Le diplomate algérien Abdelaziz Rahabi a répondu aux récentes allégations du ministre des Affaires étrangères marocain qui a argué que l’Algérie cherchait à « passer du conflit à la confrontation directe » avec le Maroc.
Les propos de Nasser Bourita survenaient quelques jours après l’imposant défilé militaire organisé par l’Algérie pour les 70 ans de sa révolution, le 1ᵉʳ novembre dernier.
Dans une analyse publiée dans l’édition d’El Watan de ce mercredi 13 novembre, Abdelaziz Rahabi a démonté une à une les accusations déjà contenues dans le discours du roi Mohammed VI du 6 novembre dernier et dont la sortie de son chef de la diplomatie est « une forme de clarification ».
S’agissant de « l’accès à l’Atlantique » que l’Algérie convoiterait en « instrumentalisant » la question du Sahara occidental, selon l’accusation proférée par le roi du Maroc, Rahabi répond en rappelant une vérité historique.
« Ce sont, écrit-il, des colons français, gros propriétaires terriens, qui avaient réclamé, au Protectorat français au Maroc et pour les besoins de leur commerce, un accès à un port de l’Atlantique, bien avant l’indépendance de l’Algérie. »
Cet accès a été proposé à l’Algérie par le Maroc dans le cadre des accords bilatéraux de 1972. Mais pour le diplomate et ancien ministre algérien, tout cela est dépassé aujourd’hui avec la construction de la ligne Tindouf-Béchar-Oran qui marque la « prise de conscience de l’Algérie » que sa politique commerciale doit correspondre à ses « orientations stratégiques ».
Autre rappel qui tord le cou aux allégations qui prêtent à l’Algérie des visées à travers son soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui : le Sahara occidental a été proposé à l’Algérie par le général de Gaulle et le dictateur espagnol Franco, et les États-Unis ont suggéré de le partager avec le Maroc. Celui-ci a d’ailleurs accepté un partage du territoire avec la Mauritanie en 1975.
S’il a tenu à rappeler ces vérités, c’est parce que « le ton guerrier » employé par Bourita procède d’ « un ressenti historiquement établi sur un complexe sur l’envergure de la masse territoriale de chacun des deux pays ».
Abdelaziz Rahabi : « L’Algérie s’arme raisonnablement »
Cette arrogance du Maroc repose sur « la dernière position du président Emmanuel Macron sur le Sahara occidental et le retour aux affaires de Donald Trump » aux États-Unis, explique Abdelaziz Rahabi.
Le problème qui se pose en réalité au Maroc et à certaines puissances réside dans les « atouts stratégiques structurels » que la géographie confère à l’Algérie, souligne l’ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne.
« Ils doivent pourtant se résoudre à admettre que l’Algérie s’arme raisonnablement et qu’elle n’a pas encore atteint le niveau d’équilibre entre son armement actuel et l’immensité de son territoire, les menaces à ses multiples et longues frontières et l’hostilité de forces régionales et non régionales », poursuit-il.
« Ils ne mesurent pas non plus le degré de résilience d’une société qui a affronté tant de crises en si peu de temps, ni le niveau d’adaptation du consensus national sur les questions de diplomatie et de défense nationale », poursuit-il.
Face aux menaces, l’Algérie ne peut compter que sur elle-même, car elle a fait « le choix souverain » de n’intégrer aucune alliance militaire et « l’histoire nous a appris à ne pas confier sa sécurité aux autres », ajoute Abdelaziz Rahabi. « Nous devons compter sur nous-mêmes », soutient le diplomate algérien.
Selon le diplomate, il y a une divergence fondamentale entre cette doctrine politico-militaire de l’Algérie et celle du Maroc depuis les arrangements de la fin du protectorat français en 1956 et la désignation du royaume par les États-Unis, il y a 20 ans, comme allié majeur de l’OTAN en Méditerranée.
Le Maroc, qui bénéficie, en outre, du soutien des pays du Golfe et d’Israël, « n’a ni les responsabilités internationales que confère la géographie à l’Algérie, ni les inquiétudes et les menaces que génèrent 6.400 km de frontières communes ».
D’où, estime-t-il, la légitimité de s’interroger sur « la finalité et les objectifs » de la multiplication, aux frontières occidentales de l’Algérie, « d’alliances militaires aux agendas qui dépassent les moyens et les ambitions du Maroc ».
Abdelaziz Rahabi accuse le Maroc de chercher à désigner l’Algérie comme un « pays hostile à l’Occident et nous crédite d’une imaginaire alliance avec l’Iran et, par extension, avec le Hezbollah pour mieux nous insérer dans leur confrontation avec l’Occident, nous exposer aux critiques des puissances occidentales et mieux nous isoler diplomatiquement ».
En pensant que l’Algérie finirait par céder devant la « stratégie de la tension permanente qui vise son image, la stabilité de ses frontières et sa politique étrangère », les décideurs marocains « ne mesurent pas que la nation algérienne ne s’est pas construite autour des gouvernances successives, mais autour d’une idée de liberté », assène Abdelaziz Rahabi.
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