Économie

L’incroyable essor de la fraise algérienne

En Algérie, on connaissait les consommateurs friands de pommes et de bananes. Mais aujourd’hui, ils se tournent vers les fraises dont la production connaît un incroyable essor. Celles-ci sont moins chères que ces deux catégories de fruits qui tutoient parfois la barre des 1000 dinars le kilo.

Mieux, les prix sont inférieurs à celui des pommes de terre. La fraise est devenue le fruit le moins cher du pays en cette période.

Un phénomène qui s’explique par une rapide montée en cadence de la production locale. Quant à l’exportation, les défis logistiques sont importants en raison de l’insuffisance des infrastructures et de systèmes d’exportation encore peu développés.

Aussi, malgré sa qualité, la production algérienne de fraises peine à arriver sur les marchés internationaux. Des facteurs qui font que les prix soient actuellement si bas et atteignent 100 DA le kilo contre 400 DA en 2022. Un prix qui les place en dessous du kilo de pomme de terre qui a connu une hausse de 160 DA le kilo. 

Des fraises également utilisées en pâtisserie pour la confection de tartelettes. C’est le cas à Skikda où durant le mois de ramadan, les consommateurs se pressaient dans les pâtisseries de la ville.

A Jijel, on cultive les fraises toute l’année 

De nombreuses wilayas du bord de mer se sont lancées dans la culture des fraises. C’est le cas de Tipaza, Jijel et Skikda où, dès le mois de février dernier, les services agricoles prévoient une production de l’ordre de 1 900 quintaux. 

Des fraises cultivées en plein champ sous de petits tunnels plastique ou dans des serres où elles côtoient parfois des bananiers.

En Algérie, les agriculteurs de la région de Jijel détiennent un réel savoir-faire dans la culture de la fraise.

En 2024, Yassine Zadame le secrétaire général de la Chambre locale de l’agriculture confiait à Ennahar Tv : « Dans la wilaya, la culture des fraises progresse et devrait concerner plus de 900 hectares contre 475 l’année passée. »

Chaque serre peut produire jusqu’à 10 quintaux par saison. A la condition que les plants soient disponibles à temps. Un agriculteur témoigne de l’importance de planter les plants dès septembre afin d’obtenir une taille maximale des fraises. 

Timide démarrage des exportations

Face au risque de surproduction, Yassine Zadame appelait déjà la saison passée les agriculteurs à « avoir confiance car les pouvoirs publics ont ouvert plusieurs lignes aériennes permettant l’exportation vers des pays africains. »

A l’époque l’agriculteur Belgacem Lahame indiquait à Ennahar TV avoir du mal avec la commercialisation de sa production durant les mois d’avril et mai. Aussi espérait-il trouver des débouchés à l’exportation. Pour ce faire, il a eu recours aux services de Sofiane Taraboussi, un opérateur tunisien spécialisé dans le commerce international. 

Dans les serres, Ennahar TV a montré cet opérateur en train de superviser les opérations de récolte et de conditionnement. Des fraises cueillies légèrement avant leur pleine maturité afin d’arriver à point sur les marchés étrangers. 

Les installations sont rudimentaires, quelques cageots empilés les uns sur les autres à même la terre battue servent de support pour le conditionnement. Signe cependant d’un cahier des charges rigoureux, les ouvriers portent des gants lors de la manipulation des fruits. 

Les fraises sont délicatement disposées dans des barquettes plastiques dont une étiquette porte l’inscription « Djanateine Strawberries ». Une balance permet de vérifier le poids de chacune d’entre-elles avant qu’elles ne soient  rangées sur un seul niveau dans des cartons spécialement dédiés à l’export.

Dans un coin de la serre déjà des dizaines de cartons sont empilés les uns sur les autres en attendant d’être mis en chambre réfrigérée. La fraise est un produit périssable qui a une durée de conservation limitée, aussi elles ne supportent pas l’amateurisme.

« Nous avons trouvé à Jijel la qualité, le goût et les volumes. Ce qui nous a le plus impressionné, ce sont les quantités disponibles. Aujourd’hui c’est la deuxième opération d’exportation vers le Ghana, Côte d’Ivoire, Nigéria », a expliqué l’opérateur tunisien présent sur les lieux.

Cette année, en cette mi-avril, à nouveau une surproduction des fraises et des prix à la baisse. Un ouvrier de Jijel confie à la Télévision algérienne : « Les prix ont baissé après le ramadan. Ils avaient alors atteint 30 à 40 DA et même 60 DA le kilo sur le marché de gros. Actuellement, il y a un surplus qui permet même d’approvisionner les wilayas voisines. »

Un agriculteur voisin confirme ses dires : « Actuellement les prix sont abordables à toutes les bourses » et explique que « les variétés Sabrina, Savana, Melissa et Partenop utilisées allient haut niveau de production et goût sucré ». Des variétés importées d’Espagne.

Baka Toufik, président de la Chambre d’agriculture de Jijel confie : « le mérite revient d’abord aux efforts des agriculteurs et aux pouvoirs publics pour leur soutien. Les agriculteurs maîtrisent la production de plants, ce qui permet à la wilaya de Jijel d’envisager une production annuelle de plus de 200 quintaux. »

Dans une serre à même le sol, un ouvrier verse le contenu d’un seau rempli de fraises dans des cageots en plastique où sont alignées des barquettes en carton. Ensuite, sur une table improvisée, un de ses collègues range sommairement les fraises dans ces barquettes destinées au marché local.

Des fraises aussi à El Tarf

L’expérience des agriculteurs de Skikda et Jijel fait des émules. Hamza Hiyanni a fait ses premiers pas à Skikda. Fort de l’expérience acquise, il a décidé d’investir à Berrihane dans la wilaya d’El Tarf.

En cette mi-avril, il confie à El Bilad TV : « Quand j’ai vu le sol sableux, il m’a plu. J’ai pensé qu’il conviendrait parfaitement pour la culture des fraises aussi j’ai fait une expérience ».

Il a planté ses fraisiers en plein champs sur des buttes de terre recouvertes d’un film plastique noir. Une technique qui permet de réduire la présence de mauvaises herbes et d’éviter que les fruits ne touchent le sol. Afin de hâter la culture, les buttes sont munies d’arceaux qui maintiennent un film plastique transparent formant les mêmes tunnels vus à Jijel et Skikda.

Une cinquantaine d’ouvriers et ouvrières ont été embauchées pour la récolte. A l’abri d’une cabane en bout de champ, les fraises sont triées et disposées dans des caissettes puis chargées dans une camionnette.  

L’investisseur déclare vouloir développer cette culture et demande l’aide des pouvoirs publics pour disposer « de terre, d’eau ainsi que de l’aide de la banque ».

Saci Labadliya, le président de la Chambre d’agriculture d’El Tarf a fait le déplacement pour l’occasion. Il confirme la réussite de l’introduction des fraises dans cette localité de l’extrême est du pays. Face à la caméra, il montre une poignée de tiges de fraisiers portant chacune des fruits de belle taille et de couleur rouge. Il espère une aide des services agricoles pour développer cette nouvelle culture.

Fraises d’Algérie : un avenir prometteur

Cette production de fraises ne passe pas inaperçue à l’étranger. Le site International Supermarket News y consacre un article et parle de success story. Il pronostique : « Un avenir prometteur pour les fraises algériennes. » mais note la faiblesse des structures d’exportation.

Pour ce média, « le défi ne réside pas dans la qualité du produit, mais dans la capacité à le faire sortir du pays et à le mettre entre les mains des consommateurs du monde entier. »

Ainsi note-t-il : « Sans les ressources nécessaires, les infrastructures logistiques, telles que les réseaux de réfrigération, d’emballage et de transport, l’accès des agriculteurs aux marchés internationaux est rendu difficile. »

En attendant, ce sont les consommateurs algériens qui profitent effectivement de fraises bien moins chères qu’un kilo de pomme de terre.

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