Consommation

La crise du lait refait surface, malgré les menaces et les promesses

La crise du lait en sachet est de retour en Algérie. Depuis quelques jours, la population éprouve des difficultés à se procurer un sachet de lait. Les scènes des files d’attente, au plus fort de la pandémie du Covid-19, sont à nouveau visibles ces temps-ci, au grand dam des citoyens.

Des pères de familles sont obligés de prendre sur leur temps de travail pour « faire la chaîne » pour acheter un sachet de lait quand ils ne sont pas forcés de prendre en sus du lait pasteurisé un sachet de lait de vache, une vente concomitante interdite par la loi mais que certains commerçants enfreignent allègrement.

« Normalement, on va aller travailler et non pas partir à la recherche d’un sachet de lait », s’offusque un père de famille à Batna comme on peut le voir dans cette vidéo.

Non seulement, il doit être patient, mais aussi se contenter d’un seul sachet de lait. « J’ai quatre enfants, un sachet nous suffira-t-il ? », s’agace-t-il, l’air résigné.

Un autre dénonce le manque d’organisation des files d’attentes et la cacophonie qui accompagne la vente, un autre s’inquiète que la distanciation physique qui n’est pas respectée, ce qui expose les clients à la contamination au Covid-19.

Une dame est interloquée de constater que des commerçants refusent de vendre le lait malgré sa disponibilité. « Les commerçants nous disent toujours qu’il y en n’a pas, alors que c’est visible », dénonce-t-elle. La promesse de résorber la crise du lait qui dure depuis des années mais qui a été accentuée au début de l’épidémie de la Covid en Algérie, commence à déchanter et désespérer les ménages. «Depuis une année qu’on nous promet d’en finir avec cette crise, elle est toujours là », fulmine un père de famille.

Quid des menaces du ministre du Commerce ?

Cela fait, en effet, presque une année, en janvier dernier que le ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait sévèrement averti  les producteurs de lait indélicats de poursuites judiciaires dans le cas où ils persistaient dans leurs pratiques nuisibles à la fois au citoyen et à l’économie algérienne.

Fraîchement désigné au département du Commerce, Rezig avait appelé les citoyens à patienter encore dix jours avant le règlement définitif du problème de la spéculation sur les sachets de lait. Une année après, la crise sévit toujours. « Celui qui veut tester la force de l’État qu’il soit simple commerçant, commerçant de gros, distributeur ou agent en situation de monopole ou bien salarié, il verra la force de l’État », avait-il prévenu.

« Nous demanderons (aux producteurs de lait) d’installer des points de vente pour vendre directement au citoyen. En attendant, les ministères du Commerce et de l’Agriculture se doteront d’un système d’information qui permet de suivre le circuit du gramme de poudre de lait depuis le début jusqu’à la fin », avait-il planifié.

En avril 2020, le Premier ministre Abdelaziz Djerad annonçait des mesures pour mettre un terme à la pénurie de lait en sachet, notamment en augmentant les quantités de poudre de lait fournies par l’Office national interprofessionnel du lait (Onil) aux laiteries publiques et privées. « Ces mesures seront accompagnées d’une application rigoureuse de la loi contre tous ceux qui détournent la poudre de lait subventionnée », avait menacé le Premier ministre.

« Comme tous les produits subventionnés, le lait fait la richesse des lobbies »

La récurrence du problème de pénurie du lait en sachet dure depuis des années, rappelle le président de l’Apoce, Mustapha Zebdi, pointant du doigt les « lobbies ».

« C’est un problème de fraude et de subvention », résume-t-il, dans une déclaration à TSA. Et si les ménages ont encore à subir la pénurie du lait en sachet et la vente concomitante (des sachets de lait pasteurisé contre un sachet de lait de vache), M. Zebdi souligne que « c’est parce qu’on a négligé de régler une partie des problèmes« , notamment la révision à la hausse la marge bénéficiaire des distributeurs et des commerçants.

S’agissant de la subvention, le président de l’Apoce suggère d’orienter cette dernière directement aux familles démunies. « Si on veut solutionner le problème du lait, on subventionne directement les familles » démunies, propose-t-il.

«  Le lait comme tous les produits subventionnés fait la richesse des lobbies. Ces derniers vont résister et feront tout pour préserver leur intérêt même à créer des crises », accuse-t-il sans ambages.

Des enquêtes menées par l’Apoce ont révélé, selon M. Zebdi, des pratiques accablantes. Le président de l’Apoce réclame par ailleurs plus de traçabilité dans l’acheminement de la poudre de lait. À cet effet, M. Zebdi propose que la loi stipulant d’introduire des quantités infimes d’amidon de maïs (une sorte de mouchard) dans la poudre de lait soit appliquée en amont c’est-à-dire à l’import, et pas au niveau des laiteries comme le prévoit le texte, pour mieux suivre la traçabilité de la poudre et du lait et prévenir les détournements (productions de yaourts et autres produits dérivés du lait).

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