Politique

L’influenceur algérien Doualemn interpellé en France : 30 policiers et un jet privé mobilisés

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’influenceur algérien Boualem Naman, alias « Doualemn ». Ce jeudi 20 mars, il a été interpellé, dès l’aube, chez sa fille qui l’hébergeait à Montpellier dans le sud de la France.

Une arrestation impressionnante, en plein mois du Ramadan et à quelques jours de l’Aïd, qui suscite l’indignation de ses avocats.

Une démonstration de force inutile pour l’arrestation de Doualemn

L’un des avocats de l’influenceur algérien, Me Jean-Baptiste Mousset, n’a pas caché sa consternation face aux moyens démesurés déployés pour l’interpellation de Boualem Doualemn, effectuée jeudi 20 mars à 7h du matin.

« Avec cette précipitation et ce déploiement de force ce matin à son domicile, nous restons très attentifs. Nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir l’arrêté du ministre de l’Intérieur », déclare-t-il sur BFM TV.

D’après les chiffres qu’il annonce, l’arrestation a mobilisé une trentaine d’agents sur trois lieux d’interpellation potentiels : « Ce sont trois lieux d’interpellation qui ont été recherchés par les policiers, avec un équivalent de 30 effectifs en totalité pour l’interpeller au petit matin ».

Une intervention musclée pour un individu qui « n’avait aucune difficulté à respecter les convocations judiciaires qui lui étaient données, y compris les convocations lorsqu’il s’était expliqué devant la COMEX de l’Hérault ».

Au regard de la peine infligée par la justice, ce « déploiement de force » à l’encontre de Doualemn pose question. L’influenceur a été condamné le 6 mars dernier à 5 mois de prison avec sursis pour « provocation non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit ».

« On voit là qu’il y a un déploiement de force qui est en totale disproportion avec la peine qui lui a été infligée par le tribunal de Montpellier. C’est quelque part l’objectif suivi par le ministre de l’Intérieur pour “raccompagner” M. Naman vers l’Algérie », souligne son avocat, Me Mousset.

Grand effectif, jet privé… une manœuvre clairement excessive

Doualemn est traité comme s’il représentait une menace quelconque. Son avocat est revenu sur les circonstances de cette interpellation spectaculaire, ce vendredi dans un entretien à France 3 Occitanie :

« C’est avec un grand étonnement que l’on a pu voir ce déploiement de force à l’encontre de notre client. Déploiement de force car il y avait dix effectifs de police qui se sont présentés à son domicile, à celui de sa fille, mais aussi au domicile de sa compagne et de son ex-compagne ».

Selon Maître Mousset, il s’agit d’une action administrative « totalement disproportionnée ». « Pourquoi venir le récupérer à 6h du matin alors même qu’il a été condamné, rappelons-le, sans minimiser la condamnation, à cinq mois de sursis pour les faits pour lesquels il était poursuivi devant le tribunal ? », s’insurge-t-il.

Il n’y a donc aucun doute quant au « caractère excessif » d’une affaire qui suit « le fil conducteur de ce que le ministre de l’Intérieur a voulu faire de lui : un exemple de son action ».

Autre élément frappant de cette arrestation : le mode de transport choisi pour l’emmener à Paris. Après un passage par le commissariat de police de Montpellier, « il a été transporté non pas par un vol commercial, non pas par le train ou même par un fourgon de la PAF, mais à bord d’un jet privé spécialement affrété pour lui seul et accompagné de trois fonctionnaires de police ».

Pour l’avocat de Doualemn, « on n’est même plus dans la disproportion, on est dans l’exagération, quelque chose d’exceptionnel mais aussi de stupéfiant ».

Une procédure qui vise à « entraver les droits » de l’influenceur algérien

En dépit de cette arrestation hors-normes, Boualem Naman ne devrait pas être expulsé immédiatement. La procédure nécessite l’obtention d’un laissez-passer consulaire délivré par les autorités algériennes. Une démarche qui peut prendre plusieurs semaines, voire s’éterniser au regard des tensions actuelles entre Paris et Alger.

En attendant, il est transféré au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne. Là encore, ses avocats s’inquiètent de la voie qu’empruntent les autorités françaises :

« Cette précipitation nous inquiète forcément car on voit qu’on accélère le processus administratif, on l’amène immédiatement à Paris. La dernière fois, il était passé par le centre de rétention administrative de Nîmes. Là, on voit que les choses s’accélèrent de manière assez impressionnante ».

Actuellement, leur « crainte » est qu’on « tente de lui faire prendre le premier vol commercial en direction de l’Algérie ». Une mesure hâtive qui priverait Doualemn des voies de recours « légalement possibles et envisageables ». « On voit bien que cette précipitation ne vise qu’à une chose : entraver les droits de notre client », analyse Maître Mousset.

Pour rappel, la Commission d’expulsion (COMEX) de l’Hérault a donné son feu vert le 12 mars dernier pour son expulsion du territoire français, mais elle pourrait encore une fois être bloquée : l’Algérie avait refusé son renvoi une première fois en janvier car l’influenceur n’avait pas épuisé toutes les voies de recours. C’est visiblement toujours le cas. 

« Je vois mal comment aujourd’hui l’Algérie reviendrait en arrière sur sa position, de la même manière que le ministre de l’Intérieur n’est pas revenu sur son positionnement », souligne l’avocat.

Selon lui, Doualemn « ne doit pas faire les frais de cette guerre diplomatique . Une guerre qui «dépasse les seuls intérêts de cette affaire et qui, malheureusement, déborde sur toute personne qui pourrait avoir un lien ou non avec l’Algérie ».

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