Les mariages mixtes semblent être dans le collimateur de certaines mairies en France. Plusieurs ressortissants algériens établis dans l’Hexagone ont fait les frais de ce serrage de vis administratif contraire à la loi.
On se souvient notamment de l’affaire Robert Ménard, le maire de Béziers, qui a refusé de marier, début juillet 2023, Eva, une Française de 29 ans, et Mustapha, un Algérien de 23 ans. Le couple avait pourtant passé toutes les épreuves administratives et légales.
France : mariage pour tous, sauf pour les sans-papiers
Bien que le procureur ait estimé qu’« il n’existe pas d’indices sérieux permettant de présumer l’absence de consentement matrimonial », Robert Ménard, le maire de Béziers, avait déclaré à la télévision qu’il n’allait pas marier le couple, car Mustapha était un sans-papiers.
Mustapha n’est pourtant pas le seul Algérien à qui l’on a mis des bâtons dans les roues quand il a voulu se marier avec une ressortissante française en France.
D’autres sont également victimes de diverses entraves et discriminations exercées par leurs mairies quand ils ont déposé leurs demandes de mariage avec des ressortissantes françaises. Ils livrent leurs témoignages au média français StreetPress.
Il dépose sa demande de mariage à la mairie, on l’envoie au commissariat
À la mairie du troisième arrondissement de Lyon, Ahmed, un sans-papiers algérien, qui a déposé son dossier de mariage avec Marine, une Française, témoigne que l’administration « a tout fait pour les décourager ». L’Algérien a même été accusé d’avoir « voulu profiter du système ».
La mairie a d’abord refusé l’extrait de naissance algérien du sans-papier, avant de saisir le parquet pour on ne sait quel motif et de confier l’enquête à la police nationale. « Ils ont envoyé sciemment quelqu’un qui n’avait pas de titre de séjour dans un commissariat », dénonce Marine.
Pourtant, la Police n’a pu relever aucune incohérence dans l’entourage du couple. Ce dernier a donc pu se marier avec deux mois de retard, avec toutefois « ce sentiment d’avoir été insulté gratuitement ».
« Une administration française ultra-raciste »
D’autres couples franco-algériens n’ont pourtant pas eu cette chance. C’est à Mulhouse, en Alsace, que Omar, Algérien, et Julia, une Française, découvrent « une administration française ultra-raciste » après que les fonctionnaires de la mairie où ils ont déposé leur demande de mariage ont saisi le parquet sur la base de préjugés.
La mairie a, en fait, estimé que Omar, 31 ans, qui travaillait au noir dans un garage automobile, ne pouvait vouloir épouser Julia, Française avec qui il avait 5 ans d’écart, que pour régulariser sa situation administrative et décrocher un titre de séjour.
« Le fait d’épouser une femme d’un second lit avec quatre enfants issus d’une union libre avec un homme d’origine algérienne constitue une pratique socialement réprouvée », estimait, en effet, la mairie dans son acte d’opposition au mariage.
Julia assure pourtant qu’elle venait de quitter un mari violent pour un Omar « qui lui a redonné goût à la vie » et avec qui elle a eu un cinquième enfant. Mais leur union est soupçonnée de viser un mariage de complaisance. La PAF s’emmêle donc et récupère l’enquête.
Omar a d’ailleurs été arrêté et placé en centre de rétention administrative. Il sera libéré trois jours plus tard et assigné à résidence. Le couple, qui n’a pas réussi à lever l’acte d’opposition au mariage, a tout de même décidé de quitter Mulhouse.
« Robert Ménard et la France m’ont coupé la vie »
Si Omar a eu la chance d’échapper à l’expulsion, cela n’a pas été le cas pour Mustapha, empêché de se marier avec Eva en juillet 2023 par le maire de Béziers Robert Ménard. Ce dernier a tout fait pour expédier le sans-papiers algérien dans son pays d’origine.
Deux semaines après le refus du maire, Mustapha est convoqué dans les locaux de la PAF. Il sera directement dirigé vers un centre de rétention où il restera 48 heures avant d’être expulsé vers l’Algérie sans même passer par le JLD (Juge des Libertés et de la détention).
Eva, la fiancée de Mustapha, confie qu’elle avait pu rencontrer Robert Ménard avant l’expulsion et que ce dernier lui a avoué « qu’il sait que ce n’est pas un mariage blanc, mais qu’il veut utiliser cette occasion pour faire réagir Macron et Darmanin au sujet des OQTF non appliquées ».
Mustapha, quant à lui, se souvient de l’opération médiatique menée par Ménard et notamment d’un groupe d’individus qui l’ont insulté devant les caméras et qui lui disaient de « retourner en Algérie ».
C’est d’ailleurs depuis l’Algérie, via téléphone, que Mustapha confie au média français que « Robert Ménard et la France lui ont coupé la vie ».
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