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Hocine Zehouane, disparition d’un moudjahid et défenseur des libertés

Hocine Zehouane, disparition d’un moudjahid et défenseur des libertés

Source : capture d'écran Facebook
Hocine Zehouane

Il est parti, comme il a vécu : dans la discrétion, sans bruit, ni tapage. Le moudjahid et avocat Hocine Zehouane décédé lundi 17 mars à Alger à l’âge de 90 ans, est resté attaché à ses convictions jusqu’au crépuscule de sa vie.

Plutôt que de choisir le confort et les privilèges que pouvait lui procurer légitimement son passé révolutionnaire, il a préféré sacrifier sa vie à la défense des humbles, à la promotion des droits de l’homme et à l’idéal démocratique.

Un choix qui lui avait souvent valu des déboires. Mais comment pouvait-il en être autrement, lui qui embrassa la révolution alors qu’il sortait à peine de l’adolescence ?

Jeune lycéen, ce natif de Draâ Ben Khedda (Tizi-Ouzou) rejoint le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1954 avant de le quitter au déclenchement de la révolution pour rejoindre le FLN.

Au café de son frère, à Belcourt, point de chute des révolutionnaires, Hocine Zehouane, dont la famille est très proche de Krim Belkacem, assiste aux ultimes préparatifs à ce qui allait changer le cours de l’Histoire de l’Algérie.

Devenu officier de l’ALN, avec grade d’aspirant, dans la wilaya III (Kabylie), Hocine Zehouane se fait emprisonner par l’armée française pendant deux ans.

À sa sortie de prison, en 1959, alors que la révolution algérienne était confrontée à de multiples défis, dont les luttes fratricides et des difficultés d’approvisionnements en armes depuis l’extérieur, il est chargé de nombreuses missions, pas souvent simples.

Comme par exemple d’enquêter sur la « bleuite », cette opération d’intox et d’infiltration initiée par le capitaine Léger, dont les conséquences ont été désastreuses dans les rangs des combattants, notamment dans les wilayas III et IV.

Hocine Zehouane part en laissant derrière lui un « héritage lumineux »

« Hocine Zehouane savait que les choses ne pouvaient être que difficiles, surtout après la disparition de Larbi Ben Mhidi et de Abane Ramdane. L’indépendance, écrivait-il, allait réveiller, peut-être, les inimitiés, les ambitions des uns et des autres et la course pour le pouvoir. Il fallait éviter tout ça », écrit de lui, le journaliste et universitaire Ahmed Cheniki.

« Il laisse derrière lui un héritage lumineux, marqué par un courage sans faille et une intégrité inébranlable », écrit le quotidien El Moudjahid dans un hommage à un « géant de la liberté et de la justice ».

Homme de compromis, il est également chargé par le GPRA, entre mars et juillet 1962, de comprendre ce qui se passait dans la zone autonome d’Alger dans un contexte marqué par la violence de l’OAS, mais aussi des manifestations d’appétits pour le pouvoir au sein de plusieurs segments de la révolution.

Désigné au bureau politique du FLN en 1964, il s’oppose au coup d’État de Houari Boumédiène en 1965 et lance, en compagnie de Mohammed Harbi, Bachir Hadj Ali et d’autres, l’Organisation de la résistance populaire (ORP).

Comme tant d’autres dirigeants de la révolution, à l’image de Ferhat Abbas, il est fait prisonnier, torturé et assigné à sa résidence dans le Sud du pays.

En 1971, il réussit à s’évader et s’exile en France. Une expérience qu’il vit difficilement. À l’arrivée de Chadli Bendjedid au pouvoir en 1979, il regagne le pays et se livre à ce qu’il aime faire le plus : promouvoir les droits de l’Homme.

Hocine Zehouane, un discret et grand révolutionnaire, s’en va

C’est à ce titre d’ailleurs qu’il lance en 1985 avec le défunt Ali Yahia Abdenour la première Ligue de défense des droits de l’Homme (LADDH).

Depuis, il ne cesse de défendre les prisonniers d’opinions. Durant le hirak, Hocine Zehouane ne ratait aucune manifestation à Alger.

Amateur des arts et de la littérature, il s’intéressait beaucoup aux questions sociales et prodiguait ses conseils à tous les jeunes animateurs du mouvement associatif, sans chercher la lumière, ni la reconnaissance.

À ceux qui l’invitaient à écrire ses mémoires, lui acteur privilégié d’une des séquences les plus prestigieuses de l’histoire de l’Algérie, il avouait modestement ne pas pouvoir « prendre le recul nécessaire ».

Il préférait plutôt porter un regard critique sur les péripéties de la révolution et sur l’évolution du pays après l’indépendance, plus utiles à ses yeux pour placer le pays sur la trajectoire de l’émancipation et du développement.

Effacé ces dernières années, notamment en raison des soucis de santé, il part avec le sentiment du devoir accompli vis-à-vis de son pays qui ne lui a peut-être pas rendu tous les égards qu’il mérite.

À charge pour ceux qui ont côtoyé cet homme discret, de conviction, de perpétuer son combat en faveur des droits de l’Homme.

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