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Pluies au Sahara algérien : comment conserver cette manne ?

Pluies au Sahara algérien : comment conserver cette manne ?

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Pluies à Béchar

Des pluies abondantes sont tombées ces derniers jours sur plusieurs régions du Sahara algérien. Comment conserver et exploiter cette manne tombée du ciel ? Eléments de réponse.

Un homme et deux enfants avec de l’eau jusqu’à la ceinture se baignent sous un ciel bleu azur. La scène ne se passe pas au bord de la mer, mais en plein désert algérien à Aïn Salah à plus de 1.000 km d’Alger.

Depuis plusieurs jours, il pleut sans arrêt au Sahara algérien. Beaucoup se demandent comment faire pour conserver cette manne tombée du ciel alors que l’Algérie mise sur l’agriculture saharienne pour assurer sa sécurité alimentaire.

En ce début de septembre, la pluie est partout dans le sud de l’Algérie. À Béchar, les quartiers de la ville en proximité de l’oued sont menacés par une crue d’une rare intensité telle que des ponts disparaissent sous les flots.

À Arak, un village de la région de Tamanrasset, des camions attendent devant un pont submersible, la crue en cours les empêche de passer. Deux chauffeurs ont tenté de passer. Mais mal leur en a pris. Le premier camion de faible tonnage est couché sur le côté au milieu du gué.

Quant au deuxième camion, il s’est déporté latéralement avec sa longue remorque plateau mais sans se retourner. Son chargement de fer à béton lui a permis de résister à la fureur des flots malgré les branchages qui se sont accrochés à ses roues et qui ont augmenté la pression de l’eau.

Des prairies verdoyantes à Timimoune

La région de Timimoune qui a très tôt connu des pluies s’est couverte de prairies qui lui donnent des airs de Normandie. Dans une herbe d’un vert tendre, déjà des vaches, moutons et bœufs sont dans ces pâturages.

Ces prairies rappellent ce qu’a dû être le Sahara il y a 11.000 ans. Les meules de pierre plate souvent retrouvées par les touristes démontrent une activité agricole ancienne.

Les services météorologiques annoncent que ces pluies pourraient durer et notent que l’événement 2024 est le plus important jamais observé depuis les premiers relevés.

Selon le site écologique Reporterre : « Ce phénomène est attribuable au fait que depuis le mois de juin, la zone dite de convergence intertropicale — une bande chaude et humide de l’atmosphère — se situe bien plus au nord que d’ordinaire. Les causes de cette perturbation de l’atmosphère ne sont pas encore connues ».

Des hydrogéologues chez les Anciens

Cette abondance miraculeuse en eau est passagère et beaucoup se demandent comment conserver cette eau. Pour les hydrogéologues locaux, la solution serait de s’inspirer des techniques employées par les Anciens à la lumière des connaissances scientifiques modernes. L’une des voies serait de s’intéresser aux foggaras.

De 2008 à 2020, Boualem Remini de l’université de Blida a parcouru les oasis et a dressé un inventaire de ces constructions utilisées à l’époque où les forages n’existaient pas.

Parfois cet universitaire ne retrouve que des vestiges de ces installations qui ont fait la richesse des oasis. Il note que : « Les résultats de nos enquêtes nous confirment que ce gisement d’eau douce a été déjà exploité par nos ancêtres depuis plus de 9 siècles en utilisant le système des foggaras ».

Il a inventorié sept types de foggaras dont les foggaras de montagne, d’oued, d’Albien, de source, d’Erg, de jardin et des crues. Parmi celles-ci les foggaras d’oued bien moins longues que les célèbres foggaras du Touat qui courent parfois sur 10 km, ont retenu son attention.

Un type de foggara qu’il a observé dans « les oasis de Sfissifa (Naâma), de Tamanrasset et de Tindouf et même dans quelques oasis d’El Bayadh ».

Pour Boualem Remini, le principe utilisé par les anciens est simple : une galerie creusée dans les alluvions – sable et graviers – du lit d’un oued à sec qui fait office de drain et collecte l’eau présente dans les interstices des alluvions et l’amène à une oasis située en contrebas.

S’inspirer des foggaras

C’est ce type de foggaras qui a inspiré les services de l’hydraulique pour construire dans les années 1950 des barrages enterrés encore appelés barrage inféroflux.

C’est le cas à Tadjemout (Ouargla) où un barrage inféroflux a été édifié sur l’oued Mzi. L’ouvrage permet un débit de 400 à 800 litres par seconde.

L’emplacement n’a pas été choisi au hasard, la roche du fond de l’oued est imperméable et son lit rempli de sable permet un écoulement d’eau en profondeur sur une largeur de 300 mètres.

De nombreux experts font remarquer qu’après un orage, les nappes alluviales sous le lit des oueds se remplissent. Problème, elles se vident aussi rapidement du fait de l’écoulement dans le sens de la pente.

Aussi insistent-ils sur la nécessité d’édifier un mur souterrain dans le lit de l’oued pour freiner cet écoulement. Ils améliorent ainsi la technique ancienne des foggaras d’oued.

Pour Kamila Baba-Hamed de l’université de Tlemcen, qui est co-rédactrice d’une étude en 2017 sur le barrage inféroflux sur l’oued In Amguel près de Tamanrasset, il existe des « possibilités très intéressantes d’utilisation de ce type de barrages comme solution aux problèmes de la faiblesse des ressources en eau dans ces zones semi-arides et arides ».

5 barrages souterrains à Tamanrasset

En 2020, Boualem Remini établissait un premier bilan : « Aujourd’hui, ce gisement d’eau est exploité par les barrages souterrains dans les wilayas d’Adrar, Tamanrasset, Bayadh, Illizi et Laghouat. Au nombre de 9 barrages, la capacité totale emmagasinée avoisine les 30 millions de m3 ».

Il indiquait qu’à elle seule la wilaya de Tamanrasset possède cinq barrages. Il s’agit « d’un nombre insuffisant, mais il doit être augmenté et se généraliser dans toutes les régions du Sahara », suggérait-il.

Certes, les quantités d’eau mises en réserve sont inférieures à celles d’un barrage conventionnel. Mais c’est oublier l’envasement et la forte évaporation au niveau des lacs de barrages en milieu aride.

L’Agence nationale des barrages (ANB) a mesuré l’évaporation au niveau du barrage de Djorf Torba entre 1992 et 2002 et il est apparu que son volume dépasse le volume destiné à l’irrigation et à l’adduction en eau potable.

De l’eau pour l’agriculture saharienne

En 2020, Boualem Remini estimait que 9 barrages inféroflux sont insuffisants et que ce nombre « doit être augmenté et se généraliser dans toutes les régions du Sahara ».

Barrages de surface, barrages inféroflux et petite hydraulique, divers moyens existent aujourd’hui afin de mettre à profit les crues d’oued et de recharger les nappes d’eau sahariennes.

Le défi est considérable puisqu’il s’agit de garantir l’approvisionnement en eau des populations du sud ainsi que les nouveaux projets de l’agriculture saharienne.

L’Algérie a lancé trois grands projets agricoles dans le Sahara : la production de tomates sous serre à El M’ghair, une ferme géante de 270.000 vaches à Adrar et la production de blé dur avec un groupe italien à Timimoune.

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