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France : Darmanin suscite la controverse en mettant en avant ses origines algériennes

Les propos tenus lundi 23 septembre par Gérald Darmanin le désormais ex-ministre français de l’Intérieur sur la discrimination en France feront date. Le climat de tension créé par l’extrême-droite ne pèse pas que sur les citoyens lambda. Il incommode même les hauts responsables. Les langues commencent à se délier.

Au cours de la passation de consignes avec son successeur Bruno Retailleau, Gérald Darmanin a surpris en évoquant l’histoire de son deuxième prénom à connotation maghrébine, Moussa, que ses parents lui ont donné en hommage à son grand-père paternel, un tirailleur algérien. 

Il a encore étonné en reconnaissant que s’il n’avait eu que ce prénom, il aurait été discriminé et n’aurait pas fait la carrière qui est la sienne. 

Darmanin met en avant ses origines algériennes

“Si je m’étais appelé Moussa Darmanin je n’aurais pas été élu maire et député et sans doute n’aurais-je pas été ministre de l’Intérieur du premier coup”, a avoué Darmanin qui a mis en avant ses origines algériennes par son grand-père.

Le moment est solennel. Il s’agit d’une passation de consignes à la tête d’un ministère régalien, évidemment le plus impliqué dans la gestion des questions liées à la citoyenneté, l’identité, l’immigration et les étrangers. 

Vu le contexte dans lequel ils ont été tenus, les propos de Gérald Darmanin sonnent aussi comme une pique à son successeur qui l’écoutait et une manière de se démarquer du virage à droite du président Emmanuel Macron que traduit la composante du nouveau gouvernement de Michel Barnier.

L’allusion est aussi à la polémique suscitée par le Rassemblement national (RN, extrême droite) lors de la campagne des dernières législatives par son idée de fermer l’accès à certaines fonctions de l’Etat aux binationaux.

Le RN n’a pas gagné les élections et n’a pas pu mettre en œuvre sa proposition, mais la réalité est plus triste que le projet envisagé par le parti d’extrême-droite.

Comme l’affirme en personne celui qui a été ministre de l’Intérieur pendant quatre ans, sans même être un binational, on peut ne pas être élu maire ou député et ne pas devenir ministre à cause de son prénom en France.

Venu de la part d’un ancien ministre de l’Intérieur, l’aveu est glaçant. C’est la réalité de la France que Gérald Darmanin a voulu dénoncer en l’avouant avec une telle solennité. 

Quand les langues des responsables se délient sur la discrimination en France

Darmanin s’adressait subtilement à Bruno Retailleau, un adepte d’une politique plus dure et plus ferme vis-à-vis de l’immigration. Pendant trois décennies, le nouveau ministre de l’Intérieur a tenu un discours constant sur cette question, dérapant à plusieurs reprises. Comme en juin 2023, lorsqu’il a qualifié les jeunes Maghrébins de Français “mais par leur identité”, les accusant de régresser “vers leurs origines ethniques”. 

En 2022, Retailleau avait fait sienne l’expression “Français de papier” chère à l’extrême-droite. 

Les propos de Darmanin ont suscité la controverse en France. Le président du RN Jordan Bardella n’a pas tardé à réagir. « Cette déclaration est une injure à la France qui lui a tout donné et qui donne leur chance à tous ceux qui la respectent », a écrit lundi sur X Jordan Bardella qui lui aussi des origines algériennes par son grand-père.

La présidente macroniste de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a aussi désavoué Darmanin. « Ce n’est pas une question de prénom mais de promesse républicaine », a-t-elle réagi sur BFMTV.

Un autre membre sortant du gouvernement s’est fait plus explicite vis-à-vis de l’idéologie du nouveau ministre de l’Intérieur. Il s’agit de la désormais ancienne porte-parole du Gouvernement Prisca Thévenot.

Lors de la passation de pouvoir avec Maud Bergeon, lundi 23 septembre, Thévenot a exprimé son désaccord avec Bruno Retailleau et toute l’orientation du nouveau gouvernement. 

Apport de l’immigration : la France profondément divisée 

“L’immigration, si elle est parfaitement encadrée et contrôlée, est toujours une chance pour notre pays”, a-t-elle déclaré. En 2022, Retailleau soutenait le juste contraire en affirmant que “malheureusement, l’immigration n’est pas une chance pour la France.”

Toujours sans citer le ministre de l’Intérieur, Prisca Thévenot a ajouté qu’ “il n’y a pas de Français de papier mais bien des Français tout court”. 

L’ancienne porte-parole du gouvernement a tenu aussi à revenir sur la polémique qui a ciblé les binationaux pendant les dernières législatives. “Je suis la preuve qu’on peut être binationale et profondément patriote française”, a-t-elle dit.

@brutofficiel Prisca Thevenot lors de la cérémonie de passation de pouvoir. #priscathevenot #politiquefrancaise #politique #gouvernement #maudbregeon ♬ son original – Brut.

 

Ces piques simultanées des ministres partants démontrent que le nouveau gouvernement et son orientation ne sont pas contestés uniquement par la gauche mais aussi dans le camp présidentiel. Une dizaine de ministres LR siègent dans le nouvel exécutif dans certains ténors de la droite dure, comme donc Bruno Retailleau. 

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