Société

« La petite Casbah », un dessin animé sur l’Algérie, divise en France

Même un dessin animé pour les 6-10 ans, pédagogique de l’avis des spécialistes, ne passe pas. “La petite Casbah” une série animée diffusée sur France 4 et racontant le quotidien d’enfants pendant la guerre d’Algérie est dans le viseur des milieux extrémistes et identitaires français.

La série écrite par Alice Zeniter, Alice Carré et Marie de Banville et réalisée par Antoine Colomb, est diffusée depuis lundi 28 octobre à 18h45 sur France 4, et sur la plateforme gratuite Okoo.

Elle retrace les aventures d’un groupe d’enfants de 10 à 12 ans, Lyes, Khadidja, Ahmed et Philippe. 

Les évènements se déroulent en juin 1955. Khadija arrive de Kabylie pour rejoindre son frère Malek installé à la Casbah, le vieux quartier de la capitale algérienne. L’intrigue tourne autour de l’arrestation de Malek par la police et les tentatives de sa sœur et de ses amis pour retrouver ses traces et déchiffrer un message codé qu’il a transmis avant son arrestation. 

La série subjugue public et critique. “Petite Casbah revient avec pédagogie et sans tabous sur les réalités de la colonisation et les prémices de la guerre d’indépendance”, écrit le magazine spécialisé Télérama.

 

Le Parisien est encore plus élogieux. “Petite Casbah, bijou animé en six épisodes (…) est une formidable histoire d’amitié” qui “ raconte comment, dans ce monde qui devient dangereux, un groupe d’enfants issus de communautés différentes parvient à faire cabane commune”, reconnaît le quotidien français à propos de cette “formidable série animée sur l’Algérie juste avant la guerre”. 

Mais la série ne suscite pas que des éloges en France. Le courant extrémiste et identitaire n’en veut pas en effet. 

Le site identitaire Français de souche a dénoncé “une série animée de propagande anti-française pro-FLN à l’occasion de l’anniversaire des 70 ans de la Toussaint Rouge”, en référence à la coïncidence de la diffusion du dessin animé avec la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 1er novembre. 

France : les extrémistes vent debout contre « La petite Casbah »

Le fondateur du site, Pierre Sautarel, a déversé son fiel en interpellant le ministre de l’Intérieur pour interdire la série. “Bonjour monsieur Bruno Retailleau. Comment l’Etat peut s’étonner que les jeunes attaquent la police et brûlent les commissariats quand le service public finance et diffuse ça auprès des enfants ?”, a écrit sur X le militant extrémiste.

“Les amis, voici vos impôts”, a simplement commenté l’influenceuse controversée Mila en reprenant le tweet du site raciste. 

“Voilà comment le service public diffuse sa propagande  auprès de nos enfants … c’est clairement de l’incitation à la haine ni plus ni moins dès le plus jeune âge”, a appuyé sur X l’influenceuse pro Rassemblement national (RN), Elisa64.

L’avocat et juriste Anton Struve reproche au service public français d’avoir “choisi une approche éducative qui rappelle des méthodes utilisées dans des contextes conflictuels pour modeler l’esprit des jeunes générations”, criant à “la palestinisation de la société française à bas bruit”.

Cette montée au créneau des milieux anti-algériens était “tellement prévisible” pour la journaliste Pascale Paoli-Lebailly, écrivant : “Que l’excellent Petite Casbah suscite des réactions, c’est légitime, mais quand on lit ceux qui réagissent on ne s’en étonne pas.”

Dominique Dumoulin, activiste antiraciste, a regardé le premier épisode et a rendu son verdict : “Excellent dessin animé qui n’est nullement une charge contre la France.”

“Maintenant, écrit-il sur X, si l’extrême droite ne veut pas qu’on parle de la période coloniale de la France aux enfants, il va falloir interdire Albert Camus…”.

 

Face à la polémique, France Télévisions a défendu l’œuvre et son approche. 

« Notre rôle est d’éveiller les consciences. Cette série ne prétend pas détenir la vérité historique, mais elle offre un regard, celui d’une génération en quête de sens et de dialogue », a affirmé un responsable du groupe audiovisuel public auprès du Journal du Dimanche.

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