Boualem Sansal a été placé en détention provisoire par un juge d’instruction du tribunal de Dar El Beida (Alger), selon son avocat français François Zimeray.
L’écrivain franco-algérien avait été arrêté le 16 novembre à son arrivée à l’aéroport international d’Alger, en provenance de Paris. Présenté devant le parquet de Dar El Beida, il a été inculpé d’ “atteinte à l’intégrité du territoire national” sur la base de l’article 87-bis du Code pénal, et placé sous mandat de dépôt à la prison de Koléa, a indiqué Me François Zimeray dans un communiqué adressé à l’agence AFP. L’information n’a pas été confirmée de source officielle en Algérie.
L’article 87 bis du code pénal algérien énonce qu’il est que « porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit » est « considéré comme acte terroriste ou sabotage, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’unité nationale, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ».
Début octobre dernier, l’écrivain avait tenu, dans le média français d’extrême-droite Frontières, des propos très graves sur l’Algérie, son histoire et ses frontières. Il avait notamment soutenu que les frontières actuelles du pays ont été tracées par le colonialisme français qui a, selon lui, offert à l’Algérie toute “la partie Est du Maroc”.
La leçon d’histoire de Benjamin Stora à Boualem Sansal
Sansal a cité les villes de Tlemcen, Oran et Mascara. L’historien Benjamin Stora a estimé que l’écrivain franco-algérien a « blessé le sentiment national des Algériens ».
« Il y a deux faits historiques qu’il a oubliés. Le premier c’est dans l’ouest algérien que l’Emir Abdelkader qui a levé l’étendard contre la France. C’est un héros national en Algérie. Il est de Mascara. Je vais aller plus loin, c’est que celui qui a inventé le mouvement national algérien, avec d’ autres, il s’appelle Messali Hadj. Il est né à Tlemcen, à la frontière avec le Maroc. Et on nous dit que ce n’est pas important. Imaginez ce que cela représente pour les Algériens », a-t-il dit lundi sur l’émission Cpolitique de France 5.
Les déclarations de Stora ont suscité un tollé au sein de la mouvance d’extrême droite en France dont certaines figurent appellent depuis l’arrestation de Sansal à des mesures fortes contre l’Algérie ou carrément à la rupture des relations entre les deux pays.
L’interpellation de l’écrivain a suscité de vives réactions en France, notamment dans les rangs de l’extrême-droite où le discours de Sansal est très apprécié. La gauche française se mure en revanche dans le silence tandis que le gouvernement français se montre très prudent. Sansal a acquis la nationalité française cette année, mais il a continué à résider en Algérie.
Emmanuel Macron “est très préoccupé par la disparition » de Boualem Sansal et « les services de l’Etat sont mobilisés pour clarifier sa situation », a indiqué son entourage à l’agence AFP vendredi dernier, ajoutant que « le président de la République exprime son attachement indéfectible à la liberté d’un grand écrivain et intellectuel ».
Ce mardi 26 novembre, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a exprimé la première réaction officielle française sur le sujet.
« Graves accusations » contre Boualem Sansal
“C’est un immense écrivain, c’est aussi un Français. La nationalité française lui a été accordée et la France doit sa protection bien sûr à Boualem Sansal. Je fais confiance au président de la République pour déployer toute l’énergie qu’on peut lui connaître pour obtenir sa libération”, a dit Retailleau sur France Info.
En Algérie, la confirmation de l’arrestation de l’écrivain s’est faite le 22 novembre via une dépêche de l’agence officielle APS.
Dimanche, la Télévision publique algérienne (ENTV) a laissé entendre que des “accusations lourdes” pèsent sur Boualem Sansal.
Cette affaire survient alors que les relations entre l’Algérie et la France sont très tendues depuis juillet dernier à cause de la décision du président Emmanuel Macron de reconnaître la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental. L’Algérie est sans ambassadeur à Paris depuis le 31 juillet, soit depuis près de quatre mois.