Je ne fais pas partie de la génération de Mourad Medelci qui nous a quittés ce lundi matin, avant d’atteindre ses 76 ans. Il avait succédé à mon père, à la tête de la SNTA, en juin 1977. Je l’ai connu à la défunte ENSAG en 1991-1992 où il assurait des cours de finances et de stratégie industrielle, pendant que le regretté Smail Kerdjoudj, ancien Secrétaire général du Ministère des transports, enseignait l’histoire de l’Algérie contemporaine, et que de mon côté, je dispensais un cours de droit public et de droit commercial pour les futurs cadres supérieurs de l’État. Nous faisions partie des mêmes jurys pour les épreuves orales auxquelles étaient soumis les candidats
Mourad Medelci a été un grand commis de l’État qui a assumé des responsabilités de tout premier ordre dans l’appareil de l’État : PDG d’entreprises publiques, conseiller à la Présidence, ministre en charge de deux postes régaliens : les Finances et les Affaires Étrangères. À ce titre, il a porté haut la parole de l’Algérie et a été le premier diplomate à subodorer les conséquences dramatiques de l’intervention des forces occidentales en Libye en 2011. Il avait eu la prescience des évènements, et plus tard, c’est la parole de l’Algérie qui était citée comme référence pour l’analyse du conflit libyen. Au Ministère des Finances, comme le dit sur sa page Facebook, l’ancien Ministre du Budget, Ali Brahiti, il était apprécié pour ses qualités professionnelles, sa capacité de travail, le management participatif qu’il avait réussi à instaurer au sein de ses équipes et surtout pour ses immenses qualités humaines. C’est durant son passage à la tête du Ministère des Finances que d’importantes réformes ont été adoptées pour améliorer l’intermédiation financière des banques ou stimuler le marché financier ; toutefois les résistances des groupes de pression étaient très puissantes et la tâche qui lui revenait était particulièrement ardue. Mourad Medelci aimait profondément son pays et avait toujours souhaité le servir dans les sommets de l’État, car il était porté par la conviction que les changements de structure devaient être impulsés par le sommet, tout en étant expliqués et justifiés. Il n’a pas toujours été écouté et suivi mais sa détermination à propulser notre pays aux avant-postes n’avait jamais été altérée.
Sa fonction de Président du Conseil Constitutionnel fut un véritable sacerdoce dont il a pu s’acquitter grâce à son sens du compromis, de la synthèse et sa capacité à transcender les conflits mineurs afin de conserver au Conseil constitutionnel son magistère intellectuel et moral. Mourad Medelci n’avait eu de cesse d’œuvrer à l’amélioration de la forme des décisions du Conseil, de ses avis et de leur motivation, en invitant ses collègues à approfondir la dimension comparative et à en soigner sans cesse le style. Bien que sa latitude fût limitée dans certains cas de contrôle de la conformité des lois à la Constitution, il s’est constamment efforcé de trouver le modus operandi le plus adéquat pour concilier le contenu des textes de loi à la téléologie de la constitution.
Je garde de Mourad Medelci le souvenir d’un homme d’une rare bienveillance, dont la porte du bureau était toujours ouverte, plein d’empathie à l’égard de toutes celles et de tous ceux qui traversaient épreuves et tragédies, alors que lui ne parlait jamais de ses doutes, de ses angoisses de ses appréhensions et enfin de cette terrible maladie qui l’a emporté.
Jamais, il n’a porté atteinte au droit de quiconque, à commencer par le plus modeste salarié de l’institution, jamais il n’a manqué de respect à qui que ce soit. Il n’a jamais sanctionné. C’était ce qu’on appelle un homme de cœur. Son souvenir restera vivant très longtemps dans la mémoire de celles et de ceux qui l’ont connu et ont eu le privilège de travailler sous son autorité.
L’Algérie vient de perdre en la personne de Mourad Medelci un homme politique de stature internationale, un serviteur de l’État et un profond humaniste.
Que le Tout puissant lui accorde toute sa miséricorde et son pardon et l’accueille en son vaste paradis. J’adresse mes condoléances les plus attristées et les plus émues à son épouse, ses enfants et petits-enfants.
*Ali Mebroukine, universitaire.