Économie

Gazoduc transsaharien : « La balle est dans le camp du Nigeria »

Le Nigal, ou gazoduc transsaharien, l’un des plus grands projets structurants envisagés conjointement par des pays d’Afrique, avance lentement.

L’infrastructure est destinée à acheminer le gaz du Nigeria vers l’Europe en passant par les territoires du Niger et de l’Algérie. Le projet fait face à plusieurs défis que les trois pays concernés s’attellent à relever. Ces défis sont évidemment techniques et financiers, mais aussi géopolitiques et économiques.

Le gazoduc, appelé aussi TSGP (Trans-Saharian Gas Pipeline) est long de 4.100 kilomètres, démarrant de la région de Warri, dans le Sud du Nigeria, et finissant à Hassi R’mel, au Nord du Sahara algérien. Le coût estimé de sa réalisation est de 13 milliards de dollars.

Gazoduc transsaharien : le Nigéria peut-il assurer les quantités nécessaires ?

Malgré ce coût exorbitant, les trois pays en tireront d’importants dividendes au vu de la capacité prévue du gazoduc qui est de 30 milliards de mètres cube de gaz par an.

Le Nigeria boostera ainsi ses capacités d’exportation et s’ouvrira directement les portes du marché européen sans passer par la liquéfaction et le transport coûteux par méthaniers.

Le Niger, pays enclavé et pauvre du Sahel, prélèvera des droits de passage qui serviront à financer son développement et éventuellement des quantités de gaz pour sa propre consommation.

Enfin, le passage du gazoduc par son territoire contribuera à faire de l’Algérie, qui est déjà un fournisseur majeur des pays du Sud de l’Europe, un véritable hub gazier mondial.

« Cela augmente, d’une part, le volume de nos échanges commerciaux et aide, d’autre part, les pays africains partenaires à bénéficier de revenus importants, en vue de réaliser la stabilité sécuritaire par la réalisation d’importants projets socio-économiques », a expliqué l’expert en questions énergétiques Ahmed Hidouci à la radio algérienne.

Le gazoduc s’adapte aussi à l’approche algérienne de stabiliser la région du Sahel par le développement économique.

La réalisation d’un tel projet a été envisagée dans les années 1980 et l’idée a pris forme en 2009 avec la signature d’un accord entre les trois pays, lequel a été définitivement entériné en 2022.

Les défis à relever sont toutefois nombreux, ce qui explique que le projet n’a toujours pas pu être concrétisé.

Au Nigeria, il doit traverser le Nord du pays, une zone instable tout comme toute la région du Delta du Niger, en proie à la violence des groupes terroristes qui ciblent régulièrement les installations pétrolières.

Le Niger est entré dans une phase d’instabilité depuis le coup d’État de juillet 2023, ce qui a suscité des craintes supplémentaires pour la concrétisation de ce projet d’envergure.

La visite en Algérie, du 28 septembre au 2 octobre, du ministre nigérien du Pétrole, Sahabi Oumarou, a permis de lever les appréhensions à ce propos.

Ce qu’il reste à faire pour concrétiser le Gazoduc Nigeria-Algérie

Le responsable nigérien a fait savoir à ses homologues algériens que son pays était disponible pour reprendre les consultations sur le projet, réitérant l’importance du gazoduc qui « représente un élan majeur au développement économique et social des trois pays ». Une réunion tripartite est annoncée pour les semaines à venir.

Pour l’aspect financier, le Niger n’a pas les ressources ni le savoir-faire pour réaliser les 800 kilomètres qui traversent son territoire. Il devrait être aidé toutefois par ses deux partenaires, notamment l’Algérie qui s’est engagée à le faire.

Il faut dire qu’une grande partie de l’infrastructure, tant au Nigeria qu’en Algérie, est déjà existante.

Pour arriver jusqu’en Italie, le gaz du Nigeria devrait être acheminé par le nouveau gazoduc envisagé, le Galsi.

Techniquement et financièrement, le projet est à portée de main des deux géants énergétiques africains, l’Algérie et le Nigeria. Mais pour sa rentabilité et sa fiabilité, il devra bien transporter 30 milliards de mètres cube de gaz par an.

Or, il s’agit d’une quantité colossale, équivalente à plus du double de toutes les exportations algériennes de gaz qui s’élèvent actuellement à un peu plus de 50 milliards de mètres cube.

Le Nigeria devra donner des garanties sur sa capacité à fournir une telle quantité sur 10 à 20 ans qui est la durée de vie d’un tel investissement, explique à TSA un expert pétrolier algérien.

« Le Nigéria a sa propre stratégie gazière liée à ses problèmes internes, sachant que le Nord du pays d’où va transiter le gaz est en proie aux violences et souffre de sous-développement. Il doit donc fournir des garanties sur sa capacité à assurer les quantités nécessaires pour la viabilité du gazoduc. Il est en train de les réunir pour passer à la phase juridique opérationnelle », indique le spécialiste.

Le gazoduc NMGP, un projet « infaisable »

Le TSGP a donc toutes les chances de devenir opérationnel, même avec un certain retard sur la date initialement prévue, en 2027.

Il a plus de chances de voir le jour que le projet similaire et concurrent envisagé par le Maroc depuis 2016. Le gazoduc Nigeria-Morocco Gas Pipeline (NMGP), destiné également à fournir l’Europe en gaz Nigérian en passant par plusieurs pays dont le Maroc, s’apparente à une utopie.

Long de 5.700 kilomètres, il devra traverser 13 pays, son coût initial est de 25 milliards de dollars et ne devrait pas être réceptionné avant 2046. Ni le Maroc ni les autres pays qui se trouvent sur la trajectoire n’ont les moyens de faire face à une telle dépense ni le savoir-faire nécessaire.

Le passage du gazoduc par le Sahara occidental, territoire non-autonome et en voie de décolonisation aux yeux du droit international, posera en outre un problème juridique inextricable. « C’est un projet infaisable », affirme le même expert.

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