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Rachid Mekhloufi, l’homme qui a coché toutes les cases de la légende

Celui qui est considéré comme le meilleur footballeur algérien de tous les temps a tiré sa révérence. Rachid Mekhloufi est décédé vendredi 8 novembre à Alger, à 88 ans.

Rachid Mekhloufi n’était pas seulement un footballeur hors normes. C’est aussi un grand patriote qui a mis en péril une grande carrière pour répondre à l’appel de l’Algérie en guerre en rejoignant l’équipe du FLN.

Il était l’un des derniers artisans de cette épopée encore en vie. Il s’en est allé alors que l’Algérie célèbre les 70 ans du déclenchement de sa révolution.

Cet épisode de la vie de Rachid Mekhloufi a presque éclipsé le reste, son immense talent, sa carrière exceptionnelle au plus haut niveau mondial et tout ce qu’il a fait pour le football algérien comme technicien et dirigeant.

En 1958, Mekhloufi était l’attaquant vedette de l’une des meilleures équipes de France, l’AS Saint-Étienne. Il était logiquement sélectionné dans l’équipe de France appelée à participer à la coupe du monde en Suède.

Mais dans la nuit du 12 au 13 avril, il disparaît sans prévenir personne. Douze autres joueurs algériens du championnat de France ont fait la même chose.

Ils sont partis pour Tunis via la Suisse pour rejoindre l’équipe du FLN nouvellement créée pour porter la voix de la révolution algérienne.

L’équipe a été présentée à Tunis en présence du tunisien Habib Bourguiba. Pendant quatre ans, elle sillonne le monde, participant à des tournois dans les pays qui soutenaient la révolution algérienne, en Yougoslavie, Viêt-Nam, Tunisie, Libye…

L’équipe du FLN a gagné la plupart de ses matchs, certains sur des scores lourds. Il faut dire qu’elle n’était pas constituée de footballeurs de seconde zone.

Le défenseur Mustapha Zitouni, qui jouait à l’AS Monaco, n’avait pas seulement la possibilité de jouer la coupe du monde. Il était aussi convoité par le Real Madrid, qui était déjà le meilleur club du monde.

Rachid Mekhloufi est de ceux qui ont foncé les yeux fermés dans l’aventure périlleuse. ”Je n’ai pas hésité une seconde. Une grande majorité de Français ne connaissait rien de la situation en Algérie. C’est en apprenant notre engagement aux côtés du FLN qu’ils ont pris conscience de sa gravité“, dira-t-il plus tard.

Rachid Mekhloufi, footballeur hors normes et grand patriote

Rachid Mekhloufi est né en 1936 à Sétif. Enfant, il avait vécu les terribles massacres du 8 mai 1945 qui ont fait 45 000 morts dans cette ville de l’est de l’Algérie, ainsi qu’à Guelma et Kherrata.

Sétif est une terre de football et de patriotisme. Ce n’est pas un hasard si, dans la nuit du 12 avril 1958, Rachid Mekhloufi était accompagné dans sa fugue par trois autres grands footballeurs sétifiens évoluant en France, Abdelhamid Bouchouk, Abdelhamid Kermali et Mokhtar Aribi.

Avant de tout laisser tomber, Mekhloufi était champion du monde militaire avec la France et champion de France en titre avec Saint-Étienne. Un titre auquel il avait grandement contribué en marquant 25 buts.

Au club, c’est comme s’il était sorti de nulle part. À peine arrivé en 1954, il a explosé, “à la vitesse d’un avion supersonique”. La métaphore est du journal l’Équipe de l’époque, qui assurait qu’il n’y a jamais eu dans le football de “révélation plus foudroyante”.

Aujourd’hui encore, il demeure le deuxième meilleur buteur de l’histoire des Verts de Saint-Étienne avec 152 réalisations. Après l’indépendance, il est retourné dans le club stéphanois qui l’a accueilli les bras ouverts.

Il y gagnera en tout quatre championnats et une coupe de France. L’ASSE, qui a vu passer de grands noms, considère l’Algérien comme une de ses légendes, le nommant  en 2023 ambassadeur du club.

À l’annonce de son décès, Saint-Étienne a salué la mémoire d’un “esthète du ballon rond”. “Pour l’éternité, Rachid Mekhloufi a rejoint Robert Herbin, Georges Bereta, André Fefeu, Salif Keita et Kees Rijvers, enlevés dernièrement à l’affection des leurs, autant de joueurs, exemplaires et talentueux tout à la fois, qui auront laissé une trace indélébile dans la mémoire collective du Peuple Vert”, a écrit le club stéphanois dans son hommage.

À la fin de sa carrière, vers la fin des années 1960, Mekhloufi s’est reconverti en entraîneur et c’est très logiquement qu’il s’est retrouvé sur le banc de l’équipe nationale d’Algérie, héritière de l’équipe du FLN, d’abord entre 1971 et 1972, puis de 1975 à 1979.

Il est l’artisan des premières grandes victoires des Verts, la médaille d’or aux Jeux méditerranéens de 1975 avec la finale épique contre la France (3-2) et celle des Jeux africains de 1978.

Il était aussi dans le coup lors de l’exploit le plus retentissant du football algérien, en tant que directeur technique national lorsque l’Algérie a battu l’Allemagne (2-1) au mondial espagnol de 1982.

Évidemment, un tel personnage ne pouvait pas ne pas exercer la fonction la plus haute du football algérien. Il a présidé la Fédération algérienne de football (FAF), mais très brièvement, en 1988. Rachid Mekhloufi a coché toutes les cases de la légende.

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