Elle demeure, à ce jour, la seule chanteuse algérienne et maghrébine à s’être produite sur la prestigieuse scène du Carnegie Hall de New-York !
Nassima Chabane a été, dès son plus jeune âge, initiée à la musique arabo-andalouse par des grands maîtres : Sadek Bedjaoui, Dahmane Ben Achour, Hadj Medjbar…
La chanteuse et instrumentiste est connue pour son engagement pour la promotion et la transmission du patrimoine musical andalou. Elle vient de sortir un coffret de 10 albums consacré à ce legs ancestral.
C’est une figure emblématique de la musique arabo-andalouse en Algérie. Nassima-Nacéra Chabane est née en 1959. Elle a sept ans, lorsqu’elle entre au conservatoire de Blida.
« J’ai grandi en écoutant ma mère, ma grand-mère et mes tantes fredonner des refrains du patrimoine andalou. Je les imitais alors que je n’étais pas plus haute que trois pommes », confie-t-elle à TSA.
Nassima Chabane, une artiste formée par les plus grands maîtres
Au conservatoire de Blida, Nassima Chabani, alors fillette, met le pied à l’étrier sous la houlette de grands maîtres. Elle y apprend à jouer de la mandoline et à chanter.
« El hadj Medjber m’a initié aux techniques instrumentales, c’est-à-dire à l’étude des modes musicaux : el tabaa ou el makama. En parallèle, Dahmane Ben Achour m’a prise en charge sur le plan vocal. J’avais à peine 13 ans et j’interprétais la nouba en entier. À cette époque, ce genre était encore réservé exclusivement aux hommes. Il fallait avoir du coffre, une bonne diction et maîtriser les techniques vocales et la langue poétique ! », raconte-t-elle.
La jeune interprète s’impose comme soliste au sein du prestigieux ensemble El-Widadia, fondée en 1932, tout en collaborant régulièrement en tant que soliste dans l’ensemble musical Nedjma.
« J’étais la seule fille au milieu de l’orchestre masculin. À Blida, des gens m’arrêtaient dans la rue pour m’encourager à aller de l’avant. À 15 ans, j’étais devenue une petite star dans ma ville natale ! ».
Prise sous l’aile protectrice d’éminents cheikhs de la trempe de Dahmane Ben Achour, Hadj Hamidou, Sadek Bedjaoui et Mohamed Benguergoura, Nassima gagne en popularité.
En 1979, elle enregistre à la RTA, ancêtre de la Télévision algérienne, une anthologie de la musique arabo-andalouse sous la direction artistique de Hadj Hamidou. « L’orchestre était alors dirigé au piano par Mustapha Skandrani », se souvient-elle.
Nassima Chabane poursuit son ascension. En 1984, accompagnée par l’orchestre symphonique d’Alger, elle est la première chanteuse à exécuter la totalité de la nouba dans le mode Zidane en tant que Mezzo-Soprano, harmonisée par le maestro Rachid Bradaï. Elle a alors 25 ans.
Sur les scènes internationales
Sur sa lancée, la chanteuse et instrumentiste ajoute une corde à son arc. À la télévision algérienne, elle produit et anime, entre 1986 et 1994, une série d’émissions culturelles consacrées au patrimoine musical et poétique maghrébin.
La disciple de Dahmane Ben Achour et de Sadek Bedjaoui, ne s’arrête pas en si bon chemin ! Elle participe à de nombreux festivals internationaux : Pakistan, Emirats Arabes Unis, Russie, Montréal, Tunisie, Koweït, Turquie, France, Angleterre, Espagne, Corée… Et cerise sur le gâteau, New-York !
« En 2011, je me suis produite sur la scène du Carnegie Hall de New-York. J’ai aussi joué à chanter plusieurs reprises au World Music Institute de cette ville et j’ai été consacrée par la prestigieuse distinction de Lauréate du World Music. »
Transmission et préservation du patrimoine algérien
La transmission étant son cheval de bataille, Nassima Chabane a donné des cours de musique andalouse pendant de nombreuses années en Algérie et en France (Institut Culturel algérien de Paris, Opéra d’Alger…).
Elle a également animé de nombreuses master class et des conférences. « Je me suis engagée à fond dans ce travail pour la reconnaissance de cette musique classique andalou-maghrébine dans le monde », insiste-t-elle.
En 2009, Nassima Chabane et Idir unissent leurs talents pour produire un album intitulé « Des racines et des chants ».
La chanteuse et instrumentiste vient de sortir un coffret de 10 albums intitulé Nassima Chabane. L’opus est produit par l’ONDA sous la tutelle du Ministère de la Culture.
« Quatre ans de recherche ont été nécessaires pour finaliser ce travail. J’ai effectué de nombreuses recherches afin de ressusciter des pièces inédites, jamais exploitées à ce jour, confie-t-elle. Je veux que ce répertoire serve aux futures générations ».
Confidences et anecdotes
Ce coffret, la chanteuse et instrumentiste souhaite le dédicacer à sa mère partie trop tôt. « J’avais à peine 10 ans lorsqu’elle nous a quittés, dit-elle avec émotion. La musique andalouse a été un refuge et une thérapie pour moi ».
Nassima Chabane partage avec nous une anecdote. « Cheikh Sadek Bedjaoui était mon père spirituel. Un jour-je devais avoir 17 ans-, il m’avait tendu un carton de bandes sonores me demandant de les écouter. Il estimait qu’il y avait là des pépites à exploiter. J’étais chez lui, chez lui, en compagnie de sa femme. J’ai affiché une petite moue « Je n’ai pas de magnétophone pour écouter ces bandes », dis-je avec une pointe de regret.
El Cheikh Bedjaoui s’est éclipsé pour aller en ville. Une heure plus tard, il revient avec un magnétophone tout neuf. « Voilà, c’est cadeau Maâlema » dit-il, le visage fendu d’un large sourire. Je n’en revenais pas ! Cet appareil, je l’ai gardé tout comme le mandole que m’avait offert Dahmane Ben Achour ».
Diva et Maestro, des mots galvaudés aujourd’hui !
La relève est-elle assurée aujourd’hui ? La musique classique algérienne a-t-elle un avenir dans notre pays ? Nous avons posé ces questions à Nassima.
« Il faut absolument suivre une formation académique avant de s’autoproclamer diva ou maestro. Cette musique savante andalouse se transmet de maître à disciple. Être une vraie chanteuse de l’andalou, ce n’est pas porter un karakou, c’est l’authenticité, avant tout ! Aujourd’hui, n’importe qui s’improvise en diva et en maestro. Cela me fait mal au cœur », lâche Nassima Chabane.
Engagée dans la préservation et la promotion du patrimoine musical andalou, la musicienne continue à creuser son sillon. « Je vais poursuivre mes recherches et enregistre d’autres œuvres pour les mettre à la disposition des futures générations ».
Auteur, compositeur et interprète, Nassima Chabane a beaucoup œuvré pour la préservation de ce riche patrimoine culturel immatériel. Ambassadrice de cette musique savante et poétique, elle continue à œuvrer pour la transmission de ce précieux legs ancestral.