Économie

Limitation de l’exportation de devises : quel impact sur les Algériens ? 

L’Algérie a pris une mesure complètement inattendue pour atténuer les transferts illégaux de devises vers l’étranger. Depuis le 21 novembre, la somme que les voyageurs résidents ou non-résidents peuvent faire sortir du pays est limitée à 7.500 euros par année civile et non plus par voyage comme il était jusque-là permis.

Pour Djilali Soufiane, président de Jil Jadid, la mesure est louable, mais risque de déboucher sur le contraire de l’effet escompté. « L’enfer est pavé de bonnes intentions », écrit-il dans une contribution mise en ligne ce mercredi 27 novembre sur le site officiel du parti.

Djilali Soufiane reconnaît que la situation est problématique et que le gouvernement se devait d’apporter une solution. Il déplore toutefois que les autorités se soient attaquées aux symptômes en ignorant l’origine du mal.

« L’interdiction d’exportation des devises au-delà de 7.500 euros par an aura des conséquences graves sur la viabilité de l’économie nationale et sur le moral de l’ensemble des citoyens qui devront subir de néfastes conséquences », met-il en garde.

Si le but recherché par la mesure est de lutter contre le marché noir de la devise, le transfert illégal de fonds et l’importation parallèle, l’homme politique redoute que son premier effet direct sera un simple déplacement de ce marché, de l’Algérie vers l’étranger.

« Les devises disponibles au change seront acquises directement à l’extérieur du pays et ne rentreront plus dans les comptes bancaires algériens », anticipe-t-il. Les conséquences seront encore plus néfastes, avec un cours du dinar qui « ne se redressera pas », puisque, explique Soufiane Djilali, « tout Algérien ayant un capital disponible orientera toute son énergie pour acheter la devise et sécuriser ses avoirs en les thésaurisant sur place, attendant la première occasion pour les exporter. »

Plafonnement de l’exportation des devises : l’analyse de Djilali Soufiane

Plus sceptique encore, il entrevoit la dégradation de la confiance dans la politique économique de l’Algérie, « déjà en piteux état », selon lui. « Sans confiance, pas d’économie. Au mieux, l’argent sera thésaurisé, au pire exporté par d’autres moyens », écrit-il.

Djilali Soufiane égrène un chapelet de conséquences néfastes de la nouvelle mesure de la Banque d’Algérie, dont le recul de l’investissement, la baisse de l’immobilier, l’exil de l’élite économique, les pénuries et le ressentiment des citoyens.

Pour lui, le gouvernement se devait d’agir sur d’autres segments en prenant des mesures qui auraient permis le retour des capitaux dans le pays, comme la création des conditions de la confiance, l’encouragement des investisseurs, la baisse des charges administratives, la limitation de l’interventionnisme de l’État et la régulation du marché.

Sofiane Djilali estime que les dirigeants font fausse route en pensant qu’ils peuvent décider « à partir de leur bureau et de leurs illusions du comment doit fonctionner une économie en dehors de toute réalité de marché ».

La réalité du marché algérien est qu’il y a un taux de change officiel fixé par la Banque d’Algérie, un autre parallèle, avec une énorme distorsion (80 %) entre le cours officiel et le cours parallèle.

Alors que l’euro est échangé en banque pour 140 dinars, il coûte près de 260 dinars au marché parallèle. « L’existence de ce double marché (…) est le résultat naturel d’une économie improductive, administrée et rentière », juge le président de Jil Jadid.

Le marché parallèle de la devise en Algérie était alimenté par les transferts des travailleurs algériens expatriés puis, peu à peu, par l’explosion des surfacturations des importations, rappelle-t-il.

Bien que préjudiciable, ce système permettait « un équilibre même précaire entre les besoins de la population et du secteur économique d’une part et la nécessité pour l’État de préserver la devise ».

De nombreuses franges des Algériens (touristes, étudiants, malades…) n’ont que le marché parallèle pour obtenir des devises étrangères. L’allocation touristique allouée par l’État est quasi insignifiante, moins de 100 euros par voyageur et par an. Les autorités ont annoncé leur intention de la relever substantiellement, mais aucune mesure concrète n’est pour le moment décrétée.

Il est vrai toutefois que la possibilité de transférer 7.500 euros (acquis au noir) à chaque voyage a donné lieu à des abus. Des importateurs clandestins parviennent à transférer des sommes colossales en « achetant » le différentiel entre ce plafond de 7.500 euros et le montant que transportent certains voyageurs.

Un voyageur qui a en poche 1.000 euros, par exemple, fait passer en toute légalité 6.500 euros pour le compte de quelqu’un d’autre moyennant un pourcentage. Les mêmes commerçants dits du « caba » inondent le marché algérien en produits en principe interdits à l’importation en achetant cette fois le différentiel entre le poids des bagages des voyageurs et le poids maximum autorisé.

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