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Mahieddine Khalef, un monument du football algérien, s’en va

Un mois après la disparition de la légende Rachid Makhloufi, un autre monument du football algérien tire sa révérence : Mahieddine Khalef.

Emblématique entraîneur de l’Equipe nationale et la JS Kabylie plus d’une décennie durant, un record dans l’histoire du football algérien, Mahieddine Khalef s’est éteint ce mardi 10 décembre à l’âge de 80 ans, a annoncé la fédération algérienne de football.

Souffrant depuis plusieurs mois, l’ « homme de Gijon », comme on l’affublait, en référence à l’éclatante victoire du onze national dont il était entraîneur contre l’Allemagne (2-1) en Coupe du monde 1982 en Espagne,  fait partie sans aucune doute, avec Rachid Makhloufi, disparu un mois plutôt, de ceux qui ont écrit les pages les plus glorieuses du football algérien.

Un architecte qui a donné ses lettres de noblesse au football national en le propulsant et en lui conférant une respectabilité sur la scène continentale et internationale.

S’il n’a pas laissé d’empreinte en qualité de footballeur, carrière qu’il entama à Kenitra au Maroc, où il est né en 1944 d’un père et d’une mère Kabyles de Beni Yenni, Mahieddine Khalef brillera plutôt sur le banc comme entraîneur de la JS Kabylie, puis de l’équipe nationale.

En duo avec le polonais Stefan Zywotko, il transforme la JSK de 1979 à 1990 en véritable machine à gagner les titres et aligne un palmarès impressionnant : huit titres de champion d’Algérie en onze ans, une Coupe d’Algérie, une Coupe d’Afrique des clubs champions ainsi qu’une Supercoupe d’Afrique.

Un succès loin d’être le fruit du hasard : c’est le résultat d’une discipline de fer qu’il instaura au sein du club qui deviendra le plus titré d’Algérie, une connaissance fine du football et une professionnalisation avant l’heure de la gestion du club.

Et si la JSK, qualifiée alors de « Jumbo-Jet », a atteint les cimes, que les nostalgiques de cette période dorée évoquent aujourd’hui avec amertume, elle le doit assurément, en grande partie à cet homme qui a tôt compris que seul la rigueur et le sérieux payent.

En Équipe nationale d’Algérie dont il dirige le onze entre 1979 et 1984, les résultats ne sont pas en reste : une qualification aux Jeux méditerranéens de Split en Yougoslavie, une qualification aux Jeux olympiques de 1980 et une finale de la coupe d’Afrique la même année au Nigéria.

« Savez-vous que la veille de la finale, nous avons quitté Ibadan, situé à environ 70 km de Lagos que nous avons rejoint à minuit. Le bus est tombé en panne plusieurs fois durant le voyage. Une fois à l’hôtel, on a dû attendre que l’équipe du Maroc quitte l’établissement. Les joueurs ont pris possession des chambres vers une heure du matin pour jouer une finale le lendemain après après-midi », racontait, il y a quelques années, Mahieddine Khalef, pour expliquer l’échec de l’EN en finale de la CAN 1980 face au Nigéria (0-3).

Mais sans aucun doute, c’est l’exploit retentissant qu’il a réalisé avec les Verts au Mondial de 1982 contre l’Allemagne qui propulsera Mahieddine Khalef au panthéon du football national.

Mahieddine Khalef,  l’homme de la victoire de l’Algérie face à l’Allemagne au Mondial 82

Grâce à un football léché et une pléiade de talents comme Rabah Madjer, Lakhdar Belloumi, Mustapha Dahleb ou encore Salah Assad et Merzekane, il réussit à se défaire de l’ogre allemand suscitant l’admiration du gotha mondial du football. 

N’eut été l’arrangement honteux, à l’origine du changement du règlement par la FIFA, entre l’Autriche et son voisin allemand, l’Algérie aurait pu légitimement, avec deux victoires à la clé, accéder au second tour du mondial espagnol.

Après son départ de la JSK en 1984, il reste loin des terrains de football, avant de reprendre du service, d’abord comme entraîneur du club émirati d’Al Ain, ensuite des équipes marocaines de Tanger, Oujda et ES Sahel en Tunisie.

Mahieddine Khaled est rappelé au chevet de la JSK lors de la saison 200-2001 par l’ancien président du club, le défunt Mohand Chérif Hannachi. Un retour gagnant puisqu’il réussit, en compagnie de Sendjak, à obtenir la première coupe de la CAF du club, renforçant l’aura de la JSK en Afrique.

Sollicité pour son expertise et ses connaissances footballistiques par la chaîne qatarie Al Jazeera sport (beIN SPORTS), après son lancement en 2003, Mahieddine Khalef y officie durant quelques années avant d’être éjecté dit-on victime d’un complot d’un de ses…concitoyens y officiant également.

Celui qui a décliné poliment le poste de ministre des sports qui lui fut proposé, tout comme pour être député sous la bannière de deux partis qui l’ont sollicité a, depuis quelques années, disparu des radars.

Très peu de médias l’invitaient sur leurs plateaux et presque ostracisé par les officiels. Une situation vécue par l’homme comme une grande blessure, selon Omar Ouali, journaliste, un de ses amis.

«Il était désabusé, déçu. Il souffrait de l’ingratitude. Il y a eu vaguement comme un ordre pour l’ostraciser », témoigne-t-il à TSA.

Issu d’une grande famille de Tizi-Ouzou, frère du défunt Kasdi Merbah, Mahieddine Khalef n’a probablement pas bénéficié des honneurs et des égards que lui devait son pays de son vivant.

Seul Mohand Chérif Hannachi s’est rappelé au souvenir de son apport au football national : en 2009, il lui avait organisé une cérémonie pour l’introniser comme président d’honneur de la JSK.

Mahieddine Khalef qui continuait ces dernières années à suivre les exploits de l’équipe nationale et de la JSK, ses équipes de cœur, loin des feux de la rampe, part, comme il a vécu : dans la dignité. Un monument du football algérien que n’oublieront pas de sitôt ceux qui connaissent la valeur de l’homme.  

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