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Palestine – Israël : Netanyahou a joué et perdu

De l’aveu des responsables israéliens eux-mêmes, jamais Israël n’a enregistré autant de pertes humaines en un laps de temps aussi court, que pendant cette attaque surprise des combattants palestiniens du Hamas.

Les dégâts sont tels que certains osent une comparaison avec la Shoah, soulignant que même pendant le massacre massif des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale par l’Allemagne nazie, il n’y a peut-être pas eu autant de morts juifs pendant une seule journée. Selon le dernier bilan officiel, les combattants palestiniens ont tué plus de 900 israéliens, militaires et civils, en ont blessé plus de 2800 autres et pris 130 otages.

L’armée israélienne, supposée toute puissante et supérieure à toutes celles de la région réunies, a été humiliée à l’intérieur des terres qu’elle a spoliées, non pas par une armée régulière mais par un groupe de combattants résolus que ses médias et ses soutiens occidentaux qualifient de « terroristes ».

Des soldats, des officiers de haut rang et des civils ont été pris dans les casernes et les colonies et emmenés par dizaines à Gaza pour servir éventuellement de monnaie d’échange. Israël est sonné, ses services de renseignement et son matériel d’écoute et d’espionnage, réputés parmi les meilleurs au monde, n’ont rien vu venir.

La portée de l’attaque du 7 octobre va bien au-delà d’une victoire psychologique de la résistance palestinienne et d’une défaite retentissante de l’armée israélienne. Un virage historique s’amorce peut-être pour la cause palestinienne, au vu de la tournure que prennent les débats en Israël alors que le crépitement des armes ne s’est pas encore tu.

On parle certes de riposte, de guerre qui fera payer à la résistance le prix de son action, de l’éventualité de réoccuper Gaza près de deux décennies après son évacuation (en 2005), en tout cas de détruire les capacités de Hamas, mais on s’interroge aussi comment en est-on arrivé là.

On pointe du doigt la défaillance des services de sécurité, mais aussi la politique menée ces deux dernières décennies par les gouvernements israéliens successifs. Et c’est là l’évolution la plus significative pour la cause palestinienne qu’a permis l’action d’envergure menée le 7 octobre.

L’actuel Premier ministre Benyamin Netanyahou a cumulé depuis 1996 un total de 16 années à la tête du gouvernement israélien. Il est aujourd’hui désigné comme le responsable de ce qui arrive. Le journal Haaretz le pointe même comme l’« unique » responsable, car il n’a laissé aucune chance à la paix.

L’obsession de Netanyahou pour empêcher la création d’un État palestinien

Netanyahou a accédé pour la première fois au pouvoir trois ans après les accords prometteurs d’Oslo, signés en 1993 entre Yasser Arafat et le travailliste Yitzhak Rabin. C’est à celui-ci que Netanyahou a succédé après son assassinat en 1995 par un extrémiste juif opposé aux accords d’Oslo.

Ce sont ces accords qui ont institué l’Autorité palestinienne qui devait évoluer vers l’établissement d’un État palestinien. Et c’est cette éventualité que Netanyahou s’est attelé à éloigner pendant toutes les années passées à la tête de l’Exécutif israélien.

Le dernier cabinet qu’il a constitué en décembre dernier est considéré comme le « plus à droite de l’histoire d’Israël ». En son sein siègent les plus extrémistes de la classe politique israélienne comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir. Netanyahou dirige un gouvernement d’ « annexion et de dépossession » qui tue chaque jour un peu plus la solution à deux Etats.

Pendant ses mandats successifs (1996-1999, 2009-2021 et depuis décembre 2022), Benyamin Netanyahou a tout fait pour rendre impossible la solution à deux Etats que la communauté internationale soutient unanimement.

Cette obsession lui a fait jouer un jeu dangereux dont tout Israël paye aujourd’hui les conséquences. Comme le rappelle l’analyste Tal Schneider dans Times of Israël, « l’idée (de Netanyahou) était d’empêcher Abbas – ou tout autre membre du gouvernement de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie – de progresser vers la création d’un État palestinien ».

La division entre la bande de Gaza et la Cisjordanie a été encouragée par tout ce qu’Israël compte comme extrémistes, évidemment parce l’unité des deux territoires et un premier pas nécessaire vers la création d’un État palestinien.

Si aujourd’hui la communauté internationale ne met pas suffisamment de pression pour la concrétisation de la solution à deux Etats, c’est, entre autres, à cause de cette bicéphalité du pouvoir dans les territoires palestiniens.

« Ceux qui s’opposent à un État palestinien devraient soutenir le transfert de fonds vers Gaza », a déclaré Netanyahou en 2018. En 2015, son actuel ministre des Finances Bezalel Smotrich disait à peu près la même chose, estimant que l’Autorité palestinienne était « un fardeau » et le Hamas « un atout ».

Non pas que les faucons de Tel-Aviv aiment le Hamas ou entretiennent quelque accointance avec ses dirigeants. Il s’agit juste d’un calcul très simpliste : affaiblir les modérés de Ramallah car trop crédibles aux yeux de la communauté internationale et renforcer un Hamas trop facile à discréditer par ses actions de résistance sporadiques et de faible ampleur. Israël a tout fait pour faire d’un mouvement considéré comme extrémiste son principal interlocuteur.

En affaiblissant l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et en encourageant la création du mouvement Hamas et le classant ensuite organisation terroriste islamiste par les Occidentaux, les dirigeants israéliens ont cru trouver la solution au problème palestinien : intensifier la colonisation, combattre les « terroristes islamistes » du Hamas avec le soutien de l’Occident, et normaliser les relations avec les pays arabes pour donner le coup de grâce à un futur Etat palestinien.

En Israël, aux Etats-Unis et en France, tout ce que fait le Hamas est considéré comme terroriste parce qu’il est considéré comme un mouvement islamiste religieux.

Le comble est que le gouvernement israélien est aujourd’hui formé par des extrémistes religieux dont le ministre des Finances Bezalel Smotrich a renié publiquement l’existence du peuple palestinien, sans que cela n’ait provoqué l’indignation de l’Occident.

Le résultat est pathétique comme on peut le constater. Le Hamas qui, contrairement à l’Autorité palestinienne, ne reconnaît à Israël aucune légitimité d’existence, ne dispose pas seulement d’une capacité de frappe non négligeable mais son action retentissante du 7 octobre et le nombre impressionnant d’otages qu’il retient le propulsent au rang de maître du jeu sur la scène palestinienne. Netanyahou a joué et perdu.

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