La France s’est rarement portée aussi mal depuis la Seconde Guerre mondiale : crise économique et sociale, dette record, instabilité politique, montée de l’extrême-droite, humiliations américaines et perte d’influence sur la scène internationale.
Curieusement, ce sont des sujets moins pesants comme le voile islamique ou l’immigration algérienne qui accaparent le débat public.
Sans l’obsession de l’extrême-droite, et d’un plan de plus en plus large de la classe politique, la crise en cours entre l’Algérie et la France aurait pu trouver une issue très rapidement, du moins ne pas prendre les proportions qui sont les siennes en ce moment.
L’Algérie, un sujet porteur électoralement en France
Mais le sujet est, semble-t-il, trop porteur électoralement pour ne pas être exploité à fond. Ces jours-ci, il est presque inconcevable qu’un ministre régalien, le Premier ministre où même le président de la République se présente devant les médias sans être interpellé sur l’Algérie.
Des évènements pourtant de plus grande importance et impliquant directement la France ont eu lieu simultanément, mais n’éclipsent pas l’Algérie dans le débat public.
Depuis l’été dernier, la France est en crise politique et est à peine gouvernée. Sans majorité au Parlement, le gouvernement François Bayrou est à la merci de l’extrême-droite et de la gauche et il n’est pas sûr que le président Macron puisse maintenir l’équilibre précaire jusqu’à la fin de son mandat, dans deux ans.
A cette échéance, les perspectives sont encore plus inquiétantes avec la très probable accession au pouvoir du courant extrémiste, une première depuis 80 ans.
La situation économique et sociale n’est pas plus reluisante, avec un pouvoir d’achat en berne, une morosité économique et une dette publique qui atteint des cimes : 3 300 milliards d’euros à fin 2024.
La seule « humiliation » qui ne passe pas en France, c’est celle dont on accuse l’Algérie
Sur la scène internationale, la France perd du terrain. En Afrique, un sentiment anti-français généralisé a poussé le pays hors de ses prés carrés traditionnels, notamment au Sahel.
Comme l’ont montré les injonctions de Donald Trump sur la guerre en Ukraine ou la situation au Moyen-Orient, la France, et avec elle toute l’Europe, ne pèse plus dans le traitement des grands dossiers internationaux.
« C’est seulement grâce aux États-Unis que les Français ne parlent pas allemand aujourd’hui »
Avec à la clé des humiliations publiques qu’un grand pays ne peut se permettre de subir. La dernière en date est venue de la porte-parole officielle de la Maison-Blanche.
En réponse à l’eurodéputé Raphaël Glucksmann qui a demandé aux Américains de rendre à la France la statue de la Liberté, Karoline Leavitt a assené : « ce politicien de seconde zone de se souvenir que c’est seulement grâce aux États-Unis que les Français ne parlent pas allemand aujourd’hui ».
Cette grave offense est passée en France comme une banale plaisanterie.
On n’a pas observé plus de réactions lorsque des gendarmes français ont été plaqués au sol en Israël, ou lorsque l’ambassadeur de France au Niger a été assiégé pendant plusieurs semaines.
La seule « humiliation » qui ne passe pas, c’est celle venant de l’Algérie qui a refusé l’expulsion à la hussarde d’un de ses ressortissants qui n’a pas pu exercer ses droits au recours devant la justice.
Il est curieux que devant la situation actuelle du pays en interne et à l’international, c’est le contentieux avec l’Algérie sur les reconduites aux frontières qui paraît comme l’urgence du moment. Et encore, le problème ne se pose pas qu’avec l’Algérie, comme le montrent les chiffres officiels des exécutions des OQTF.
L’accord de 1968 sur l’immigration, pourtant dépassé et vidé de sa substance, est présenté comme un texte dont le maintien ou la révocation changera le destin de la France.
Depuis quelques années, quand ce n’est pas l’Algérie, c’est souvent un sujet en lien avec la communauté musulmane qui accapare l’attention : voile, abaya, Ramadhan, attentat commis par un radicalisé, fait divers…
France : revoilà la polémique sur le voile
La droite dure et l’extrême-droite ont pris le mauvais plus de mettre tous les maux de la France sur le dos de l’immigration, notamment algérienne, et la communauté musulmane.
Cette semaine, au moment où la porte-parole de Donald Trump portait gravement atteinte à l’honneur de la France, un média français débattait sur la responsabilité des musulmans et leur Ramadhan dans la pénurie d’œufs dans les magasins de France. Il y a deux ans, c’était l’huile de table de tournesol.
A cela s’ajoute la polémique sur le voile qui vient de rebondir, avec un gouvernement qui affiche publiquement ses divisions sur la question.
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin est allé jusqu’à menacer de démissionner si le gouvernement recule sur l’interdiction du voile dans les compétitions sportives.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui lui a menacé de démissionner en cas de recul sur la riposte graduée contre l’Algérie, soutient cette interdiction.
La ministre des Sports Marie Barsacq n’est pas sur la même ligne, en estimant que le port du voile n’est pas l’entrisme islamiste. Décidément, en France, on a un drôle de sens des priorités.