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Guerre d’Algérie : les confessions de la fille d’un tortionnaire français

Guerre d’Algérie : les confessions de la fille d’un tortionnaire français

Image via Facebook
Isabelle VAHA

La grande histoire franco-algérienne est faite de petites histoires, souvent douloureuses. La grande réconciliation peut aussi être bâtie sur de petites confessions.

Celle d’Isabelle Vaha est retentissante. Fille d’un légionnaire de l’armée française qui a servi pendant la guerre d’Algérie, elle vient d’effectuer une visite dans le pays auquel son père « a fait du mal ». Elle a multiplié les témoignages pendant ses rencontres avec la presse et la société civile en Algérie.

Le témoignage glaçant de la fille d’un tortionnaire français, sur la torture pendant la guerre d’Algérie

Isabelle Vaha, 68 ans, est venue « reverser un morceau d’histoire » et partager un combat qu’elle mène depuis 40 ans. À l’université d’Alger où elle a donné une conférence la semaine passée, l’autrice de la Petite fille de Mostaganem a déclaré : « Il faut arrêter de dire que le colonialisme a des bienfaits ».

Son voyage en Algérie est aussi un clin d’oeil à l’actualité et aux débats passionnés que suscite encore la guerre d’Algérie chez certaines franges de la société française, parmi l’extrême-droite et les nostalgiques de l’Algérie française.

"Vous vous rendez compte, la fille d’un légionnaire qui a commis des atrocités pendant son passage ici dans votre pays, qui les a légitimés, qui les a re-confirmés, qui est mort avec le regret de n’avoir pas assez massacré d’Algériens", dit-elle devant les journalistes, venus nombreux l’écouter à Alger.

Son père était un tortionnaire doublé d’un raciste. La famille d’Isabelle était installée en Algérie, mais sa mère a déménagé en France juste avant sa naissance, en pleine guerre d’Algérie, pour que sa fille ne baisse pas « au milieu des Arabes ». Le racisme est assumé dans cette famille dont le père a torturé en Algérie où il a servi dans la légion étrangère. 

Isabelle Vaha a découvert cela à 8 ans, tout à fait par hasard, lorsqu’elle est tombée sur de vieilles photos de son père, le montrant en train de torturer des résistants algériens, non sans plaisir, comme le montre son sourire.

Dans la boîte, il y avait des photos d’Algérie et d’Indochine, les deux guerres que son père a menées avec l’armée française. La fillette est évidemment choquée.

Isabelle Vaha, fille d’un tortionnaire pendant la guerre d’Algérie, raconte

« Je comprends que mon père est quelqu’un d’horrible, lorsque je vois les photos sur lesquelles il pose avec fierté à côté de cadavres de gens torturés », racontait-elle en octobre dernier à Radio-France.

Adolescente, elle a osé aborder le sujet. Sa famille a nié en bloc. Le bac en poche, Isabelle s’en va, coupant définitivement avec cette famille. Elle n’en pouvait plus.

Un jour, raconte-t-elle dans une lettre posthume à son père écrite et publiée en 2002, elle prononça le prénom Mohamed à table, et le père s’écria : « Dire que je les ai balancés du haut des hélicoptères, et voilà que ma propre fille s’occupe de leurs enfants ! ».

Adulte, elle est devenue historienne et écrivaine. Dans ses écrits, Isabelle Vaha condamne sans équivoque le passé de la France en Algérie, en commençant par celui de sa famille, de son père.

Elle participe aussi régulièrement aux commémorations des faits marquants de la guerre de libération nationale comme les massacres du 17 octobre 1961 à Paris.

"Ma place est là. Je dois être là compte tenu de ce que je porte derrière moi », disait-elle. Ses actions lui ont valu d’être décorée par les autorités algériennes. 

A 67 ans, elle poursuit le combat de la vérité avec le même aplomb. « Si on attaque cette histoire algérienne de la façon dont on voudrait l’attaquer, je crois que je serai capable de sortir les griffes », dit-elle lors de son point de presse à Alger, où elle espère revenir.

En tout cas, elle repart « confirmée » et « consolidée ». Tout en reconnaissant que ce ne sera pas facile à son retour en France. Sans citer personne, on devine qu’elle s’attend à des attaques de l’extrême-droite.

Si elle n’utilise pas le mot « très fort » de « représailles », elle dit qu’elle est consciente qu’ « il va se passer quand même quelque chose ». « Je réaffirme mes discours, je réaffirme ce que je défends depuis 40 ans », assure-t-elle toutefois.

En attendant d’arriver à la reconnaissance à plus grande échelle, celle de l’Etat Français, de ce passé sombre, elle a déjà réalisé quelque chose de fabuleux, à titre personnel.

"Aujourd’hui, j’ai guéri de la culpabilité que je portais en étant la fille de celui qui a torturé et qui a fait du mal à l’Algérie », disait-elle en octobre dernier.

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