Le président américain Donald Trump inspire tous les anti-algériens de France. De nombreuses voix de la droite dure et de l’extrême-droite appellent à faire avec l’Algérie ce que le président américain vient de faire avec la Colombie.
Faire céder l’Algérie de manière spectaculaire est le dernier fantasme anti-algérien de ce courant politique qui a porté la relation entre les deux pays au bord de la rupture.
Le week-end dernier, la Colombie a refusé d’accueillir des avions militaires américains transportant des migrants clandestins colombiens expulsés des États-Unis.
Algérie – France : l’extrême droite pousse Macron à devenir le Trump français
Le président Trump a immédiatement réagi par une batterie de mesures extrêmes, dont l’augmentation des droits de douane sur les marchandises colombiennes et la suspension des visas pour les citoyens de ce pays d’Amérique du Sud. Ce qui a produit un effet immédiat. Le gouvernement colombien est revenu sur sa décision initiale et a accepté d’accueillir ses ressortissants expulsés.
Le 9 janvier dernier, l’Algérie a renvoyé un de ses ressortissants expulsés de France, l’influenceur connu sous le nom de Doualemn. La comparaison devait s’arrêter là. Mais le courant anti-algérien de France s’est empressé de montrer au président Emmanuel Macron la voie à suivre pour « faire plier l’Algérie », selon eux.
Cela fait plusieurs mois que les porte-voix du même courant rivalisent de propositions pour obliger l’Algérie à reprendre ses ressortissants illégaux et, depuis la mi-novembre, à libérer l’écrivain Boualem Sansal incarcéré à Alger et poursuivi pour atteinte à l’intégrité du territoire national.
Le premier à être « séduit » après les mesures de Donald Trump à l’égard de la Colombie est sans surprise le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, fervent défenseur au sein du gouvernement français de mesures fermes contre l’Algérie qui, a-t-il accusé le 10 janvier, cherche à « humilier la France », après l’expulsion ratée de l’influenceur algérien, jeudi 9 janvier. Une expulsion suspendue ce mercredi par la justice française.
Interrogé par Europe 1 mardi, Bruno Retailleau a expliqué que si Emmanuel Macron ne prend pas la parole sur cette question, c’est « parce que, il y a la vie d’un homme qui est en jeu », celle de son ami Boualem Sansal.
Réitérant son accusation à l’égard de l’Algérie d’avoir « foulé aux pieds le droit international » en refusant d’accueillir l’un de ses ressortissants expulsés, et rappelant qu’Emmanuel Macron a « donné beaucoup à l’Algérie en termes de gestes mémoriels » pour « très peu de considération » en retour, le ministre de l’Intérieur a estimé que « le moment est venu pour utiliser tous les moyens pour poser un acte de rapport de force ».
Plus à l’extrême-droite, la célérité avec laquelle le président américain a réagi fait évidemment l’unanimité et est présentée comme une méthode à essayer avec l’Algérie.
L’Algérie n’est pas la Colombie et la France n’est pas l’Amérique
« Trump fait céder la Colombie en moins de 24 h sur les expulsions de migrants. Et nous ?! Possible si on fait le Frexit, et uniquement si on le fait !
Être un pays souverain, c’est être un pays efficace et respecté », a écrit sur X l’eurodéputé d’extrême-droite Florian Philippot, sans citer l’Algérie.
#Trump fait céder la #Colombie en moins de 24h sur les expulsions de migrants. Et nous ?!
Possible si on fait le #Frexit, et uniquement si on le fait !
Être un pays souverain c’est être un pays efficace et respecté ! (Vidéo explicative à diffuser svp ! ⤵️) 🇫🇷 pic.twitter.com/EgzDZQJs7k— Florian Philippot (@f_philippot) January 27, 2025
Eric Dupont-Aignan, du même courant, lui, cite nommément l’Algérie. « Trump réussit en quelques heures le bras de fer que la France n’a pas su faire avec l’Algérie », a-t-il tweeté, ainsi que Sarah Knafo, l’eurodéputé du parti d’Éric Zemmour : « Donald Trump obtient en 2 heures ce que la France n’est pas capable d’obtenir en 20 ans. »
Knafo a été la première à appeler à suspendre « l’aide au développement » que la France verse annuellement à l’Algérie, faussement estimée à 800 millions d’euros par an.
Sarah Knafo : « Donald Trump obtient en 2 heures ce que la France n’est pas capable d’obtenir en 20 ans » pic.twitter.com/0XoRMmDZHn
— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) January 27, 2025
« Immigration, Donald Trump réagit après le refus de la Colombie de reprendre ses ressortissants expulsés des USA. Et ça rigole pas… Il nous donne le mode d’emploi face à l’Algérie », s’est réjoui de son côté Charles Prats, spécialiste des fraudes sociales liées à l’immigration. Ou encore le député du Rassemblement national (RN) Guillaume Bigot, qui a écrit :
« Trump a réalisé en 1 heure ce que nous expliquons aux macronistes depuis 7 ans. »
« La Colombie, c’est bien, l’Algérie, c’est mieux ! », a ironisé pour sa part Gilbert Collard, un proche d’Éric Zemmour.
« On ne s’assoit pas sur 4,5 milliards d’euros d’exportations françaises vers l’Algérie »
La sphère extrémiste oublie seulement qu’il n’y a pas lieu de comparer la relation entre les États-Unis et la Colombie et celle qui lie la France et l’Algérie. Les rapports de force respectifs, les liens humains et les échanges économiques ne sont pas non plus les mêmes.
Depuis le début de la crise en cours, des voix sensées en France n’ont eu de cesse d’expliquer que la solution réside dans le dialogue et qu’il serait vain de tenter de forcer la main à l’Algérie.
Car pour pouvoir le faire avec l’efficacité de Donald Trump qui suscite l’admiration des anti-algériens, il faudra d’abord disposer de « leviers de pression » réellement efficaces.
Or toutes les mesures évoquées, et que défend publiquement Bruno Retailleau, feraient pour l’Algérie l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Précisément, quatre grandes mesures de rétorsion ont été avancées : geler l’aide au développement, suspendre les visas, abrogation de l’accord de 1968, imposer des taxes douanières sur les produits algériens.
L’Algérie a répondu que l’aide au développement dont on parle tant est insignifiante, voire inexistante, que l’accord de 1968 sur l’immigration n’est plus qu’une « coquille vide ». Pour la suspension des visas, le président Macron a lui-même reconnu l’inefficacité de la mesure. Du reste, il s’agit d’un non-sens tant que le dispositif Schengen est en vigueur.
La France avait réduit les quotas de visas en 2021 pour contraindre les gouvernements des pays du Maghreb à délivrer plus de laissez-passer consulaires, et le ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin a fini par reconnaître que la mesure a été très inefficace.
Pour les droits de douanes, l’Algérie exporte en France du gaz et du pétrole, deux produits qui n’y sont pas soumis. « On ne s’assoit pas sur 4,5 milliards d’euros d’exportations françaises vers l’Algérie », a tonné le président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française, Michel Bisac dans une déclaration à l’AFP.
Pour les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie vers la France, qui peuvent être impactées par une hausse des droits de douanes, elles sont insignifiantes.
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