La reconnaissance par le président français Emmanuel Macron que le héros national algérien Larbi Ben M’hidi a été “assassiné par des militaires français” ne suscite pas l’enthousiasme voulu par son initiateur.
En Algérie, le “geste”, annoncé le jour même de la commémoration du déclenchement de la guerre de Libération nationale, a été accueilli par un silence officiel.
De nombreuses voix se sont toutefois élevées pour signifier que l’État français, en tant que tel, n’a encore rien reconnu et pour dénoncer une instrumentalisation de la mémoire pour les besoins de l’ajustement de la politique étrangère de la France.
« Gâcher » la fête du 1er novembre aux Algériens
Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre, a estimé que le président français “a visiblement cherché à nous gâcher la grande fête du 1er Novembre en reconnaissant un crime sur un million”.
“La rente mémorielle est plutôt du côté de la droite française, nostalgique de l’Algérie française”, a écrit sur X l’ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne.
L’historien français Fabrice Riceputi souligne pour sa part le “tropisme typiquement macronien” qui “évite soigneusement la question de la responsabilité politique de ce crime d’exécution extrajudiciaire”.
Ce n’est en effet pas la première fois que le président français limite la responsabilité d’un crime commis pendant la colonisation de l’Algérie à un certain niveau de la chaîne de responsabilité, sans aller jusqu’à la reconnaissance formelle que l’acte est imputable à l’État français.
Cette fois, c’est le général Paul Aussaresses qui est désigné nommément. Pour les massacres du 27 octobre 1961, c’est le préfet de police Maurice Papon qu’Emmanuel Macron avait accablé en 2021, trois ans après avoir imputé la mort de Maurice Audin sous la torture à un “système institué en Algérie par la France« .
“Y a-t-il jamais eu un doute sur la responsabilité de la France ? Et à quoi sert une reconnaissance si elle n’est pas accompagnée par des réparations ?”, s’est interrogé de son côté l’historien algérien Hosni Kitouni, cité par Le Point.
Le geste d’Emmanuel Macron sur Larbi Ben M’hidi suscite des critiques
“Non, Emmanuel Macron n’a pas reconnu la responsabilité de la France dans cet assassinat”, répond catégoriquement à une question de Mediapart Noureddine Amara, historien algérien résident en Suisse.
Dans le communiqué de l’Élysée, il est écrit que Larbi Ben M’hidi “a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses”.
L’historien en fait la lecture suivante : “Il est dit que comme pour Maurice Audin et Ali Boumendjel, la faute ne revient à personne véritablement car elle s’expliquerait par ce système hors la société des droits de l’Homme et du citoyen, rendu possible par le vote des pouvoirs spéciaux”.
Pour Nourredine Amara, le président français ferme la voie à toute possibilité de rendre justice en procédant de la sorte. “Nous ne savons toujours pas faire parler les morts ni les systèmes. Il n’y aurait donc pas de justice possible par voie judiciaire”, regrette-t-il.
Pour lui il y a “volonté délibérée”, d’évacuer la question de “la responsabilité de l’État d’un point de vue légal” et, de ce fait, “la réconciliation des mémoires est un piège qui cherche à éluder un impératif de justice” auquel ne souscrivent “ni la commission mixte ni la politique des petits pas”.
Noureddine Amara interroge aussi le timing du geste d’Emmanuel Macron, assurant qu’ “il n’y a pas de hasard de calendrier”. “L’effet d’annonce vise premièrement à minimiser le coût de la politique française sur la question du Sahara occidental”, analyse-t-il, concluant à un acte qui n’est “ni gratuit ni véritablement honorable”.
La lecture est partagée par Hosni Kitouni qui y voit une “énième entourloupette” de Macron destinée cette fois à “atténuer l’effet politique, diplomatique et symbolique de sa visite au Maroc et des arrangements indignes qu’il vient de concéder au détriment du droit du peuple sahraoui à son autodétermination”.
Lors de sa visite d’État au Maroc (28-29-30 octobre), le président Macron a acté la reconnaissance par la France de la « marocanité » du Sahara occidental occupé.
Devant le Parlement marocain, il a réitéré ce qu’il a écrit fin juillet dernier dans une lettre au roi Mohammed VI dans laquelle il a annoncé le changement de position de la France sur ce conflit.