Économie

L’Algérie boude le blé français, voici les raisons

Après les moissons de l’été, les pays producteurs de blé commencent à dresser un premier état de leurs exportations. Dans le cas de la filière française, les professionnels font triste mine. En cause, notamment la faiblesse des exportations vers l’Algérie et leurs répercussions sur la balance commerciale française.

FranceAgriMer, l’établissement public sous la tutelle du ministère français de l’Agriculture, confirme ces jours-ci l’absence d’exportations de céréales françaises à destination de l’Algérie, l’un des plus grands importateurs de blé au monde.

Pourquoi l’Algérie importe moins de blé de France ?

Un constat qui porte sur les exportations des derniers mois mais également celles à venir. Le journal La FranceAgricole reprend ces préoccupations et cite notamment Benoît Piétrement, le président du Conseil spécialisé marchés céréaliers de FranceAgriMer.

Pour ce professionnel, l’explication résiderait par deux facteurs :  relations diplomatiques « tendues » entre les deux pays et la « concurrence d’autres pays producteurs par rapport à l’origine française a pu s’installer depuis la mauvaise récolte de 2016 ».

Toujours, selon Benoît Piétrement, « le marché algérien est presque complètement fermé à l’origine française » malgré le fait que « les exportateurs français continuent à proposer des offres, mais l’Algérie ne procède à aucun achat de blé français ».

Face à l’incertitude du marché mondial, pour sa part l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) privilégie la diversification de ses sources d’approvisionnements. En juillet 2022, Nacerddine Messaoudi, le secrétaire général de l’office, déclarait à l’agence APS : « Nous sommes passés de 22 à 32 fournisseurs ».

En octobre 2024, suite à une information de l’agence britannique Reuters et de sites spécialisés français sur l’exclusion du blé français d’un appel d’offres algérien, l’OAIC a publié un communiqué indiquant que « les informations, diffusées par certains médias européens, concernant l’exclusion présumée de certains fournisseurs de la liste restreinte, conformément aux procédures internes de l’OAIC, étaient infondées ».

Crainte pour la balance commerciale française

Le président du Conseil spécialisé marchés céréaliers de FranceAgriMer revient sur les volumes de la dernière récolte de blé en France.

Des quantités en baisse du fait de conditions météorologiques difficiles : « Sur cette année, c’est un moindre mal, car peu de volumes sont disponibles, mais cela risque de poser problème les années suivantes, la situation ne semblant pas s’améliorer ».

L’Association générale des producteurs de blé (AGPB) s’inquiète aussi de la baisse des exportations françaises. Celle-ci s’établit autour de 9,7 millions de tonnes (Mt).

« Par rapport à un chiffre de 15-16 Mt habituellement, cela représente une nette baisse », note Philippe Heusele, le secrétaire général de l’AGPB lors de rencontres avec la presse spécialisée.

Une baisse qui n’est pas sans conséquence pour la balance commerciale de la France. « En 2022, les exportations de céréales représentaient 11 milliards d’euros de recettes. L’année suivante, ce chiffre est descendu à 6,5 milliards d’euros, et il sera encore inférieur en 2024 », déclare-t-il.

Le blé français victime d’une forte concurrence du blé ukrainien

La filière française doit également composer avec la concurrence du blé ukrainien. L’AGPB a renouvelé sa demande de rétablissement de droits de douane sur les importations en provenance d’Ukraine

Ce syndicat de producteurs de blé s’inquiète des volumes des importations ukrainiennes vers l’Union européenne (UE).

Philippe Heusele de l’AGPB s’alarme que : « Courant 2021, l’Ukraine exportait 150 000 t de blé tendre vers l’UE. En 2023, ce chiffre se portait à 7 000 000 t ».

La cause revient à la suppression des droits de douane de 95 €/tonne sur les blés ukrainiens suite au déclenchement de la guerre avec la Russie en février 2022.

Aujourd’hui, déclare le président des céréaliers français, « les flux de grains s’écoulent à peu près normalement depuis l’Ukraine à présent, et il n’y a donc pas de raison de maintenir cette exemption ». Une déclaration qui intervient dans un contexte de menace des syndicats paysans de bloquer Paris avec leurs tracteurs.

Filière algérienne, produire plus de blé pour moins importer

Au-delà de sa diversification de ses fournisseurs, l’Algérie s’est lancée dans un programme de relance de la production de céréales (blé, orge, maïs) à travers le développement de la culture de céréales au sud sous pivot et dans un soutien accru aux agriculteurs au nord du pays. Un soutien qui s’est encore manifesté à travers les indemnisations des agriculteurs affectés par la sécheresse de 2023.

A ce programme de développement des céréales sont associées différentes entreprises étrangères productrices d’intrants. C’est le cas de la filiale Timac Agro du groupe français Roullier pour les engrais ou Bayer, Basf, Syngenta pour les produits phytosanitaires et les semences.

Le défi de la filière céréales algérienne est d’augmenter les rendements comme souligné, à plusieurs occasions, par le président Abdelmadjid Tebboune.

Aujourd’hui, le potentiel local en chercheurs spécialisés en agronomie est important. En novembre dernier, Ali Daoudi de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie d’El Harrach faisait le vœu sur la Radio algérienne d’une plus grande coordination entre l’université et les services agricoles.

Il faisait remarquer qu’en absence de cette coordination, « l’université avait tendance à atomiser son travail », une situation ne permettant pas d’accumuler des résultats sur « une filière en particulier ».

Aussi appelait-il de ses vœux à une « fédération des efforts autour des questions prioritaires ».

Entre recherche d’une meilleure intégration de l’élevage ovin à la culture des céréales dans le but de préserver la fertilité des sols ou de l’intérêt du colza dans les rotations comme moyen de lutter contre les mauvaises herbes en zone céréalière, les questions sont nombreuses et complexes.

Un moyen de produire plus de céréales et donc d’être moins dépendant des importations, d’où qu’elles viennent.

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