À l’initiative de Noureddine Melikechi, physicien à la Nasa et doyen du Kennedy College of Sciences de l’université du Massachusetts aux États-Unis, les noms de trois célèbres parcs nationaux algériens ont été donnés à des zones sur la planète Mars.
Dans cet entretien à TSA, le célèbre physicien algérien qui participe aux travaux d’exploration de la planète rouge, explique comment l’idée lui est venue de donner les noms de ces parcs à des zones sur Mars, et ce qui a motivé son choix.
Noureddine Melikechi parle aussi des similitudes entre le désert algérien et Mars ainsi que de l’intérêt pour l’humanité d’explorer la planète rouge qui est envisagée comme une deuxième maison pour l’humanité.
Les noms des trois parcs nationaux algériens, Djurdjura, Tassimi n’Ajjer et Ghoufi, ont été donnés à des zones sur Mars. Comment l’idée vous est-elle venue ?
L’idée de donner les noms de trois parcs nationaux à des zones sur Mars m’est venue d’un désir profond de symboliquement attacher ces lieux emblématiques, et à travers eux mon pays, à la science et à l’universalité.
Ces parcs nationaux, chacun avec sa richesse unique, ne représentent pas seulement la beauté de la nature algérienne, mais aussi l’empreinte d’une civilisation riche et diversifiée qui a traversé les âges.
Elle est née aussi, et peut être amplifiée, d’un désir profond d’inscrire l’Algérie dans une histoire qui dépasse les frontières de notre planète.
Imaginez un instant : nous sommes en 2030, 2040 ou même bien plus tard, un chercheur travaille sur Mars et découvre les noms de nombreux parcs nationaux à travers le monde, parmi lesquels le Djurdjura, le Tassili n’Ajjer et le Ghoufi.
Il découvre alors qu’ils viennent d’Algérie, un pays aux paysages magnifiques, à la culture profonde et à l’histoire universelle.
C’est, pour moi, une façon de contribuer à la valorisation de notre héritage culturel et d’inspirer davantage les générations futures à la nature qui les entoure, les sciences qui permettent de l’explorer et à l’histoire qui éclaire nos racines, nos valeurs et les traditions qui ont forgé notre identité.
Finalement, parce que je trouve qu’offrir à ces lieux emblématiques une forme d’éternité leur permet de vivre, non seulement dans la mémoire des hommes et des femmes, mais aussi dans l’histoire de l’exploration spatiale.
Djurdjura, le Tassili n’Ajjer et le Ghoufi s’inscrivent dans une série d’autres appellations attribuées à des parcelles de Mars, notamment dans la région du cratère Jezero.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Lorsque j’ai proposé de donner les noms du Djurdjura, de Ghoufi et du Tassili n’Ajjer à des régions de Mars, mon choix a été guidé par des raisons aussi bien scientifiques que personnelles, mais toujours profondément enracinées dans l’amour et l’admiration que je porte pour ces lieux emblématiques de l’Algérie.
Le Djurdjura, le Tassili et le Ghoufi sont des symboles d’une civilisation qui a su s’adapter, innover et transmettre son héritage, et c’est ce que je voulais inscrire dans cette aventure martienne, comme un hommage à notre passé et un message d’espoir pour notre futur.
Le Tassili n’Ajjer, tout d’abord, s’est imposé comme une évidence. Ce massif aux formations géologiques uniques, avec ses arches de pierre spectaculaires et ses paysages qui semblent d’un autre monde, possède une ressemblance avec certains aspects de la surface martienne.
Mais le Tassili, c’est bien plus que son apparence : c’est aussi un site de richesse inestimable pour l’humanité. Ses peintures rupestres, vestiges des premières civilisations humaines, témoignent de la vie, de l’art et des interactions humaines il y a des millénaires.
En célébrant le Tassili sur Mars, je voulais mettre en lumière cet héritage ancestral et rappeler que l’exploration de l’univers doit toujours s’accompagner d’un hommage à notre propre histoire sur Terre.
Le Djurdjura, quant à lui, occupe une place spéciale dans mon cœur. Enfant, j’étais fasciné par ces pics majestueux qui semblent gratter le ciel bleu d’Algérie, couverts de neige en hiver, et qui m’ont toujours évoqué une quête vers l’infini.
Au-delà de sa beauté naturelle, le Djurdjura représente pour moi la force et la résilience, des qualités qui résonnent avec l’esprit des missions martiennes.
C’est un massif riche en biodiversité, mais aussi en histoire humaine et culturelle, un lieu où la nature et l’homme ont cohabité et évolué ensemble.
Enfin, le Ghoufi est un lieu qui incarne, à mes yeux, la mémoire et l’héritage du temps. Ses gorges profondes et ses formations rocheuses racontent des millions d’années d’histoire géologique, tandis que ses villages troglodytiques témoignent d’une vie humaine ancestrale, profondément connectée à la nature et au milieu environnant. C’est un lieu où se croisent géologie, histoire et culture, et il symbolise l’ingéniosité et l’adaptation des peuples à leur environnement.
Cela dit, il est évident qu’il existe de nombreuses autres régions en Algérie qui sont tout aussi belles et importantes, et qui mériteraient, elles aussi, d’être mises en lumière.
Que ce soit par leur beauté naturelle, leur richesse culturelle ou leur histoire, chaque coin de notre pays a quelque chose d’unique à offrir. Mais dans le cadre de cette initiative, il fallait faire un choix. Ces trois noms me semblaient particulièrement représentatifs de la diversité et de la richesse de notre patrimoine.
En choisissant ces trois noms, mon objectif était aussi de rappeler au monde entier l’immense richesse de notre pays. Ces lieux, si différents et pourtant complémentaires, montrent que l’Algérie a toujours contribué à l’histoire de l’humanité à travers sa diversité, son ancienneté et son éternité.
En quoi l’exploration va-t-elle servir l’humanité ?
L’exploration de Mars est une aventure fascinante qui soulève de nombreuses questions sur son utilité pour l’humanité.
Il est important de souligner les nombreux bénéfices que cette exploration peut apporter.
Tout d’abord, ces missions permettent des avancées scientifiques et technologiques majeures. Les défis posés par l’exploration martienne poussent à développer des solutions innovantes qui trouvent souvent des applications directes sur Terre, que ce soit dans la robotique, les systèmes énergétiques ou encore les télécommunications.
De plus, étudier Mars, son histoire géologique et son potentiel à avoir abrité la vie nous aide à mieux comprendre notre propre planète, son évolution et les conditions nécessaires à l’apparition de la vie. Cela contribue également à répondre à une question fondamentale : sommes-nous seuls dans l’univers ?
L’exploration martienne joue également un rôle essentiel dans l’inspiration des générations futures. Ces missions audacieuses stimulent l’intérêt pour les sciences, les mathématiques et l’ingénierie, et nourrissent l’imagination de nombreux jeunes à travers le monde. Elles les encouragent à rêver grand et à envisager des solutions innovantes pour les défis à venir.
Enfin, Mars est envisagée comme une possible deuxième maison pour l’humanité. Explorer comment y survivre et s’y adapter pourrait se révéler crucial si nous devions un jour faire face à des défis majeurs sur Terre, comme les changements climatiques ou des catastrophes globales. Cela dit, et ceci n’engage que moi, il existe d’autres solutions que d’envisager de coloniser Mars.
Pour cela, réfléchissons d’abord à tout ce que nous pouvons et devons accomplir sur Terre, car cela aurait probablement un impact plus grand, à moindre coût, et avec des effets immédiats sur la vie de millions de personnes.
Par exemple, investir les efforts scientifiques et technologiques pour réduire la pauvreté dans le monde, atténuer les effets des grandes catastrophes climatiques sur les populations et l’environnement, ou encore améliorer l’accès aux soins de santé et à l’eau potable partout dans le monde.
Ces priorités, plus directement liées aux défis actuels de l’humanité, mériteraient également toute notre attention. L’exploration martienne a un potentiel indéniable pour nous faire progresser sur de nombreux fronts, mais je pense qu’il est essentiel de réfléchir à un équilibre entre ces projets visionnaires et les actions concrètes pour répondre aux besoins urgents de notre planète.
Le désert algérien est souvent comparé à la planète Mars. Y a-t-il vraiment une ressemblance ?
Le désert algérien et la planète Mars présentent effectivement des similitudes fascinantes, bien qu’ils soient très différents sur de nombreux aspects fondamentaux.
En fait, la ressemblance réside principalement dans l’apparence et les conditions géologiques. Les vastes étendues désertiques, les dunes de sable, et les paysages arides du Sahara rappellent la surface martienne, notamment en raison de leur teinte rougeâtre, attribuée à l’oxyde de fer présent dans les sols.
Ces caractéristiques font de certains déserts terrestres des analogies intéressantes pour l’étude de Mars. Je noterai que d’autres régions désertiques dans le monde, telles que le désert d’Atacama au Chili ou certaines zones désertiques aux États-Unis, ont été utilisées par des scientifiques pour tester des rovers et mener des recherches en astrobiologie, en raison de leur extrême aridité et de leurs similitudes géologiques avec la planète rouge.
Ces environnements permettent de mieux comprendre comment les équipements réagissent dans des conditions proches de celles de Mars.
Ainsi, bien que le désert algérien ne soit pas directement utilisé pour simuler des missions martiennes, il reste un exemple frappant des paysages terrestres qui peuvent évoquer ceux de Mars.
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