Économie

Le groupe italien BF révolutionne la production de blé dur en Algérie

Le projet de production de blé dur dans le cadre du partenariat entre l’Algérie et le groupe italien BF prend forme. Les premiers hectares ont été semés à Timimoun par la partie italienne. Les moyens mis en œuvre sont conséquents à l’image de la puissance des tracteurs utilisés.

C’est en juillet 2024 qu’un accord-cadre a été signé à Alger, entre le ministère de l’Agriculture et du Développement rural et la société italienne Bonifiche Ferraresi (BF) pour la réalisation d’un projet intégré de production de céréales, de légumineuses et de pâtes alimentaires dans la wilaya de Timimoun, dans le Sud algérien.

Le projet concerne une superficie de 36.000 hectares pour « la production de blé, lentilles, haricots secs et pois chiches et à la construction d’unités de transformation pour la fabrication de pâtes alimentaires ».

Lors de la cérémonie de signature, le ministre italien de l’Agriculture a indiqué que « l’Italie œuvrera, dans le cadre de ce projet, au transfert de technologie », selon l’agence officielle.

Mégaprojet italien dans le blé dur en Algérie : des moyens matériels conséquents

C’est le quotidien Echorouk en langue arabe qui, dans son édition du 26 février, a donné l’information du démarrage de ce projet gigantesque, dont l’investissement dépasse 400 millions d’euros. Il décrit la mise en route d’une première rampe pivot pour l’irrigation et un chantier de semis.

Un chantier spectaculaire dans la mesure où le matériel utilisé est pratiquement unique en Algérie. Il s’agit d’un semoir de marque Väderstad à distribution pneumatique de 12 mètres de large tiré par un tracteur à 4 roues motrices de 320 CV.

Immédiatement descendu d’un porte-char provenant du port de Mostaganem, le semoir a été approvisionné en semences certifiées.

Les traditionnels sacs de semences de 50 kg utilisés étaient absents, le chargement a été directement opéré par l’intermédiaire du godet à bras télescopique d’un chargeur de marque Manitou. Aussitôt approvisionné, l’engin s’est élancé afin de semer le champ de forme circulaire du fait du mode d’irrigation.

Signe du modernisme qu’introduit la société BF, le modèle de semoir choisi effectue en un seul passage plusieurs opérations : travail du sol, dépôt de la semence et reconsolidation du sol par l’intermédiaire d’un jeu de roues plombeuses.

La réduction du nombre de passages de tracteur permet ainsi une économie de carburant et un gain de temps. Ce mode de semis rarement utilisé en Algérie préserve l’humidité du sol, d’où un meilleur démarrage de la culture. Généralement, ces engins utilisent le système GPS.

Echorouk annonce également l’arrivée au port de Mostaganem de 10 rampes pivot destinées à ce projet.

L’expertise italienne dans le blé dur

Au-delà des moyens matériels mis en œuvre par BF, la filière blé dur algérienne a besoin d’un transfert de technologie pour obtenir de meilleures récoltes tant du point quantitatif que qualitatif.

Les transformateurs de l’agroalimentaire recherchent du blé dur permettant de produire le maximum de semoule à la belle couleur jaune permettant la confection de pâtes alimentaires qui tiennent à la cuisson sans se transformer en une bouillie informe.

Des critères qui impliquent respectivement une absence de moucheture sur les grains de blé et surtout un taux appréciable en protéines.

En Italie, la société BF adopte une intégration verticale. Elle produit dans ses domaines agricoles ou en collaboration avec des agriculteurs sous contrat du blé dur qu’elle transforme dans ses propres moulins des pâtes alimentaires, en partie vendues sous sa marque Stagioni d’Italia.

Une stratégie résumée par « du champ à l’assiette ». Une façon de faire qui exige que le blé dur et le produit final : couscous ou pâtes alimentaires réponde à un cahier des charges exigeant.

À ce titre, BF contrôle les différentes étapes de la production et possède ainsi une expertise sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Le choix des variétés de blé dur utilisé est déterminant pour la qualité des pâtes alimentaires. Dès 2010, à Guelma, le Groupe Benamor a entamé un travail de sensibilisation des agriculteurs afin de les inciter à utiliser les variétés de blé dur les plus aptes à la transformation.

En Italie, BF utilise la variété Senatore Cappelli ; selon l’organisme Great Italian Food Trade le « maintien en pureté de variété du blé Senatore Cappelli a été confié par l’organisme public CREA à SIS SpA, avec une licence exclusive pour la multiplication et l’exploitation commerciale des semences » à la société BF.

Cette variété est d’origine maghrébine. Elle est décrite comme ayant des qualités exceptionnelles et « contient un pourcentage de protéines assez élevé et résiste facilement aux conditions climatiques défavorables », selon des minoteries italiennes.

Une attente de transfert de technologie

Outre le choix des variétés, la qualité de la semoule produite repose sur l’apport des engrais azotés. Un apport insuffisant réduit le taux d’extraction de la semoule ainsi que le taux de protéines des grains. Les essais réalisés en zone Nord par l’Institut technique des grandes cultures (ITGC) confirment la nécessité de fractionner ces apports d’engrais, et cela, jusqu’à 3 fois durant le cycle de la culture.

C’est à ce niveau que l’expertise de BF est particulièrement attendue : la gestion adéquate des apports d’engrais.

Autre attente, l’amélioration de leur utilisation. Ces engrais proviennent des usines Fertial d’Annaba et d’Arzew (Oran) distantes d’un millier de kilomètres de Timimoun.

Par ailleurs, la forme utilisée est de l’urée, dont 40 % peut être perdue par volatilisation lors de son épandage au sol.

Pour pallier cet inconvénient, en Italie, les agriculteurs utilisent des engrais auxquels est ajouté un retardateur. Ils procèdent systématiquement à des analyses de sol tant les engrais azotés sont solubles dans le sol. Des techniques qui pourraient être développées à Timimoun.

Le partenariat entre l’Algérie et BF devant se dérouler sur plusieurs années, il est attendu le développement des techniques permettant l’amélioration de la fertilité du sol.

Traditionnellement, les agriculteurs des oasis enrichissent le sol sableux à l’aide de bentonite. Les sols retiennent alors mieux l’eau et les engrais.

Retenir l’eau présente l’avantage de réduire le fonctionnement des pompes qui fonctionnent jour et nuit et puisent jusqu’à 70 mètres l’eau au niveau des forages. Le montant des factures d’électricité lié au fonctionnement des pompes s’en trouverait ainsi réduit.

Avec le matériel moderne utilisé, les premiers semis réalisés par BF à Timimoun, un début de transfert de technologie transparaît.

Les façons de procéder des experts italiens au niveau des champs, mais également au niveau de la première transformation (semoule) et seconde transformation (pâtes et couscous) pourraient être riches en enseignement pour leurs partenaires algériens.

À ce titre, le partenariat avec BF pourrait inaugurer un mode de transfert de savoir-faire original dont n’a jamais bénéficié la partie algérienne malgré plusieurs dizaines d’années d’achat de blé en provenance de France.

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