Après une courte accalmie, le courant anti-algérien en France a repris sa rhétorique belliciste dans le contexte de la nouvelle crise franco-algérienne.
Alors que les deux pays sont de nouveau entrés dans une phase de tensions inédites et graves, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau revient à la charge pour souffler sur les braises et plaider avec encore plus de détermination pour le « rapport de force ».
Dans le même camp politique, on assiste à une surenchère dans les attaques contre l’Algérie. Des voix se font entendre toutefois dans le reste de l’échiquier politique français, appelant au dialogue et à la désescalade pour ne pas hypothéquer l’avenir de la relation bilatérale entre deux pays qui ont en commun une forte communauté humaine.
Visas, Accord de 1968, humiliation…Retailleau ressort son « rapport de force » avec l’Algérie
Alors qu’il faisait profil bas lorsque Paris et Alger avaient entrepris fin mars dernier un processus de retour à la normale, Bruno Retailleau se sent pousser des ailes maintenant que le gouvernement et le président Emmanuel Macron semblent le suivre dans le « rapport de force » auquel il appelle depuis plusieurs mois.
Interrogé, ce jeudi 17 avril, sur RTL sur ce qu’il y a lieu de faire si l’Algérie refuse de reprendre ses ressortissants expulsables, le ministre de l’Intérieur a ressorti ses « leviers », que sont « les visas, les accords… ». Retailleau a aussi réitéré l’accusation d’« humiliation » qu’il avait proférée à l’égard de l’Algérie en janvier dernier.
« La France est une grande nation. Il n’y a pas seulement un problème diplomatique, il y a aussi une question de fierté du peuple français, qui ne veut plus que l’Algérie puisse nous humilier », a dit le ministre de l’Intérieur, qui plaide encore pour son fameux « rapport de force ».
« Il faut un rapport de force. Dans le monde dans lequel on vit, le nouveau langage, ce n’est pas le langage des bisounours, c’est le langage du rapport de force », a-t-il dit, en reprenant aussi son ton comminatoire : « Les ressortissants algériens qui sont dangereux, ils n’ont rien à faire en France. Ils doivent aller en Algérie. Et l’Algérie doit les accepter. »
Retailleau est soupçonné d’utiliser le dossier Algérie pour les besoins de son élection au prochain congrès des Républicains. Son concurrent Laurent Wauquiez semble également en faire de même.
France – Algérie : Retailleau et Wauquiez ressortent leur discours belliciste et comminatoire
Sur BFMTV et RMC ce jeudi, il a estimé que la France s’est fait avoir dans la récente tentative de rapprochement avec l’Algérie. « Le résultat est lamentable. Il y a encore 10 jours, on parlait d’un dialogue fructueux », a noté Wauquiez, estimant, comme Retailleau, que « la vraie question, ce n’est pas en réalité une question diplomatique ».
C’est « la sécurité des Français qui est l’enjeu dans cette relation avec l’Algérie. Le problème c’est les délinquants et les criminels algériens qui sont sur notre sol et que le gouvernement algérien ne veut pas reprendre ».
Pour Wauquiez, la seule question « c’est comment on installe définitivement un rapport de force qui est indispensable ».
« Il y a une seule chose qui marchera, c’est la dénonciation des accords de 1968 », « le seul vrai outil de pression ». « Le reste, a-t-il ajouté, l’expulsion des agents, le rappel de l’ambassadeur, tout ça n’est pas à la hauteur du sujet. »
Des voix appellent à l’apaisement entre Paris et Alger
Au centre et à gauche, un autre son de cloche se fait entendre. Charles de Courson, député centriste, a plaidé sur LCI pour l’apaisement avec l’Algérie qui, a-t-il rappelé, « participe au barrage contre l’islamisme » et a « accepté de se substituer au gaz russe ».
Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, a, sans surprise, fustigé le courant extrémiste. « C’est parce qu’il n’a pas été censuré que M. Retailleau a multiplié les provocations ridicules avec l’Algérie », a-t-il déclaré mercredi lors d’un meeting du parti.
« Des provocations qui visent à créer un ennemi alors que le peuple algérien et le peuple français, comme les peuples du monde entier, ont envie de vivre en paix, dans la fraternité », a-t-il souligné. Quand il y a des désaccords, il faut discuter et négocier et non pas faire de « la surenchère, de l’escalade », a estimé Manuel Bompard.
« Au-delà de cette période de difficultés et de tensions, à un moment ou à un autre, le dialogue devra se renouer entre les autorités de nos deux pays », a pour sa part déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Ce dernier continue à développer un discours tempéré, bien qu’il semble que la « ligne Retailleau » se soit imposée au gouvernement et au président Macron, comme le soutient Le Figaro dans son édition de ce jeudi.
Une source de l’entourage présidentiel a toutefois tenu à clarifier auprès du même journal que « les deux lignes sont complémentaires ». « À la fin, il faudra bien d’une manière ou d’une autre aboutir à une forme de dialogue, même s’il est tendu. Si on veut exécuter les OQTF, il faut bien que quelqu’un les reprenne », a expliqué l’entourage d’Emmanuel Macron.
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