y a pris part, sauf les Écologistes et La France Insoumise.
Le député Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, a rappelé, ce mercredi 26 mars sur le plateau de LCI, la position du parti sur cette affaire.
Les députés, les eurodéputés et l’ensemble des dirigeants de la France insoumise “ont toujours pris position de manière très claire sur ce sujet en disant évidemment qu’on ne pouvait pas accepter qu’une personne, un écrivain, soit enfermé en raison de ses opinions politiques quelles qu’elles soient d’ailleurs, même si personnellement je ne les partage pas”, a-t-il dit d’emblée.
Ce que refuse le parti de Jean-Luc Mélenchon, c’est le ton menaçant à l’égard de l’Algérie et la récupération politicienne à laquelle s’adonnent la droite et l’extrême-droite, particulièrement par le ministre de l’Intérieur, candidat à la présidence des Républicains.
“Retailleau n’en n’a rien à faire de la libération de Boualem Sansal”
Par exemple, lors du vote d’une résolution à l’Assemblée nationale française sur l’affaire Sansal, les députés LFI se sont élevés contre l’inclusion de la menace de suspension de l’accord d’association Algérie – Union européenne.
“Nous avons proposé un amendement qui disait : faisons une résolution qui se limite à demander la libération de Boualem Sansal”, sans les “représailles proposées par Bruno Retailleau”, a rappelé Bompard.
“Ce n’est pas que je ne veux pas de représailles, c’est juste que je pense que c’est totalement inefficace, y compris si notre objectif est d’obtenir la libération de cette personne”, a-t-il expliqué.
“La preuve, a ajouté le député, depuis que M. Retailleau et le gouvernement ont décidé de faire un point de fixation public sur ce sujet, est-ce que ça a produit un résultat pour la libération de Boualem Sansal ? Evidemment, non.”
L’homme politique de gauche souligne que d’habitude, dans pareil cas, “on agit par la diplomatie”. Or, ce n’est pas la voie qu’a choisie le ministre français de l’Intérieur.
Pour Bompard, on fait “un point de fixation public pour les petits intérêts politiciens de M. Retailleau”. “Tout le monde a compris que M. Retailleau est monté dans une escalade vis-à-vis de l’Algérie pour servir ses propres ambitions personnelles. En faisant ça, en vérité, M. Retailleau n’en n’a rien à faire de la libération de Boualem Sansal”, a enfoncé Manuel Bompard.
L’Archevêque d’Alger critique Bruno Retailleau
“Si vous voulez obtenir ce résultat, il ne faut certainement pas utiliser la méthode de M. Retailleau”, a-t-il conclu.
Le ministre de l’Intérieur a encore usé de son ton menaçant même après les propos tenus samedi dernier par le président Abdelmadjid Tebboune, unanimement interprétés comme une volonté d’apaisement. Mardi, Bruno Retailleau a menacé de ”monter dans les tours” si l’Algérie ne libère pas Boualem Sansal.
“Avoir fait de l’arrestation de Boualem Sansal un casus belli entre deux États ne lui a pas rendu service et rend plus compliqué un geste humanitaire de la part des autorités algériennes qui ne se laisseront jamais dicter une règle de conduite”, a indiqué lundi 24 mars l’archevêque d’Alger Jean-Paul Vesco au journal La Croix.