Alors que les prix des moutons suscitent la controverse, la question de l’approvisionnement en viande du marché national préoccupe autant les consommateurs que les éleveurs algériens. Quant aux opérateurs publics, ils poursuivent leurs importations de viande à l’image d’Alviar.
Sur les marchés aux bestiaux, les prix des moutons restent élevés. Sur un marché de Tiaret, la chaîne Web Dounia fait état de brebis dont le prix avoisine les 170.000 DA.
Le 12 novembre à Bougtoub (El Bayadh), un éleveur a mis en vente un agneau de trois jours au prix de 35.000 DA et indique qu’on lui en a déjà offert 25.000 dinars. Les photos et les vidéos de l’éleveur tenant dans ses bras le petit agneau ont signé l’indignation sur les réseaux sociaux.
Un prix qui fait bondir certains internautes : « La viande ovine importée est à 1.700 DA chez le boucher. Il veut vendre cet agneau qui ne pèse pas 5 kg à 35.000 DA, c’est-à-dire à 7.000 DA le kilo. Moi, je préfère acheter de la viande importée. Avec 35.000 DA, je peux me procurer une carcasse de 20 kg. »
Le président de l’Association de protection des consommateurs (Apoce) Mustapha Zebdi a partagé la photo de l’agneau en s’en prenant à ceux qui s’opposent à l’importation de la viande rouge.
Ces dernières semaines, l’Algérienne des viandes rouges « Alviar » a réceptionné des cargaisons de viande d’Espagne, d’Italie et de Roumanie. Ces quantités ont été distribuées aux différents opérateurs économiques, dont les grossistes et les détaillants spécialisés dans la vente de viande.
Le projet de loi de finances 2025 adopté mercredi par l’Assemblée populaire nationale (APN) propose la prorogation du taux réduit de 5 % des droits de douane à l’importation de cheptel bovin et ovin vif et des viandes fraîches réfrigérées bovines et ovines sous vide, jusqu’au 31 décembre 2025.
Spécialisation des éleveurs
En Algérie, la vente de jeunes agneaux est une pratique courante, car certains éleveurs se spécialisent en tant qu’éleveurs naisseurs alors que d’autres visent surtout l’engraissement des agneaux.
La vente de jeunes agneaux est également le signe d’une indisponibilité du fourrage. Une disponibilité actuellement variable selon les wilayas et le niveau des dernières pluies. Dans la wilaya de Béchar, avec les dernières pluies qui se sont abattues sur cette région du Sud algérien, les parcours steppiques ont reverdi.
Une situation qui a provoqué l’afflux des éleveurs en provenance des wilayas voisines. Ces dernières semaines, le nombre de convois de camions chargés d’animaux était tel que des élus locaux ont appelé l’exécutif de wilaya à réagir.
Selon le président de l’association nationale des éleveurs ovins, l’accès aux parcours de la wilaya a été limité aux seuls éleveurs locaux, ce qui a entraîné un mécontentement des autres éleveurs.
Des réserves de productivité
La production locale de viande rouge pâtit de la réduction des activités de la filière d’engraissement de jeunes bovins. En cause, la suspension des importations d’animaux sur pied liée à l’apparition en France de la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Avec 18 millions de têtes, le cheptel ovin ne suffit pas à répondre à la demande. Les éleveurs disposent d’un grand savoir-faire sur lequel pourrait s’appuyer les techniques nouvelles d’élevage : sélection génétique, optimisation des naissances et de l’alimentation.
Le dernier recensement réalisé par les services vétérinaires vise à assurer l’approvisionnement des éleveurs en orge à prix réglementé et d’empêcher toute spéculation.
Mais la production de fourrages naturels reste insuffisante, aussi selon leurs moyens, les éleveurs adoptent différentes stratégies : déplacement des troupeaux, production de fourrages irrigués ou achats d’aliments.
Co-auteur en 2020 d’une étude sur l’élevage, Zaza Bensmira détaille les nouvelles façons de faire des éleveurs : « Leur forte mobilité peut même être assimilée à de nouvelles formes de nomadisme avec des moyens nouveaux : bétaillères, camions citernes, téléphones portables, main-d’œuvre qualifiée et relations sociales fortes… ».
Le chercheur précise l’intérêt des relations sociales : « Lors de leur absence du terroir d’attache, les parcours naturels sont mis au repos et surveillés par des membres de la famille pour permettre leur régénération ».
Le manque de fourrages et l’envolée actuelle de leur prix amènent des éleveurs à décapitaliser en vendant une partie de leur cheptel.
Pour ces périodes de soudure, la recherche agronomique locale propose la confection d’aliments à partir de sous-produits de l’industrie agro-alimentaire : paille broyée, son de blé, grignons d’olive, rebuts de dattes ou mélasse accompagnés de minéraux et de complémentation azotée sous forme d’urée.
Quant à l’expert Slimane Bencharif, dès 2013, il avertissait : « Au-delà de ces améliorations essentielles, il faut rappeler que bien d’autres sont possibles : sélection animale et croisement, développement de la médecine vétérinaire, transformation des produits, amélioration des conditions d’approvisionnement et de vente de produits, diversification des activités … ».
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