On croyait avoir tout vu ces huit derniers mois et que la crise entre l’Algérie et la France était définitivement désamorcée par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron.
La précédente crise avait officiellement pris fin le 6 avril dernier, avec la visite de Jean-Noël Barrot et les annonces optimistes qui ont couronné ses entretiens avec son homologue Ahmed Attaf et le président Abdelmadjid Tebboune.
Finalement, la trêve n’a été que de courte durée et la nouvelle crise, qui vient d’éclater entre les deux pays, est encore plus violente que la précédente et son issue nettement plus incertaine que la précédente, d’autant qu’une tierce partie, à savoir la justice française, s’est invitée dans la dispute, avec l’affaire Amir Dz dans laquelle un agent consulaire algérien a été arrêté.
Depuis 48 heures, les événements s’accélèrent dans le nouvel épisode de tensions entre l’Algérie et la France et les deux pays glissent dangereusement vers la rupture.
Entre Alger et Paris, c’est hélas, bien plus qu’une brouille, par la faute d’une partie de la classe politique française décidée à tordre le cou à la relation bilatérale entre deux grands pays de la Méditerranée qui partagent en commun une communauté à nulle autre pareille en taille.
Action néfaste du courant extrémiste en France
Il y a moins de dix jours, dimanche 6 avril, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot était à Alger pour une visite qui devait acter le retour à la normale entre l’Algérie et la France après huit mois d’une crise sans précédent.
Une semaine plus tôt, le 31 mars, les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron avaient amorcé, lors d’un entretien téléphonique, le processus de dégel et tracé une feuille de route pour retrouver une relation apaisée.
De nombreux observateurs avaient souligné que les retrouvailles entre Paris et Alger seront à l’épreuve de l’action néfaste du courant extrémiste en France qui instrumentalise la relation avec l’Algérie pour les besoins de son agenda politique. Mais personne sans doute ne pouvait prévoir que la trêve ne tiendrait que quelques jours.
La coïncidence des événements ne laisse guère de place au doute. Cinq jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, la police française a arrêté un agent consulaire algérien, autant dire un diplomate, en pleine rue, et la justice le jette en prison.
Cela fait plusieurs années que les autorités algériennes réclament, en vain, une meilleure coopération judiciaire concernant des individus réfugiés en France et recherchés par la justice algérienne pour actes subversifs.
Et c’est à travers l’un d’entre eux que la partie française hostile au rapprochement a choisi de frapper. L’agent consulaire algérien est accusé d’avoir pris part à un présumé enlèvement du dénommé Amir Boukhors, connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de Amir DZ, condamné et recherché par la justice algérienne.
Algérie – France : le courant anti-algérien tout près du but
Alger a vite compris d’où est venu le coup et pour quel objectif. Tout cela a été décidé « à l’instigation de services sous la tutelle du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau qui assume entièrement la responsabilité de cette nouvelle situation créée dans un contexte tout à fait particulier », a déclaré ce mardi 15 avril le secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib.
Pendant les huit mois de crise, Bruno Retailleau, pour les besoins de son élection à la tête des Républicains (LR) selon ses détracteurs notamment en France, a poussé sans relâche pour une ligne dure vis-à-vis de l’Algérie, réclamant un « rapport de force » et une « réponse graduée » pour soi-disant obtenir la libération de l’écrivain Boualem Sansal et une meilleure coopération sur l’exécution des OQTF.
En réalité, ses attaques contre l’Algérie avaient commencé dès son entrée au gouvernement en septembre dernier, bien avant l’éclatement de l’affaire Sansal le 16 novembre dernier, et avant même qu’il tente d’aborder la question des OQTF avec les autorités algériennes – qui s’étaient pourtant montrées coopératives avec son prédécesseur Gérald Darmanin.
La riposte algérienne aux provocations de Bruno Retailleau
Les multiples interventions de Bruno Retailleau ont fini par rendre difficile, voire impossible, toute réconciliation entre la France et l’Algérie. Lundi, Alger a annoncé l’expulsion de 12 agents exerçant à l’ambassade et dans les consulats de France.
La nature de la réplique algérienne à l’incarcération de son agent consulaire est une manière de cibler uniquement ce qu’Alger considère comme la partie responsable de cette nouvelle dégradation de la relation bilatérale. Les 12 agents expulsés sont placés sous l’autorité de Bruno Retailleau, a tenu à préciser le ministère des Affaires étrangères.
Le message était limpide, mais le gouvernement français a choisi de faire front derrière le ministre de l’Intérieur, auquel les ministres des Affaires étrangères et de la Justice ont vite apporté publiquement leur soutien.
Ce mardi en fin de journée, c’est l’Élysée qui a réagi par un communiqué qui acte l’échec de la tentative de réconciliation d’il y a deux semaines. La présidence française a exprimé sa « consternation », ce qui est déjà un mot trop fort, annoncé que la réciprocité sera appliquée, donc l’expulsion d’autant d’agents algériens, et sa décision de rappeler l’ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, pour « consultations ».
Même au plus fort de la crise de ces huit derniers mois, et alors que l’Algérie était sans ambassadeur à Paris et que Romatet était convoqué plusieurs fois au ministère algérien des Affaires étrangères, Paris n’avait pas franchi le pas de le rappeler.
Les événements de ces derniers jours sont qualifiés par de nombreux observateurs d’inédits entre les deux pays depuis 1962. Déboucheront-ils sur une situation tout aussi inédite ? Il semble en tout cas que le courant anti-algérien, plus déterminé que le reste de la classe politique française, est tout près du but.
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