Politique

France : la charge d’une députée d’origine algérienne contre Retailleau

Sabrina Sebaihi est députée écologiste. D’origine algérienne, elle explique dans cet entretien à TSA Algérie, comment désamorcer la crise entre l’Algérie et la France, et charge le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Sabrina Sebaihi qui vient d’être élue vice-présidente du groupe d’amitié Algérie – France à l’Assemblée nationale française évoque aussi l’impact de la crise entre les deux pays sur les Algériens.

Vous êtes élue vice-présidente du groupe d’amitié Algérie-France dans un contexte de grave crise entre les deux pays. Vous allez travailler pour apaiser les relations, comment ?

Sabrina Sebaihi : l’apaisement des relations n’est pas seulement souhaitable, il est nécessaire. C’est ce à quoi je vais m’atteler ; dans un environnement aussi instable au plan mondial, la France a besoin d’une relation constructive, apaisée et mutuellement bénéfique avec l’Algérie.

Des problèmes existent, mais ils sont surmontables au regard des liens qui existent avec ce pays pour des millions de nos compatriotes. Il faut remettre de la diplomatie, de la discrétion et du respect des deux côtés.

L’avocat Jean-Pierre Mignard estime que Jean-Yves Le Drian peut jouer le médiateur entre les deux pays pour désamorcer la crise. Quel est votre avis ?  Faut-il un médiateur ?

Sans me prononcer sur Jean-Yves le Drian en particulier, il faudra bien un moment remettre du lien, loin des rodomontades médiatiques indignes.

Je crois beaucoup aux médiateurs naturels que sont les parlementaires dans ce dossier.

Enfin il serait bon que le président de la République (Emmanuel Macron) reprenne la main dans ce dossier afin de définir la position de la France.

Certains disent que les relations algéro-françaises souffrent d’une panne des réseaux. Êtes-vous d’accord ?

Il est certain que nous sommes aujourd’hui peu à continuer à faire du réseau et du lien. Tout simplement car la confiance a été rompue.

La diplomatie et les relations entre les nations sont basés sur le respect et les intérêts de part et d’autre. Ils sont l’affaire du temps long.

Cessons tout court-termisme et départissons-nous de cette arrogance qui nous a coûté l’influence de la France en Afrique. Nous ne sommes plus une voix écoutée. Pire, nous sommes détestés dans un nombre croissant de pays.

Devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, vous avez accusé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau d’envenimer la crise. Que lui reprochez-vous concrètement ?

Bruno Retailleau est l’incarnation des idées d’extrême-droite au gouvernement. Pour l’extrême-droite, l’Algérie est un échec dont les plaies ne sont pas refermées.

La xénophobie et le racisme à l’égard de l’Algérie lui sont bien spécifiques et indépassables visiblement. Monsieur Retailleau doit encore penser que la France dispose d’un gouverneur général à Alger … ce temps est révolu.

L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique par sa superficie et un fournisseur majeur d’énergie et de renseignements. L’intérêt de la France commande à minima des relations de bon voisinage.

L’attitude de Bruno Retailleau est non seulement dictée par un racisme propre à son monde d’idée, mais elle met en péril les intérêts de la France.

Malgré le désaveu du président Macron, Bruno Retailleau ne recule pas. Il continue de s’immiscer dans la gestion de cette crise. Pourquoi cette cacophonie au sommet de l’État français au sujet de l’Algérie ?

Je rappelle que ce sont « les événements d’Algérie » qui ont donné naissance à la 5e République.

Nous avons une histoire complexe, cruelle, sanglante avec ce pays. Ce que l’historien Pascal Blanchard appelle « les éclaboussures impériales ».

Des millions de personnes ont un lien avec l’Algérie en France. Pour beaucoup c’est une histoire irrationnelle. Bruno Retailleau se comporte en petit boutiquier et non en homme d’État : il joue la prochaine présidentielle. La relation France-Algérie n’est que l’otage de la course de la droite et l’extrême-droite au pouvoir.

Quel est l’impact de cette crise sur les Français d’origine algérienne ?

Pas de là-bas lorsqu’ils sont en Algérie et ciblés ici en tant que « 5e colonne ». Que croyez-vous que cela fait ? C’est une période détestable pour des millions de Franco-Algériens que l’on dépeint uniquement sous les oripeaux de l’OQTF.

Sans les Algériens pas d’hôpitaux qui fonctionnent par exemple. Les Français d’origine algérienne méritent la considération comme l’ensemble de nos compatriotes, ni plus ni moins.

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