"Tous les musulmans de France ont peur. Il y a une ligne rouge qui a été franchie". Ces propos ont été tenus par une musulmane devant Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France Insoumise (LFI), venu participer dimanche 27 avril à une manifestation contre l’islamophobie, place de la République à Paris.
La manifestation a été organisée après l’assassinat d’un fidèle alors qu’il priait dans une mosquée du Gard, dans le sud de la France, vendredi dernier.
La dame a tout résumé. En larmes, elle a exprimé le climat de terreur qu’elle vit désormais ainsi que tous les musulmans de France. Une peur jusque-là latente mais que plus personne ne peut cacher ou ignorer maintenant que l’extrémisme a franchi le pas, "la ligne rouge".
Fait rare, Mélenchon a aussi versé des larmes en public. L’heure est effectivement grave. "Le niveau de violence contre les musulmans s’aggrave dans tout le pays« et »tout le monde doit comprendre que l’unité du pays est menacée" , a-t-il écrit plus tard sur X.
France : « La vie des musulmans est aujourd’hui en danger«
Le niveau de violence contre les musulmans s’aggrave dans tout le pays.
Chaque personne peut individuellement agir contre l’islamophobie. La première frontière contre la haine des autres est soi-même.
Tout le monde doit comprendre que l’unité du pays est menacée. La meilleure… pic.twitter.com/bqA8sTqrro
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 27, 2025
Les voix se délient et il en était temps. « La vie des musulmans est aujourd’hui en danger en France« , a alerté le conseil des institutions musulmanes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a appelé à un rassemblement ce mardi à Lyon.
"Aujourd’hui, prier en France expose un musulman au risque d’être tué. Cette réalité, qui hier encore semblait impensable, est désormais la nôtre« , a déploré le conseil.
Sur TSA, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la Grande mosquée de Paris, a confirmé : "Les musulmans de France se sentent de plus en plus vulnérables, abandonnés dans un silence assourdissant".
Pour le recteur de la Grande mosquée de Paris, il n’y a pas de doute possible. "Cet acte, dit-il, porte toutes les marques d’un crime de haine et de discrimination antimusulmane". Mais comment la France en est arrivée là ?
Une haine des musulmans "cultivée au grand jour"
La réponse, on l’entend partout depuis que Aboubakar Cissé, un musulman d’origine malienne, a été tué de plusieurs coups de poignard là où il pouvait légitimement s’y attendre le moins, dans une mosquée.
C’est le résultat inéluctable de plusieurs années de banalisation de l’islamophobie et de libération de la parole raciste, y compris -et surtout- sur des médias de grande audience.
Ce crime n’est donc pas "un accident« , mais »l’enfant d’un climat délétère construit méthodiquement« et »l’aboutissement de cette haine cultivée au grand jour", déclare Hafiz avec les mots qu’il faut pour décrire le mal, lui qui n’a eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme ces dernières années, en vain.
Les musulmans ont trop été montrés du doigt en France et ce passage à l’acte n’étonne presque pas. Au fil des années, ils sont devenus les parfaits boucs émissaires de tous les maux du pays, du terrorisme à l’antisémitisme, en passant par la pénurie d’œufs pendant le Ramadan.
Polémiques et stigmatisations
Trop de polémiques et de stigmatisations ont ciblé la communauté ces dernières années, jusqu’à créer ce climat de suspicion et de haine, et ce sentiment de rejet et de malaise que les musulmans ressentent au travail, dans la rue, dans les écoles. On ne peut pas dire que la France officielle n’a pas laissé faire l’islamophobie.
Impunément, ceux qui font l’opinion, journalistes et hommes politiques essentiellement, se permettent envers les musulmans tous les écarts. Tout récemment, le fils d’un ancien président de la République, Louis Sarkozy, a menacé publiquement d’incendier l’ambassade d’Algérie en France. Cet appel franc et direct à la violence n’a pas suscité la réprobation qu’appelle sa gravité.
Avant le fils de Sarkozy, c’est un ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui a imputé au monde musulman la paternité de l’antisémitisme, pourtant né et couvé en Europe pendant plusieurs siècles. Ce genre d’attaques et d’accusations sans fondement sont le lot quotidien des musulmans de France.
Avec le meurtre d’un homme dans une mosquée, un pas dangereux est franchi. Chez la communauté musulmane, le sentiment de rejet cède désormais le pas à une peur légitime. La meilleure façon de la rassurer et d’en finir sans tarder avec la banalisation de la haine, d’où qu’elle vienne et quelle que soit la partie qu’elle vise.