L’année 2025 commence en Algérie sur une grosse interrogation quant à ce que sera le futur immédiat du marché noir de la devise.
L’euro et le dollar se maintiennent certes à des niveaux élevés face au dinar algérien, mais n’ont pas véritablement flambé pendant l’année qui vient de s’achever. D’où cette autre interrogation : les devises étrangères constituent-elles un placement intéressant et un investissement judicieux ?
Fin 2024, les autorités algériennes ont pris deux grandes décisions présentées par les économistes comme étant susceptibles de faire baisser les cours des principales monnaies étrangères sur le marché parallèle et les rapprocher des taux officiels, et du coup sonner le glas au marché noir de la devise en Algérie.
Le 8 décembre, le Conseil des ministres a acté la décision d’augmenter substantiellement l’allocation touristique d’environ 100 euros à 750 euros pour les adultes et 300 euros pour les mineurs. L’allocation est payable une fois par année civile.
Plus de cinq millions d’Algériens se rendent chaque année à l’étranger pour tourisme, études, soins, affaires, pèlerinage… L’allocation touristique étant dérisoire, ils n’avaient que le marché noir pour obtenir les devises nécessaires à leur séjour à l’étranger. Les économistes s’attendent à ce que cette décision contribue à réduire la demande sur les monnaies étrangères au marché parallèle.
L’autre grande décision, entrée en vigueur le 21 novembre dernier, consiste à plafonner l’exportation des devises à 7500 euros par année civile et non plus par voyage comme c’était jusque-là le cas. La mesure vise à lutter contre le transfert illégal de devises vers l’étranger par les réseaux de blanchiment et de commerce informel.
Auparavant, le gouvernement algérien avait préparé le terrain pour la fin du double taux de change en définissant de nouvelles règles pour l’ouverture de bureaux de change légaux.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que toutes ces mesures n’ont pas eu un impact significatif immédiat sur le marché noir des devises en Algérie.
L’euro a même atteint son niveau historique, à 262 dinars, le 9 décembre, c’est-à-dire au lendemain de l’annonce de l’augmentation de l’allocation touristique. La monnaie européenne a enregistré ensuite une baisse de près de 20 dinars. Le 29 décembre, elle était proposée à 242 dinars l’unité avant de repartir à la hausse et clôturer l’année 2024 à 244,5 dinars.
La monnaie unique européenne, principale devise étrangère qui circule sur le marché noir en Algérie a entamé la nouvelle année encore plus en hausse, à 246 dinars algériens pour un euro le mercredi 1er janvier. L’euro est encore remonté ce samedi 4 janvier à 248,5 dinars, porté par le manque d’offre.
Le billet vert américain, lui, est resté stable, à 236,5 dinars pour un dollar.
Algérie : ceux qui ont investi dans l’euro en 2024 doivent refaire leurs comptes
Les spécialistes tempèrent toutefois ces évolutions, invitant à éviter de tirer des conclusions avant l’application effective de la mesure relative au nouveau taux de l’allocation touristique.
Outre la demande des voyageurs ordinaires (touristes, étudiants, pèlerins, malades…) et des trafiquants, les épargnants sont l’autre catégorie dont le comportement impacte les cours des monnaies étrangères sur le marché parallèle des devises en Algérie.
Devant l’inflation galopante qui réduit chaque année un peu plus la valeur de la monnaie nationale mais en raison des rumeurs qui ont circulé récemment sur un éventuel changement de monnaie –ce qui a été démenti par les autorités-, certains Algériens ont recours à l’épargne en devises, principalement en euro, comme valeur-refuge.
D’après des cambistes du square Port-Saïd, principale place de change parallèle d’Alger, il y aurait actuellement un déficit d’offre qui s’expliquerait en partie par la prudence des épargnants et des expatriés qui attendent de voir plus clair pour vendre.
À l’annonce du plafonnement de l’exportation des devises, en novembre dernier, le président du parti politique Jil Jadid, Djilali Soufiane, avait prévu que la mesure pourrait encourager le recours à la thésaurisation en devises.
"Tout Algérien ayant un capital disponible orientera toute son énergie pour acheter la devise et sécuriser ses avoirs en les thésaurisant sur place, attendant la première occasion pour les exporter", avait-il prédit.
Pour beaucoup d’Algériens, l’euro est une valeur-refuge sûre qui protège des aléas de la dévaluation et de l’inflation. Mais au vu de l’évolution des cours pendant l’année 2024, d’aucuns s’interrogent s’il constitue encore un investissement judicieux.
L’euro avait entamé l’année à un peu moins de 240 dinars l’unité. Le 11 janvier 2024, il s’échangeait contre 239 dinars au square Port-Saïd. Il est encore remonté pendant toute l’année, mais très lentement, sans flambée réelle, pour atteindre le 9 décembre 262 dinars, avant de plonger à 242 dinars vingt jours après, et se situer ce 4 janvier à 248,5 dinars.
Du 11 janvier 2024 au 4 janvier 2025, la monnaie européenne a gagné 9,5 dinars, soit 3,9 % de sa valeur initiale. Un gain qui ne couvre pas le taux d’inflation qui s’est situé pendant les neuf premiers mois de l’année à 4,3 %, selon l’estimation faite par la Banque mondiale en novembre dernier.
Au moins pendant cette année 2024, ceux qui ont thésaurisé en euro ont concrètement perdu de l’argent. Cela, avant même l’application effective du nouveau montant de l’allocation touristique de laquelle des économistes, comme Chabane Assad, fondateur du cabinet de conseil Finabi, attendent qu’elle "portera un coup de massue" au marché informel des devises en Algérie.