Cité par Tebboune parmi les personnalités françaises respectées en Algérie et qui doivent pouvoir « s’exprimer », Jean-Pierre Chevènement est vite sorti du silence. Interrogé par le Figaro, le président d’honneur de l’association France-Algérie s’est exprimé sur la crise en cours entre les deux pays.
Dans un entretien accordé dimanche 2 février au journal français L’Opinion, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a indiqué qu’il faut que les intellectuels et politique français, « que nous respectons » « puissent s’exprimer » et « ne pas laisser ceux qui se disent journalistes leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l’image de l’Algérie ».
Jean-Pierre Chevènement est cité parmi ces personnalités avec Ségolène Royal, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin.
Avec l’Algérie, « Retailleau ne cherche pas la surenchère, mais le dialogue »
Ce mardi 4 février, Chevènement s’est exprimé dans Le Figaro. Sans surprise, il a estimé que l’intérêt des deux pays dicte de « surmonter les polémiques et les surenchères ».
Il a rappelé qu’il y a environ 3 millions d’Algériens ou de Franco-Algériens en France, que la France est le principal partenaire de l’Algérie au nord de la Méditerranée et que l’Algérie est « indéniablement le pays le plus important pour la France en Afrique », et un débouché pour les exportations françaises avec des échanges bilatéraux de 12 milliards d’euros par an.
L’intérêt, a-t-il poursuivi, est aussi dans la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Aussi, estime-t-il, la réduction des flux migratoires ne peut « passer que par une politique de coopération confiante avec l’Algérie », les Algériens étant les premiers bénéficiaires, en total cumulé, des titres de séjour en 2024.
Évoquant les conditions de reprise d’ « un dialogue sain », Chevènement estime qu’il faut affirmer clairement que « l’objectif est de parvenir à une normalisation, d’une relation d’égal à égal », reprenant dans ce sens les propos du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Lui-même ancien ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement a tenté d’expliquer la démarche de Retailleau, indiquant qu’il « ne cherche pas la surenchère mais le dialogue ».
Jean-Pierre Chevènement appelle la France et l’Algérie à « renouer avec l’intérêt commun »
Chevènement a enchaîné sur la défense de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis la mi-novembre dernier et qui, dit-il, « a aujourd’hui le droit de voir son avocat ». « Et il est même nécessaire qu’il puisse le voir dès que possible. L’Algérie s’y grandirait », estime-t-il.
« Plus largement, plaide l’ancien ministre socialiste, il nous faut sortir des embrouillaminis passionnels et renouer avec l’intérêt commun » qui, selon lui, consiste pour les deux pays à « nouer des relations solides et franches ».
Jean-Pierre Chevènement souligne que « c’est ainsi du moins que le général de Gaulle l’avait vu en assignant à notre politique vis-à-vis de l’Algérie l’objectif de la coopération » et rappelle que le général a payé cette orientation de sa personne en étant victimes de deux tentatives d’assassinat par l’OAS. « J’invite nos amis algériens à s’en souvenir », dit-il.
« La relation franco-algérienne est précieuse à terme pour l’Europe comme pour l’Afrique », insiste-t-il.
Chevènement évoque ensuite cette description des tiraillements entre les deux pays, faite par l’évêque d’Oran, en 2017 : « La France et l’Algérie n’hésitent pas à se blesser mutuellement. L’originalité de ces blessures est qu’elles sont de celles que ne peuvent s’infliger que de véritables amis. »
« Sachons ne pas en rajouter et céder à de futiles provocations », plaide-t-il encore, disant regretter qu’un ancien ministre algérien (El Hachemi Djaboub, ndlr) ait déclaré que « la France restera l’ennemi traditionnel et éternel de l’Algérie ».
« Il n’en est pas ainsi pour des millions de Français qui apprécient les qualités, notamment de courage, du peuple algérien », conclut Jean-Pierre Chevènement.
Ce lundi, l’association France – Algérie, que Chevènement a présidée par le passé et dont il est président d’honneur, a rendu publique une déclaration signée de son président Arnaud Montebourg dans laquelle elle a appelé les gouvernements des deux pays à « réengager le dialogue pour permettre la désescalade verbale », et « rechercher un apaisement permettant de surmonter les tensions et conflits actuels ».