L’Algérie et la France traversent une grave crise, peut-être la plus grave depuis l’indépendance de l’Algérie.
Cette énième brouille, qui dure depuis l’été dernier, risque de durer et de dégrader davantage la relation bilatérale, estiment dans leurs écrits plusieurs titres de la presse française.
L’ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, a été convoqué au ministère algérien des Affaires étrangères où il lui a été signifié les protestations et les mises en garde de l’Algérie sur fond d’accusations contre les services de renseignements français dans une tentative de déstabilisation de l’Algérie.
Dans un reportage diffusé par la chaîne publique algérienne AL24 News, un ancien terroriste a affirmé avoir été approché par les services français pour constituer des réseaux terroristes en Algérie.
La convocation de l’ambassadeur de France a été révélée dimanche 15 décembre par plusieurs médias algériens, dont le journal public El Moudjahid.
Dans leurs écrits sur cette affaire, de nombreux médias français évitent de trop la commenter. Ils constatent toutefois que la relation est à un niveau de dégradation jamais atteint.
Pour la presse française, il s’agit d’un nouvel épisode, le plus aigu, de la succession de crises qu’ont connu les relations entre les deux pays ces dernières années.
La convocation de l’ambassadeur de France survient en effet alors que l’Algérie est sans ambassadeur en France depuis fin juillet dernier et la représentation algérienne est gérée par un chargé d’affaires.
Alger a procédé au retrait de l’ambassadeur Saïd Moussi après la décision de la France de reconnaître la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental.
Fin octobre, le président Emmanuel Macron a enfoncé le clou en effectuant une visite à Rabat pendant laquelle il a réitéré solennellement la nouvelle position de son pays.
En novembre, la crise s’est aggravée avec l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à l’aéroport d’Alger.
L’écrivain est incarcéré et poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’intégrité du territoire national suite à de graves propos sur les frontières algériennes.
Dans une interview à un média d’extrême-droite en octobre, Sansal avait soutenu que le territoire marocain avait été tronqué par la France coloniale au profit de l’Algérie.
"Froid polaire« , »escalade« , »nouveau palier" : la presse française décrit la crise avec l’Algérie
Depuis son arrestation, l’écrivain est soutenu avec véhémence par l’extrême-droite française.
Par son obsession anti-algérienne, ce courant a lourdement pesé dans la dégradation continue de la relation entre Alger et Paris.
Outre ses attaques contre l’immigration algérienne et son refus de toute « repentance » de la France sur son passé colonial en Algérie, l’extrême-droite et la droite dure ont maintenu la pression pour un « rééquilibrage » de la politique maghrébine de la France alors qu’Emmanuel Macron était plutôt proche d’Alger que de Rabat.
La reconnaissance de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental a été très lourde de conséquences sur la relation bilatérale.
Prévue pour cet automne, la visite du président Abdelmadjid Tebboune en France a été annulée.
Les deux capitales ont même failli en arriver à la rupture des relations commerciales en novembre dernier, rappelle France Info dans un article sur ce « nouvel épisode qui s’inscrit dans une crise qui couve depuis l’été ».
Pour le média français, il s’agit d’un « épisode révélateur du climat polaire qui règne ces derniers mois entre les deux pays ».
Pour Le Monde c’est « un nouveau palier » qui est franchi avec la convocation de l’ambassadeur de France à Alger.
« La dégringolade se poursuit, inexorablement. Un nouveau palier vient d’être franchi dans la détérioration de la relation franco-algérienne », écrit Le Monde après l’annonce par la presse algérienne, dimanche 15 décembre, de la convocation de Stéphane Romatet au ministère algérien des Affaires étrangères.
« Rien ne va plus entre Paris et Alger. Les deux capitales accumulent les brouilles diplomatiques, et une nouvelle affaire risque de tendre davantage les relations bilatérales », renchérit Courrier international.
Le Point évoque de son côté une « nouvelle escalade », soulignant que « de graves accusations ont été lancées par Alger contre Paris dans le contexte d’une crise qui risque de s’aggraver ».
Pour Marianne, il s’agit de « l’ultime preuve que les relations entre les deux pays sont loin d’être au beau fixe ».