En pleine crise diplomatique avec la France, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a accordé un entretien au journal français L’Opinion.
Dans l’interview publiée, ce dimanche 2 février, le chef de l’État algérien évoque plusieurs dossiers internationaux, de la Palestine à l’Ukraine, en passant par la Syrie, le Sahara occidental, les relations avec la Chine ou encore le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis.
Interrogé si Alger et Washington ne vont pas buter sur la question de Gaza que Trump veut « nettoyer de sa population », Tebboune a estimé que l’expression utilisée est « malheureuse », ajoutant que dans l’esprit du président américain « il ne s’agit pas de la population palestinienne qui a des soutiens en Europe, dans le monde, en Afrique… ».
« On ne va pas faire table rase de tout ce qui a été accompli », a-t-il dit, après que l’Algérie a fait reconnaître la Palestine par 143 membres de l’ONU.
L’Algérie normalisera avec Israël « le jour même où il y aura un État palestinien »
À la question directe de L’Opinion de savoir si l’Algérie était prête à normaliser ses relations avec Israël en cas de création d’un État palestinien, Abdelmadjid Tebboune a répondu tout aussi directement : « Bien sûr, le jour même où il y aura un État palestinien. »
« Ça va dans le sens de l’histoire », a poursuivi le président de la République, rappelant que ses prédécesseurs Chadli Bendjedid et Abdelaziz Bouteflika avaient déjà expliqué qu’ils n’avaient aucun problème avec Israël. « Notre seule préoccupation, c’est la création d’un État palestinien », a-t-il dit.
Concernant les relations avec les États-Unis, Tebboune a rappelé qu’elles sont toujours restées bonnes, y compris lors du premier mandat de Donald Trump.
« Lorsque j’ai été élu en 2019, il m’a envoyé une lettre pour me féliciter quelques heures après les résultats, quand le président Macron a mis 4 jours pour « prendre acte » de mon élection », a-t-il rappelé.
Il a aussi souligné que les États-Unis ont introduit la question algérienne à l’ONU, qu’ils sont le seul pays au monde à avoir une ville qui porte le nom de l’Émir Abdelkader et que les plus gros projets de l’Algérie ont été réalisés avec les Américains dans les hydrocarbures ou autres secteurs.
Outre les États-Unis, l’Algérie entretient de bons rapports avec toutes les grandes puissances et « tous les pays méditerranéens qui investissent avec nous », a indiqué le président algérien, notant que, ces derniers jours, des dirigeants russes ont été reçus à Alger et des échanges sécuritaires et diplomatiques au plus haut niveau ont eu lieu avec les États-Unis.
Chinois en Algérie : « Nous sommes satisfaits de leurs prestations »
« Nous sommes une fausse stabilisatrice en Afrique. Alors, lorsque certains politiques français disent que l’Algérie est isolée, cela nous fait bien rire », a-t-il dit.
Le non-alignement est un axe fondamental de la politique étrangère de l’Algérie, en plus de la non-ingérence dans les affaires des autres États. « Ce qui explique aussi le fait que nous rejetons toutes les tentatives de vassalisation de notre pays », a-t-il expliqué.
Avec la Chine aussi, a dit Tebboune, l’Algérie a « une longue amitié », rappelant le rôle de l’Algérie dans l’entrée de la Chine populaire à l’ONU et au Conseil de sécurité et que ce même pays a été le premier à reconnaître la guerre de Libération algérienne. Sur le plan économique, les Chinois s’intéressent à de nombreux secteurs d’activité en Algérie et « nous sommes satisfaits de leurs prestations ».
« Ils sont venus au début pour construire des logements au grand dam des groupes français, comme Bouygues, qui lorgnaient le marché de la Grande mosquée d’Alger. Les Chinois ont proposé les meilleures offres, les délais les plus courts », a-t-il expliqué.
L’Algérie a tenté une médiation en Syrie et en Ukraine
Sur la situation en Syrie, Abdelmadjid Tebboune a fait des confidences. Il a confié que l’Algérie a toujours tenté de discuter avec le président Assad, « tout en étant ferme avec lui », elle n’a jamais accepté « les massacres contre son peuple ».
Il a également révélé qu’il a envoyé un émissaire au président syrien avant sa chute pour lui proposer une médiation pour qu’il discute avec son opposition, mais cela n’a pas abouti.
L’Algérie a aussi tenté une médiation dans le dossier ukrainien. C’est le président français qui a demandé à Tebboune lors de sa visite en Russie en 2023 de voir s’il pouvait « tenter quelque chose pour la paix ». Selon lui, Vladimir Poutine « était prêt à dialoguer, mais Volodymyr Zelenskyy n’a pas répondu ».
Abordant la situation au Sahel, le président algérien a jugé « aberrant » que les autorités maliennes accusent l’Algérie de soutenir le terrorisme.
« L’Algérie ne cherche pas à administrer le Mali que nous considérons comme un pays frère pour lequel notre main sera toujours tendue », a-t-il assuré, ajoutant que « nous avions même un plan de développement pour le Nord du Mali que nous étions prêts à financer à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars ».
Avec le Maroc, « c’est presque un jeu d’échecs »
À une question sur la présence de « mercenaires » dans la région, Abdelmadjid Tebboune a répondu : « Nous avons seulement du mal à accepter la présence de groupes paramilitaires comme Wagner à notre frontière. Nous l’avons d’ailleurs dit à nos amis russes. »
Sur le Sahara occidental, le président algérien a souligné que « rien n’est immuable », soulignant que la RASD est membre de l’Union africaine et que la justice internationale et européenne reconnaissent progressivement les droits du peuple sahraoui.
« Ces derniers (les Sahraouis) réclament des armes que nous nous préservons de leur donner pour le moment », a dit le chef de l’État, regrettant que le roi Mohammed VI n’ait pas suivi son père Hassan Il, qui « voulait régler le problème du Sahara occidental ».
Avec le Maroc, « c’est presque un jeu d’échec où nous sommes contraints de répondre à des actes que nous jugeons hostiles », a-t-il dit, dénonçant les « visées expansionnistes » marocaines ou encore les exercices militaires qu’ils effectuent avec l’armée israélienne à notre frontière, « ce qui est contraire à la politique de bon voisinage ».
Pour le reste, « le peuple marocain est un peuple frère pour lequel nous ne souhaitons que le meilleur », a conclu le président de la République.
SUR LE MÊME SUJET :
Normalisation Algérie – Israël : Tebboune pose ses conditions