Économie

La Chine mise sur l’Algérie comme une nouvelle porte vers l’Europe

La Chine incite ses champions industriels à investir à l’international dans des pays considérés comme amis pour produire et contourner les obstacles dressés à ses produits par les pays occidentaux.

Proche de l’Europe et portée d’entrée de l’Afrique, l’Algérie qui fait partie de ces pays considérés « amis » par la Chine offre des avantages importants aux investisseurs chinois.

À Alger, les diplomates et entreprises chinoises s’activent à expliquer la nouvelle politique chinoise en matière d’investissement à l’étranger. La stratégie des géants industriels de l’ex-Empire du Milieu est de produire en Algérie en partenariat avec des entreprises locales afin d’exporter vers l’Europe, l’Afrique et même l’Amérique.

Pour les entreprises chinoises, le moment est venu de s’internationaliser

 « Les entreprises chinoises sont convaincues qu’il faut sortir de Chine. Il y a une politique du gouvernement chinois de favoriser les entreprises chinoises pour investir à l’étranger, dans des pays amis, pour contourner les blocages, les politiques des quotas et les taxes sur les produits mises en place par les pays occidentaux », explique à TSA, un homme d’affaires algérien.

Cette nouvelle orientation des dirigeants chinois s’est une nouvelle fois confirmée lors du traditionnel sommet Chine-Afrique s’est tenu la semaine passée à Pékin, avec toujours la même promesse d’une prospérité partagée entre l’empire du milieu et le continent africain.

Les avantages de produire en Algérie pour la Chine 

Avec l’Algérie particulièrement, la Chine a beaucoup à gagner, mais aussi à apporter. Le partenariat gagnant-gagnant entre les deux parties se concrétise progressivement à travers des investissements dans des projets industriels et d’infrastructures.  En plus de la proximité de l’Europe avec qui l’Algérie est liée par un accord d’association, produire en Algérie offre de deux grands avantages aux entreprises chinoises.

Le premier est la réduction des frais d’expédition des marchandises, le second est que les produits sont entièrement algériens, ce qui signifie qu’ils peuvent échapper aux taxes et droits de douanes imposés par l’Occident aux produits chinois, dans le cadre de la guerre commerciale que se livrent les deux parties. Une stratégie que les entreprises chinoises applique déjà au Mexique pour atteindre le marché américain.

L’entente politique aidant, l’Algérie s’est tournée ces dernières années vers la Chine pour la concrétisation de plusieurs de ses grands projets de développement, comme l’exploitation des gisements de fer de Gara Djebilet avec notamment un investissement d’un milliard de dollars dans une usine de traitement de minerai de fer à Béchar. Les Chinois sont aussi engagés dans l’exploitation de la mine de phosphate de Tébessa, dans les chemins de fer, l’industrie automobile…

Les Chinois ne sont plus que dans les chantiers de logements et d’infrastructures comme dans les années 2000 et 2010.

La partie chinoise commence à apporter évidemment des capitaux et surtout un savoir-faire que l’Algérie n’a pas. Les Chinois ont par exemple une longue expérience dans la pose de rails en milieu désertique et leur technologie s’avère utile pour les projets similaires en cours en Algérie, un pays qui ambitionne de mailler son Sahara et de faire parvenir le train jusqu’à Adrar et Tamanrasset.

Les Chinois refusent de vendre la technologie. Leur approche consiste à venir produire localement en partenariat avec des groupes algériens.

Dans les biens de consommation, les entreprises chinoises se mettent aussi peu à peu à la production effective en Algérie. Outre les Italiens qui ont lancé l’activité de montage de véhicules à l’usine Fiat d’Oran, les constructeurs chinois Geeely et Chery sont aussi très attendus avec leurs unités en réalisation. L’Algérie compte beaucoup sur le savoir-faire chinois dans l’industrie automobile qui s’affirme de plus en plus sur les marchés mondiaux.

Le géant automobile chinois BYD pourrait lui aussi entamer la production de voitures électrique en Algérie dans le cadre d’un partenariat avec Condor. Le géant chinois discute avec le groupe privé algérien de l’éventualité d’implanter une usine de production des véhicules en Algérie, a indiqué à TSA le patron de Condor Abderrahmane Benhamadi.

Le savoir-faire des entreprises chinoises s’affirme aussi dans l’électroménager et Condor compte ouvrir une grande usine de compresseurs pour réfrigérateurs, toujours en partenariat un groupe chinois, avec lesquels le groupe algérien basé à Bordj Bou Arreidj a de nombreux autres projets, en téléphonie mobile et dans la production de batteries au lithium pour voitures électriques et smartphones. Condor va lancer une autre usine de production de climatiseurs avec le Chinois Hisense, dont l’objectif est d’exporter vers l’Europe.

Investissements : l’Algérie un pays « ami » pour la Chine

L’Algérie peut bénéficier énormément des capitaux et de la technologie des opérateurs chinois pour amorcer une véritable industrie dans les technologies de pointe.

La nouvelle stratégie des autorités pour la diversification de l’économie porte sur l’encouragement de certaines filières agricoles et industrielles, des startups et l’économie de la connaissance, du tourisme…

La Chine a su profiter de la délocalisation de leurs usines par de grands groupes occidentaux, attirés par les atouts du pays, comme la disponibilité d’une main d’œuvre par très coûteuse.

Elle est aujourd’hui un géant industriel et leader mondial dans plusieurs domaines. L’expérience peut être reproduite en Algérie qui dispose d’avantages comparatifs importants, à travers l’installation d’usines chinoises.

Les Chinois ont aussi beaucoup à gagner par leur présence en Algérie. À travers par exemple le projet d’exploitation du gisement de Gara Djebilet, ils aspirent à réduire leur dépendance en minerai de fer et acier de l’Australie, premier producteur mondial.

La mine de Tindouf dispose de réserves qui comptent parmi les plus importantes au monde, environ trois milliards de tonnes. Il s’agit donc pour la Chine d’un investissement stratégique.

Dans les autres industries aussi, il n’y a pas que l’Algérie qui gagne. La nouvelle stratégie chinoise est d’installer des unités de production dans des pays disposant d’avantages comparatifs (pour continuer à produire à moindre coût) et contourner dans le même temps les entraves que dressent certains pays occidentaux devant les marchandises chinoises à travers notamment une forte taxation à la douane.

En produisant en partenariat et avec un fort taux d’intégration en Algérie, celle-ci et la Chine auront tout à gagner, la première en récupérant des emplois et en diversifiant ses exportations, la seconde en contournant les embûches que lui mettent les Européens et les Américains.

Pour les Chinois, il s’agit aussi d’une manière de réduire les coûts pour certains produits dont le transport coûte cher. C’est le cas par exemple des réfrigérateurs, d’où tout l’intérêt du projet envisagé avec le groupe Condor. L’Algérie offre aussi une porte d’entrée directe sur les marchés d’Afrique du Nord, de certains pays arabes et de l’Afrique subsaharienne.

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