Comme chaque année, la polémique sur la non-observance du jeûne dans les lieux publics revient en Algérie avec le début de ce mois de Ramadan 2025.
Les médias n’ont pas fait état de poursuites ou d’arrestations de non-jeûneurs mais un avocat bien connu a suscité la controverse en appelant les citoyens à dénoncer aux autorités ceux qui se rendraient coupables du non-respect de cette obligation religieuse, quatrième pilier de l’Islam.
Bien que la Constitution stipule que l’Islam est la religion de l’État, la liberté religieuse est en principe garantie en Algérie par le même texte fondamental.
Mais manger en public pendant le Ramadan est très mal vu dans la société et peut entraîner des troubles à l’ordre public. Des personnes ont été poursuivies et condamnées par le passé à de la prison ferme pour ce motif.
Avec le début du mois de Ramadan, une téléspectatrice a soulevé la question sur la chaîne de télévision Ennahar TV. N’acceptant visiblement pas de voir des gens casser le jeûne dans la rue et d’autres espaces publics, la femme a demandé ce qu’il y a lieu de faire devant une situation pareille à l’avocat Nadjib Bitam, qui anime une émission de conseils juridiques sur la même chaîne privée.
L’avocat a donné un conseil étonnant à la femme qui le sollicitait. Il lui a d’abord expliqué qu’il est permis de filmer la personne en question, “à condition de ne pas diffuser la vidéo sur les réseaux sociaux”.
Ce qu’il y a lieu de faire ensuite, selon l’avocat, c’est de contacter la police ou la gendarmerie et leur envoyer la vidéo en guise de preuve.
L’avocat Bitam a même cité le texte qui, selon lui, punit l’acte de manger en public pendant le mois du jeûne.
“Le législateur est intervenu est a mis l’article 144-Bis 2 du Code pénal qui prévoit une peine de 3 à 5 ans de prison ferme”, a-t-il dit, ajoutant que le parquet est tenu de s’autosaisir pour engager l’action publique.
Or, comme il le reconnaît lui-même, l’article en question évoque l’offense au Prophète de l’Islam et le dénigrement de la religion musulmane. Il ne mentionne nullement le jeûne du Ramadan.
Polémique en Algérie sur les casseurs du jeûne du Ramadan
L’article 144-Bis 2 stipule : “Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50.000 DA à 100.000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le Prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public”.
Entre ne pas observer les préceptes d’une religion et la dénigrer, il y a évidemment une différence.
Beaucoup d’internautes partagent évidemment sur les réseaux sociaux la vision de cet avocat, estimant que dans un pays musulman, il ne peut être permis de manger en public pendant que la majorité jeûne.
Néanmoins, les propos tenus par Nadjib Bitam lui ont valu de nombreuses critiques, l’accusant d’encourager “l’inquisition” et la “délation” et d’inviter à l’intolérance religieuse.
Le journaliste et politologue Abed Charef a usé de mots très durs, le qualifiant d’ “avocat sans honte”, et “indigne de sa profession”.
“Un homme qui appelle à la délation pour quelque chose qui relève des croyances personnelles, de la vie privée. Incroyable qu’un avocat ne respecte ni la liberté de conscience ni la vie privée”, s’indigne le journaliste dans un post sur Facebook.
Le syndicaliste Nouredine Bouderba a, lui, appelé le parquet à s’autosaisir en effet, mais contre l’avocat.
“Cet homme, juriste de formation, demande sur un plateau de télévision à toutes les Algériennes et tous les Algériens de dénoncer à la police tout citoyen surpris en train de ne pas jeûner. C’est un appel indirect au lynchage même s’il fait semblant de dire le contraire”, écrit-il, soulignant que les gens peuvent ne pas observer le jeûne pour un tas de raisons, comme le fait d’être malade par exemple.