Société

Messaoud Bahoura : d’Algérie aux USA, le parcours impressionnant d’un chercheur de renommée

Messaoud Bahoura a été sélectionné parmi les 12 meilleurs professeurs de l’État de Virginie aux États-Unis. À TSA, il raconte son parcours de Ghardaïa dans le sud algérien jusqu’au États-Unis, en passant par l’USTHB, des universités et des centres de recherche prestigieux en France ainsi que la Nasa.

Chercheur dans le domaine des énergies renouvelables et des matériaux nouveaux, Messaoud Bahoura qui est établi aux États-Unis a une idée précise sur comment la diaspora algérien peut contribuer au développement de l’Algérie.

Son parcours de chercheur a débuté sur les bancs de l’école publique algérienne à Ghardaïa.

Après des études supérieures à la prestigieuse université de Bab Ezzaouar d’Alger (USTHB) qui a formé de nombreux chercheurs de renommée mondiale, Messaoud Bahoura s’envole vers Paris où il poursuit ses études et entame des recherches , avant d’atterrir aux États-Unis où il dirige un centre de recherche à Norfolk State University (NSU) en Virginie où, grâce à ses travaux, jouit d’un statut particulier.

M. Messaoud Bahoura, pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire et universitaire ? 

Mon parcours académique a débuté dans les écoles publiques de Ghardaïa, où mes parents m’ont inculqué les valeurs de l’éducation, du travail acharné et de la persévérance.

Dès mon plus jeune âge, j’ai excellé dans diverses matières et me suis régulièrement classé parmi les premiers de ma classe.

Bien que j’ai montré une aptitude naturelle pour les sciences, j’éprouvais également un grand intérêt pour les arts, notamment le dessin de cartes et de schémas en géographie et en sciences.

Mes enseignants ont reconnu mon potentiel et m’ont encouragé à aider mes camarades, ce qui a éveillé en moi une véritable passion pour l’enseignement et le partage du savoir—une passion qui n’a cessé de guider ma carrière.

Après l’obtention de mon baccalauréat en sciences en 1988, j’ai choisi de me spécialiser en Physique des Radiations à l’USTHB, l’une des institutions les plus prestigieuses d’Afrique. J’ai eu la chance d’y être formé par des professeurs de renom qui ont nourri ma curiosité scientifique et mon ambition.

En 1992, j’ai obtenu mon diplôme d’études spécialisées (DES) et ai été sélectionné pour poursuivre des études supérieures à l’université Paris XI en France.

J’ai ainsi eu le privilège d’intégrer le diplôme d’études approfondies (DEA) en lasers et matière au laboratoire Aimé Cotton de l’université Paris-Sud, un centre de recherche d’excellence en France.

Durant mon DEA, j’ai été accepté pour un stage de recherche au Laboratoire du temps et des fréquences (LPTF) de l’Observatoire de Paris, où j’ai travaillé sur le développement de diodes Schottky en tant que mélangeurs harmoniques pour les lasers visibles et les sources micro-ondes.

Ces recherches ont abouti à ma première publication dans une revue scientifique. En 1993, j’ai obtenu une bourse de recherche du Centre national d’études spatiales (CNES) pour contribuer au Projet d’horloge à refroidissement d’atomes en orbite (PHARAO), une référence de fréquence spatiale basée sur des atomes refroidis.

J’ai alors développé et testé avec succès un laser à diode à réflecteur de Bragg distribué miniaturisé pour fonctionner dans les conditions de microgravité, une avancée majeure dans le domaine. 

Après avoir soutenu mon DEA en 1993, j’ai eu le privilège de recevoir une bourse doctorale du Bureau national de métrologie (BNM) à Paris.

Cette opportunité déterminante m’a permis d’intégrer la prestigieuse équipe de recherche sur les horloges atomiques dirigée par le renommé Dr. André Clairon, dont le mentorat a profondément façonné ma carrière et ma compréhension de la métrologie des fréquences de pointe.

Dr. André Clairon était bien plus qu’un mentor—il fut une véritable force motrice dans mon parcours scientifique. 

En 1995, j’ai eu le privilège d’être témoin de son génie alors qu’il menait notre équipe à la réalisation de la première horloge à fontaine de césium, établissant un record mondial de précision.

Ses travaux révolutionnaires ont jeté les bases du Temps atomique international actuel et lui ont valu une reconnaissance internationale, notamment le prestigieux Rabi Award et le Prix de l’EFTF.

Au-delà de ses accomplissements scientifiques, Dr. Clairon était un homme d’une grande humilité, bienveillant et profondément dévoué à ses étudiants.

Il nous a quittés le 24 décembre 2015, laissant derrière lui un héritage qui continue d’inspirer des générations de chercheurs. Je lui serai éternellement reconnaissant pour son mentorat et m’efforcerai d’honorer sa mémoire à travers mon travail.

Durant mon doctorat, j’ai travaillé sur la réduction du bruit de phase laser dans les horloges atomiques et j’ai découvert l’effet du bruit d’intermodulation, développant des méthodes pour le minimiser.

Mes recherches ont donné lieu à plusieurs publications de premier plan, et j’ai eu l’honneur de présenter mes résultats lors de conférences internationales en Europe.

En 1998, j’ai soutenu ma thèse intitulée Influence du bruit de phase d’une diode laser sur les performances ultimes de son asservissement en fréquence sur une résonance optique, obtenant la mention très honorable avec félicitations.

Lors d’une conférence internationale, j’ai rencontré un chercheur principal de la NASA qui a été impressionné par mes travaux et m’a encouragé à postuler pour la prestigieuse bourse du National Research Council. J’ai eu l’immense privilège d’être l’un des trois scientifiques internationaux sélectionnés en physique pour rejoindre le Langley Research Center (LaRC) de la NASA aux États-Unis en 1998.

Au sein de la NASA-LaRC, j’ai travaillé sur le développement d’un système laser térahertz entièrement à l’état solide utilisant une technique de conversion de phase innovante.

J’ai conçu et synchronisé des sources laser paramétriques pulsées et analysé des matériaux pour optimiser les performances laser.

Mes recherches ont trouvé des applications dans le contrôle non destructif des matériaux, l’imagerie médicale, la détection de sécurité et les communications sans fil.

Mes découvertes ont été présentées lors de conférences internationales et publiées dans des revues scientifiques.

Après mon passage à la NASA en 2000, j’ai rejoint la Norfolk State University (NSU) en tant que professeur associé de recherche, où j’ai travaillé sur le développement de matériaux laser avancés et consolidé mon portefeuille de recherche.

En 2003, j’ai été invité à présenter mes recherches sur les marqueurs d’identification basés sur le laser aléatoire lors du sommet de ‘Institute for Defense and Homeland Security (IDHS)’ à Washington, attirant l’attention des hauts responsables du Pentagone et renforçant la reconnaissance de NSU au niveau national.

En 2010, j’ai rejoint le département d’ingénierie de NSU en tant que professeur associé, enseignant aux étudiants de premier et deuxième cycles tout en menant des recherches sur les énergies renouvelables, le stockage d’énergie et les capteurs basse consommation.

En 2011, j’ai été nommé Coordinateur des Programmes Gradués du Center for Materials Research (CMR), où j’ai augmenté les inscriptions aux cycles supérieurs de 15 % et doublé les financements de recherche.

Depuis 2020, je dirige le CMR à NSU, un centre de recherche interdisciplinaire regroupant dix professeurs, trois administrateurs, quatre chercheurs postdoctoraux et quarante doctorants.

Ce centre abrite le seul programme doctoral en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques de NSU et gère un portefeuille annuel de recherche de 4 millions de dollars. Sous ma direction, les inscriptions en doctorat ont augmenté de 20 % et les financements de recherche ont triplé.

Parallèlement, j’ai dirigé deux projets majeurs de 5 millions de dollars : le Centre pour l’Énergie Renouvelable et les Matériaux Avancés ainsi que le Centre pour les Matériaux et Dispositifs Nano & Bio-Inspirés.

J’ai obtenu plus de 36 millions de dollars de financements, faisant de moi le chercheur le plus financé de l’histoire de NSU. J’ai encadré plus de 20 doctorants, dirigé plus de 100 étudiants diplômés et encadré plus de 130 étudiants de premier cycle ainsi que 80 lycéens.

Tout au long de ma carrière, j’ai publié plus de 280 articles scientifiques, collaboré avec des universités de premier échelon et siégé aux comités de rédaction de revues scientifiques.

J’ai reçu de nombreuses distinctions pour l’excellence en enseignement, en recherche et en service. En dehors du monde académique, je suis également consultant pour le NSU Innovation Center et bénévole certifié de Hampton Roads SCORE, aidant les jeunes entreprises à se développer.

En résumé, mon parcours académique et professionnel s’inscrit dans une quête constante d’innovation et d’excellence dans les domaines de la physique des lasers, des horloges atomiques, de la technologie térahertz et des énergies renouvelables.

Aujourd’hui, en tant que directeur du Center for Materials Research à NSU, je continue à mener des recherches de pointe, à obtenir des financements externes, à encadrer les futures générations de scientifiques et à contribuer au progrès scientifique et académique.

Vous venez d’être sélectionné parmi les 12 meilleurs professeurs de en Virginie. Quel est votre sentiment ?

Recevoir ce prix représente une validation profonde de mon travail dans l’enseignement, la recherche et le service.

Il reflète les innombrables heures que j’ai consacrées à promouvoir l’innovation, à encadrer les étudiants et à rendre l’éducation en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques accessible à tous, en particulier aux communautés sous-représentées.

Cet honneur est partagé avec mes étudiants, collègues et partenaires qui m’ont soutenu tout au long de ce parcours. Je suis profondément reconnaissant envers Norfolk State University pour son soutien indéfectible et pour m’avoir offert une plateforme permettant d’apporter des contributions significatives.

Être sélectionné parmi les 12 meilleurs professeurs en Virginie est à la fois une source d’humilité et d’inspiration.

Cela rappelle la responsabilité que nous avons, en tant qu’éducateurs, non seulement de transmettre des connaissances, mais aussi d’éveiller la curiosité, de repousser les limites et de préparer les étudiants à relever les défis les plus pressants de notre époque.

Pour moi, cette reconnaissance dépasse les distinctions personnelles ; elle célèbre l’impact collectif que nous pouvons avoir. C’est un immense privilège de savoir que mes efforts pour faire progresser l’enseignement de la physique et inspirer une nouvelle génération de scientifiques et d’innovateurs sont ainsi reconnus à ce niveau.

Comment avez-vous été sélectionné ?

J’ai été sélectionné sur la base d’un parcours éprouvé d’excellence en enseignement, en recherche et en service.

 Au sein de mon institution, j’ai eu l’honneur de recevoir de nombreuses distinctions, notamment le Prix du Meilleur Enseignant, les Prix d’Excellence pour le Service et le Mentorat en Recherche, ainsi qu’une reconnaissance pour avoir dirigé un programme ayant enregistré le plus grand nombre de brevets et de brevets en instance.

En 2024, j’ai reçu deux des distinctions les plus prestigieuses de l’université : le Prix de Professeur Universitaire et le Prix d’Excellence en Recherche, devenant ainsi le premier membre du corps professoral de l’histoire de l’institution à obtenir ces deux distinctions la même année.

En reconnaissance de ces accomplissements, la Provost m’a nommé pour le Prix du Meilleur Enseignant du Conseil d’État de l’Enseignement Supérieur de Virginie (SCHEV), la plus haute distinction décernée aux enseignants dans le Commonwealth de Virginie.

Ce prix célèbre des contributions exceptionnelles en enseignement, en recherche et en service public à travers 129 universités publiques et privées en Virginie.

Ma recherche se concentre sur les énergies renouvelables et les matériaux avancés, incluant les batteries lithium-ion, les supercondensateurs, les dispositifs thermoélectriques et les capteurs à faible consommation d’énergie.

J’exploite également l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle pour accélérer la découverte de nouveaux matériaux et technologies.

À ce jour, j’ai obtenu plus de 36 millions de dollars de financement — le montant le plus élevé dans l’histoire de mon institution — et j’ai encadré le plus grand nombre de doctorants en en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques au sein de l’institution.

Avec plus de 100 publications et 180 présentations lors de conférences internationales, mon travail aborde des défis critiques liés à la durabilité énergétique et à l’innovation.

Comment la diaspora algérienne peut-elle contribuer au développement de l’Algérie ?

La diaspora algérienne détient un potentiel immense pour contribuer de manière significative au développement de l’Algérie, et cela peut être réalisé grâce à des initiatives stratégiques et innovantes.

L’un des moyens les plus impactants réside dans le transfert de connaissances et de compétences.

Les membres de la diaspora, notamment ceux spécialisés dans la technologie, la santé et les énergies renouvelables, peuvent combler les lacunes en matière de compétences en mentorant des professionnels en Algérie et en participant à des initiatives d’enseignement virtuel ou de recherche collaborative. Ces échanges favorisent l’innovation et renforcent les capacités de la main-d’œuvre algérienne.

L’investissement direct représente un autre levier crucial pour un impact durable. En canalisant des ressources vers des secteurs clés tels que l’immobilier, l’agriculture et les petites et moyennes entreprises, la diaspora peut contribuer à dynamiser la croissance économique du pays.

Pour que cela réussisse, l’Algérie doit créer un environnement propice à l’investissement en offrant des incitations telles que des allégements fiscaux et en simplifiant les processus administratifs. Par exemple, le vaste potentiel agricole du pays pourrait grandement bénéficier d’investissements issus de la diaspora dans des techniques agricoles durables et modernes.

Les écosystèmes entrepreneuriaux offrent également une opportunité exceptionnelle d’engagement.

L’Algérie pourrait établir des incubateurs et des accélérateurs d’entreprises spécifiquement adaptés aux entrepreneurs issus de la diaspora, leur permettant de créer et de développer des entreprises dans leur pays d’origine.

Ces entrepreneurs peuvent apporter non seulement du capital, mais aussi des connaissances des marchés mondiaux et des réseaux qui peuvent ouvrir de nouvelles opportunités pour les startups algériennes.

Des instruments financiers innovants, tels que les obligations pour la diaspora, peuvent mobiliser l’épargne des Algériens vivant à l’étranger.

Les fonds levés grâce à ces obligations pourraient être alloués à des projets d’infrastructure essentiels, tels que la modernisation des réseaux de transport et l’amélioration des systèmes de gestion de l’eau, cruciaux pour le développement de l’Algérie. Le succès de telles initiatives dans d’autres pays démontre leur faisabilité.

La collaboration institutionnelle est essentielle pour établir la confiance et renforcer les liens avec la diaspora.

En tant que membre actif de plusieurs associations et fondations algéro-américaines, je soutiens pleinement cette vision.

Par exemple, l’Association algéro-américaine pour la science, la technologie et l’entrepreneuriat (AAASTE) s’efforce de servir la communauté scientifique aux États-Unis et en Algérie grâce à des initiatives favorisant l’excellence en recherche, la qualité éducative et l’entrepreneuriat innovant.

En développant des partenariats avec des institutions académiques et des entreprises algériennes, l’AAASTE vise à promouvoir une économie fondée sur le savoir, capable d’améliorer les conditions de vie des Algériens.

De même, la Fondation algéro-américaine pour la culture, l’éducation, la science et la technologie (AAF-CEST) construit des ponts entre l’Algérie et les États-Unis à travers des échanges culturels, des collaborations éducatives et des partenariats scientifiques.

L’AAF-CEST soutient activement des initiatives intégrant des chercheurs, organisant des ateliers et développant des collaborations technologiques. Grâce à ses efforts, la fondation facilite des échanges significatifs qui renforcent les capacités de l’Algérie en matière d’innovation et d’intégration mondiale.

Par ailleurs, la diaspora peut jouer un rôle clé dans le renforcement des liens commerciaux de l’Algérie avec les marchés internationaux.

En exploitant leur connaissance des marchés étrangers, les Algériens vivant à l’étranger peuvent promouvoir l’exportation de produits locaux, tels que l’artisanat, les dattes et l’huile d’olive, créant ainsi de nouvelles opportunités économiques et renforçant la présence mondiale de l’Algérie.

L’optimisme pour cette vision découle de la volonté clairement démontrée de la diaspora algérienne de contribuer au développement de son pays d’origine.

Les enquêtes et les discussions de groupes reflètent un fort sentiment d’attachement et un désir de rendre à la nation. Avec des politiques de soutien et un engagement stratégique, l’Algérie peut exploiter pleinement le potentiel de sa diaspora, favorisant ainsi la croissance économique, l’intégration mondiale et un avenir résilient.

Grâce aux efforts combinés d’associations telles que l’AAASTE et l’AAF-CEST, ainsi qu’aux initiatives d’individus motivés, la diaspora algérienne continuera de jouer un rôle dynamique pour un changement positif.

Pour vous, les États-Unis, c’est un choix ou une opportunité ?

Les États-Unis représentent à la fois un choix et une opportunité pour moi, deux aspects étroitement liés qui ont façonné mon parcours personnel et professionnel.

C’est un choix dans le sens où j’ai délibérément décidé d’adhérer aux valeurs et aux possibilités qu’offre ce pays : des valeurs telles que la liberté, la diversité et la quête d’innovation. Ce choix reflète mon aspiration à faire partie d’une société dynamique où le travail acharné et la créativité peuvent mener à des réalisations significatives, tant sur le plan personnel qu’au service des communautés auxquelles j’appartiens.

En même temps, les États-Unis sont une opportunité : un lieu qui offre un accès sans pareil aux ressources, aux réseaux et aux plateformes permettant aux individus de se développer, de contribuer et de faire une différence.

Ses écosystèmes académiques et professionnels, riches et dynamiques, m’ont permis de poursuivre ma passion pour l’avancement de la science, de la technologie et de l’éducation.

La culture de collaboration et l’ouverture du pays envers les talents m’ont donné les moyens de tisser des liens, de construire des passerelles entre les communautés et de travailler sur des initiatives impactantes, notamment en favorisant les relations entre l’Algérie et les États-Unis.

En somme, les États-Unis incarnent une synergie parfaite entre un choix délibéré d’embrasser ses idéaux et une opportunité exceptionnelle de tirer parti de ses forces pour apporter un changement significatif. Cette dualité alimente mon engagement à contribuer à la fois à mon pays d’accueil et à mon pays d’origine, dans le but d’honorer les opportunités offertes par mon choix.

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