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Me Khaled Bourayou : mort d’un défenseur infatigable des droits

Me Khaled Bourayou : mort d’un défenseur infatigable des droits

Via Facebook
Me Khaled Bourayou

Réputé pour son inlassable combat en faveur de la liberté de la presse en Algérie, l’avocat Khaled Bourayou s’est éteint tôt dans la matinée de ce samedi 28 décembre à l’âge de 76 ans. Il a été inhumé au cimetière de Garidi sur les hauteurs d’Alger en présence d’une foule nombreuse.

Éclipsé des radars depuis quelque temps, Khaled Bourayou a fini par perdre le « procès » contre la maladie qui le rongeait depuis longtemps. Il part avec probablement le regret de n’avoir pas pu assister à la consécration de certaines causes pour lesquelles il s’était investi corps et âme durant un peu plus d’un quart de siècle : l’ «indépendance » de la justice et la liberté d’expression.

D’une carrure imposante, infatigable défenseur des droits de la défense, l’avocat, à la voix grave, a bâti sa réputation dans les travers des tribunaux par ses puissantes plaidoiries.

Jamais, il n’a décliné une sollicitation à la défense, y compris lorsqu’elle émane de personnages sulfureux. « Moi, je défends le droit », se plaisait-il à répéter, comme pour rejeter d’un revers de main les accusations selon lesquelles il était « l’avocat des riches ».

Républicain, à la conviction chevillée, Khaled Bourayou dont les épreuves de l’enfance dans la région de Skikda, puis à Tunis où sa famille a dû se réfugier pendant la Révolution algérienne, ont façonné le personnage qui a fait de la défense des médias qui ont eu maille à partir avec la justice une de ses principales causes.

Dès l’émergence de la presse indépendante au début des années 1990, il s’est fait un devoir, souvent sans contrepartie pécuniaire, pour accompagner les journaux et les journalistes visés par des poursuites judiciaires.

Tout le monde garde en mémoire ses plaidoiries dans le procès intenté par l’ex général Mohamed Betchine, alors conseiller de l’ex président Liamine Zeroual contre les journaux « El Watan » et « El Khabar ».

Khaled Bourayou, infatigable défenseur des droits, s’en va

Un procès retentissant qui a fini par imposer des changements au sein des sphères dirigeantes du pays. Qui ne se souvient pas de sa défense de « Liberté », journal aujourd’hui disparu, qui avait accumulé des procès pour des caricatures de son caricaturiste fétiche, Ali Dilem ou encore pour des « Unes » qui n’agréaient pas les puissants du moment ?

Il y’a aussi le procès intenté contre les journalistes du Matin -journal également disparu- par l’homme d’affaires émirati, Mohamed Ali Chorafa, à la suite de la publication, en 2002, d’articles dénonçant son implication dans des malversations financières lors de l’attribution de marchés publics de la téléphonie mobile en Algérie.

Me Khaled Bourayou s’est lui-même proposé de défendre, sans contrepartie pécuniaire, TSA dans une affaire l’opposant à la Direction générale des grandes entreprises du ministère des Finances.

« J’ai côtoyé la presse pendant un quart de siècle, dans les moments les plus difficiles et où personne n’acceptait de la défendre. C’est le plus grand honneur que je peux tirer », disait-il y a encore quelques années non sans une pointe de regret sur l’absence de solidarité au sein de la corporation pour défendre cet acquis des « évènements d’octobre 1988 » qui ont mis fin au règne du parti unique en Algérie.

« Il faut préserver les libertés »

« Sans liberté de la presse, on ne peut rien faire », soulignait-il encore. Mais Khaled Bourayou ce n’était pas seulement la défense des médias. C’était aussi, sa constitution dans des affaires à connotation politique, comme le procès « Khalifa » en 2007, du nom du milliardaire déchu qui a bâti un empire financier en quelques années et qu’il qualifia alors de « procès spectacle », en raison de son issue, loin d’avoir livré tous ses secrets.

Autres procès qui ont fait sa réputation : celui du général Benhadid, poursuivi pour des propos tenus sur « Radio M », de l’ex candidat à la présidentielle avortée de 2019, Ali Ghediri ou encore celui, très médiatisé et retentissant, du général-Major, Mohamed Mediene, ancien patron des services renseignements.

« Notre rôle en tant qu’avocats est d’assurer à nos clients un procès équitable », disait-il dans un entretien à TSA en octobre 2019.

De sa longue expérience des prétoires, Me Khaled Bourayou établit un constat : la justice en Algérie est encore « malade » et qu’elle a besoin d’une véritable refonte pour lui conférer une réelle indépendance.

« Nous n’avons pas la perception que le juge est libre. On est dans la régression. Le mal dans la justice est que certains magistrats sont des zélés », disait-il en soulignant l’existence de « compétences » dans la corporation, mais qui finissent par être happées par la logique du système en citant l’exemple de Belkacem Zeghmati qui fut procureur général de la Cour d’Alger, auteur en 2013 des mandats d’arrêts internationaux contre l’ex-ministre Chakib Khelil qui ont provoqué son limogeage en 2015, avant d’être promu ministre de la justice en 2019 en couvrant certaines « dérives judiciaires ».

Le même reproche, il le fait également à ses confrères. « La corporation des avocats n’a pas été à la hauteur des aspirations de la population. Normalement, dès qu’il y’a atteinte aux libertés, elle doit dénoncer. Il faut préserver les libertés », soutient-il.

Effacé depuis quelques temps, conséquence de sérieux problèmes de santé, Khaled Bourayou part avec la conviction qu’il n’a cessé de marteler de son vivant : que rien ne peut se faire sans la consécration des libertés fondamentales. « L’Algérie n’a d’avenir que dans les libertés ». Avec la disparition de Me Bourayou, le barreau d’Alger perd un monstre sacré.

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