Ces derniers jours, des voix se lèvent pour demander ou suggérer le report de l’élection présidentielle prévue, selon l’agenda officiel, en avril 2019. Des demandes justifiées par la confusion politique actuelle autour notamment de la candidature ou non du président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat.
Mais, peut-on reporter la date de la tenue de l’élection présentielle ? « Jamais. Le report de l’élection présidentielle ne peut se faire qu’en période de guerre », tranche Fatiha Benabbou, juriste spécialisée en droit constitutionnel, dans une déclaration à TSA.
Elle cite l’article 110 de la Constitution qui prévoit que « pendant la durée de l’état de guerre, la Constitution est suspendue, le président de la République assume tous les pouvoirs. Lorsque le mandat du président de la République vient à expiration, il est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de la guerre ». Elle ajoute : « Dans les autres cas, le mandat du président ne peut pas être prolongé. S’il a été élu le 17 avril, le 16 au soir, sa légitimité électorale s’éteint. Je me pose une question : qui voudrait plonger l’Algérie dans une phase perturbée parce que là, l’instance la plus prééminente de la Constitution, qui est le président de la République, ne va plus jouir de la légitimité constitutionnelle ? Veut-on pousser l’Algérie vers une transition qu’on ne veut pas dire ? Si tel est le cas, qui va être garant de cette période ? Est-ce que c’est l’ANP qui est un acteur puissant puisqu’il a le monopole de la force légitime ? ».
« Constitution entre parenthèses »
Mais peut-on modifier la Constitution dans ce sens ? Amender la loi fondamentale pour autoriser la prolongation d’un mandat présidentiel relèverait, d’après elle, d’un tripatouillage constitutionnel. « La Constitution n’est pas un costume taillé sur mesure pour un homme. C’est l’homme politique qui s’ajuste à la Constitution, pas le contraire. La Constitution, c’est une limite au pouvoir de l’homme », souligne-t-elle.
Nuançant ses propos, elle rappelle qu’en Algérie, on a pris l’habitude de mettre entre parenthèses la Constitution notamment entre 1965 et 1976 (après le coup d’État de Houari Boumediène) et de 1992 à 1996 (après la démission forcée de Chadli Bendjedid). « On peut mettre la Constitution entre parenthèses, mais nous ne serons plus dans la légalité constitutionnelle. Nous serons dans une période aconstitutionnelle (en dehors de la Constitution). Ces périodes aconstitutionnelles font partie de nos mœurs politiques », appuie-t-elle.