Économie

Importations, 2027… : Ce qu’a dit Tebboune aux patrons algériens

Nouvelle rencontre du président de la République Abdelmadjid Tebboune avec le monde des affaires et de l’investissement en Algérie durant laquelle il a annoncé la fin d’Algex et fixé le cap pour 2027.

Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé ce dimanche 13 avril devant les opérateurs économiques algériens. Organisée par le Conseil du renouveau économique algérien (Crea), la rencontre de cette année, tenue au Centre international des conférences (CIC) d’Alger, est placée sous le slogan : « Algérie 2025, année du succès économique ».

Pour résumer, le chef de l’État a fait le constat du « verre à moitié plein ».

Bien que des avancées aient été réalisées ces dernières années, avec même quelques « miracles », ce n’est pas encore le plein succès et certaines des entraves qu’il dénonce depuis son premier mandat sont toujours là.

Du moins pour libérer les exportations, Abdelmadjid Tebboune a pris une décision radicale, décrétant la fin de mission d’Algex, l’Agence algérienne de promotion des exportations, dont le fonctionnement jugé « bureaucratique » a été dénoncé ces dernières années par de nombreux opérateurs économiques algériens.

Algérie : Tebboune et le CREA dénoncent de nouveau les lenteurs bureaucratiques

Les entraves qui persistent ont été signalées dans son allocution inaugurale par Kamel Moula, président du Conseil du renouveau économique algérien (CREA), organisateur de la rencontre.

Kamel Moula a souligné que certaines administrations et banques ne jouent toujours pas le jeu.  Evidemment, tout n’est pas noir, bien au contraire.

Le président Tebboune a entamé son discours par le rappel des réalisations obtenues lors de son premier mandat et en ce début du second : une forte croissance (4,1% en 2023 et 3,9 ou 4% en 2024), une industrialisation croissante (de 3% du PIB en 2019 à 6 ou 7 % actuellement avec la perspective d’atteindre 18% à terme), hausse des exportations hors hydrocarbures…

Ces dernières années, 740 000 postes d’emploi ont été créés et 13 700 projets d’investissement, dont la moitié dans l’industrie et 21% portés par des étrangers, sont inscrits au niveau de l’Agence algérienne de promotion des investissements (AAPI).

Le pays s’attèle désormais à réaliser l’objectif de rejoindre le club des pays émergents en 2027 avec un PIB dépassant les 400 milliards de dollars. Selon le président Tebboune, l’Algérie a même le potentiel de devenir la deuxième, voire la première économie d’Afrique. Actuellement, elle occupe la 3e place derrière l’Afrique du sud et l’Egypte.

Les performances sont non négligeables mais elles auraient pu être meilleures la bureaucratie, comme celle d’Algex et des « autres dinosaures ».  

Le président a de nouveau haussé le ton, comme il l’a fait à plusieurs reprises ces cinq dernières années, contre ce phénomène qui a décidément la peau dure.

« Il y a encore des dysfonctionnements dans certaines institutions de l’État qui ne se sont pas adaptées à la nouvelle dynamique », a-t-il regretté, imputant les lenteurs de certaines administrations à la « nostalgie du passé » qu’ont encore certaines administrations et assimilant ces pratiques à du « sabotage ».

Heureusement, a toutefois tempéré le président Tebboune, il s’agit de pratiques marginales.

Bien que la création de l’AAPI soit saluée comme un acquis, Abdelmadjid Tebboune a regretté qu’elle ne soit pas encore un guichet unique.

« Cela fait plus de trois ans que j’appelle au guichet unique », a-t-il rappelé, soulignant que cette idée, qui constitue la « solution radicale » pour sortir de la bureaucratie, n’est pas complètement « absorbée ».  

Le chef de l’État a estimé qu’il impératif que toute la procédure pour lancer un projet d’investissement en Algérie se fasse dans le même local, y compris l’octroi de l’assiette foncière.

À ce sujet, il a estimé anormal que des assiettes soient vendues à 35 000 dinars le mètre carré aux investisseurs. « C’est de la spéculation et l’Etat ne spécule pas ! », a-t-il dénoncé.

Tebboune : « À partir d’aujourd’hui, il n’y a plus d’Algex ! »

 S’agissant d’Algex, censée promouvoir les exportations, le président Tebboune a carrément décrété sa fin. « A partir d’aujourd’hui, il n’y a plus d’Algex ! », a-t-il annoncé, déclenchant une longue ovation des opérateurs économiques présents.

Il a expliqué que cette agence, qu’il a qualifiée d’ « instance du jurassique », a été créée en 2004, au moment où l’Algérie n’avait rien à exporter, et n’est donc plus adaptée avec son fonctionnement bureaucratique à la nouvelle situation où l’économie algérienne se diversifie et aspire à placer ses produits sur les marchés internationaux.

Censée encourager les exportations, Algex s’occupe de l’importation, s’est étonné le président Tebboune.

« Les États modernes ne fonctionnent pas ainsi. Ils fonctionnent comme une mécanique qui broie quiconque essaie de l’arrêter », a-t-il mis en garde.

Aussi, Tebboune a annoncé la mise en place de deux nouvelles instances, une dédiée à l’importation et une autre à l’exportation. Elles seront au menu de la prochaine réunion du gouvernement et seront prêtes fin mai prochain.  

Par le passé, l’Algérie a fait face au phénomène de la surfacturation des importations, œuvre de « voyous » qui profitent aujourd’hui de l’argent ainsi détourné « sous la protection des pays qui les hébergent ».

 Aujourd’hui, a regretté le président Tebboune, c’est le problème de la « sous-facturation » des exportations qui se pose, avec toujours le même objectif de placer de l’argent dans des comptes à l’étranger.

Abdelmadjid Tebboune a souligné une autre anomalie de l’économie algérienne, à capitaux privés à 85% mais financée à 90% par des banques publiques.

Évoquant les lenteurs bancaires dénoncées par les opérateurs, il a reconnu  que les banques algériennes sont plus des « guichets publics, que des banques », mais il a avoué qu’il ne peut pas demander à des banques publiques de ne pas exiger des garanties.

Pour lui, la solution est dans la création d’établissements bancaires privés. L’ouverture du capital de certaines banques publiques, qui pourrait aller jusqu’à 49/51%, va dans ce sens, a-t-il dit.

L’autre segment sur lequel travaille l’Algérie pour la promotion des exportations est la renégociation de l’accord d’association avec l’Union européenne, pour faire de la place aux produits algériens. Bruxelles a accepté l’idée.

« Nous considérons tous les pays européens comme des pays amis. Nous avons besoin d’eux et ils ont besoin de nous », a assuré le président de la République.

La diversification de l’économie algérienne et l’encouragement des exportations hors hydrocarbures sont d’autant plus une nécessité que les prix du pétrole et du gaz sont volatiles et certains Etats « manœuvrent sur les cours ».

L’objectif est de réduire la dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures. La diversification de l’économie et des exportations passe par l’émergence d’une « nouvelle génération d’hommes d’affaires qui va nous faire oublier le passé douloureux fait de détournements et de corruption », a assuré le chef de l’État.

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