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Révision de l’accord d’association : ce qu’attend l’UE de l’Algérie

Révision de l’accord d’association : ce qu’attend l’UE de l’Algérie

Par Sergio / Adobe Stock
Algérie - UE

En réponse au souhait de l’Algérie, l’Union européenne est disposée à réviser l’accord d’association, signé entre les deux parties en 2002, à compter de l’année prochaine avec la condition toutefois de la prise en compte de certains aspects dont la « géopolitique » et le nouveau « contexte » mondial.

On le sait tous : l’Algérie n’est pas satisfaite de l’accord d’association avec l’UE qui est en vigueur depuis 2005. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour réclamer sa révision.

Dernière voix autorisée en date, celle du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui a instruit, lors d’un Conseil des ministres, à l’effet de revoir les dispositions de cet accord, « clause par clause » et en fonction d’une « vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant ».

Révision de l’accord d’association : l’Algérie et l’UE dévoilent leurs conditions

Raisons de cette démarche, selon les spécialistes et autres experts : le déséquilibre des échanges commerciaux avec une balance commerciale très défavorable à l’Algérie (en dehors des hydrocarbures) sans compter le peu d’investissements européens depuis l’entrée en vigueur de l’accord.

Lors de son entrevue périodique avec des médias, il y a quelques semaines, Abdelmadjid Tebboune avait expliqué qu’à  l’ « époque, la contribution de l’industrie au revenu national ne dépassait guère 3 % et nous importions des produits agricoles sans en exporter ».

« En d’autres termes, l’Algérie d’alors n’avait pas de capacités d’exportation », avait-il expliqué, soulignant que « la donne a changé, l’Algérie produisant et exportant désormais une grande variété de produits manufacturés, électroménagers et autres ».

« Aujourd’hui, nous demandons une révision, car l’essence même de l’accord avec l’Union européenne repose sur le libre-échange, et nous souhaitons le faire dans un esprit amical sans entrer en conflit », a-t-il dit.

Face à cette demande, l’UE, premier partenaire économique de l’Algérie, premier investisseur étranger et premier importateur de gaz algérien, ne voit pas visiblement d’inconvénients pour peu que cette révision s’intègre dans une vision plus globale en prenant en compte le « contexte » et la « géopolitique ».

« Il y a un aspect géopolitique dans la définition des liens entre l’UE et ses voisins », a affirmé mercredi à Alger, le nouvel ambassadeur de l’UE à Alger, Diego Mellado Pascua.

« Avec l’Algérie, on veut regarder les relations dans leur globalité », a-t-il expliqué en précisant que le « contexte et la géopolitique vont affecter nos rapports ».

Cette approche s’inscrit dans le cadre d’un nouveau pacte pour la Méditerranée qu’entend redéfinir l’UE qui a décidé il y a quelques jours de lui dédier un commissaire.

Dans cette perspective, au moins trois visites sont prévues pour engager des « consultations techniques, recevoir les propositions algériennes et créer le contexte apaisé nécessaire », souligne Mellado.

Prévue il y a quelques jours, une visite d’experts européens a été reportée sine die en raison du remaniement gouvernemental en Algérie mais également des changements opérés à la tête de certaines structures de l’UE.

« Nous, on regarde la globalité des relations. Bien sûr, on va voir ce qu’il y a lieu de moderniser dans l’accord. On peut trouver un terrain d’entente pour satisfaire les uns et les autres », a-t-il expliqué.

Avec l’Algérie, l’UE veut « regarder les relations dans leur globalité »

Selon lui, même la question de la circulation des personnes doit faire partie du débat sur un pacte global. « Trouver un équilibre, la possibilité d’améliorer les espaces de circulation, pas seulement les marchandises. L’UE a besoin de main d’œuvre, il faut voir les intérêts de part et d’autre, c’est une question qui sera sur la table », a-t-il ajouté.

Conscient du potentiel de l’Algérie et prenant en compte les réformes économiques engagées ainsi que les évolutions enregistrées notamment dans le domaine de l’industrie, Diego Mellado souligne la nécessité pour l’Algérie d’inclure le marché européen.

« Le potentiel est énorme en Algérie. Elle doit être présente en Europe. Elle doit inclure d’utiliser le marché européen… », a-t-il recommandé.

Un des aspects les plus importants de la coopération entre l’Algérie et l’UE demeure à l’évidence la question énergétique.

Dans ce cadre, l’UE, dont le « pacte vert » est au cœur de sa stratégie, verrait d’un bon œil une implication plus soutenue de l’Algérie en faveur de l’énergie renouvelable.

« L’Algérie doit utiliser sa puissance en gaz. Il y a un intérêt européen pour les énergies renouvelables. On peut apporter des idées, des investissements…Nous voulons un partenariat solide dans l’énergie en allant vers le renouvelable », insiste le nouvel ambassadeur européen, arrivé en septembre dernier, qui rappelle que le but de l’UE est de réduire à 55 % les émissions à effet de serre à l’horizon 2035. « Notre but est de décarboniser », dit-il.

« Nous continuons à être un client fiable de l’Algérie », assure-t-il encore. Interrogé sur les récentes mesures adoptées par l’Algérie dont l’imposition des licences d’importations pour réguler son commerce extérieur, Diego Mellado a indiqué que les deux parties se penchaient sur la question.

« Nous avons demandé des consultations techniques, échanger avec des fonctionnaires algériens pour voir est ce qu’il y a d’autres mécanismes et voir les différentes contraintes », confie-t-il.

L’UE va-t-elle recourir à la procédure d’arbitrage ? « On est en phase de consultations techniques, loin de là (arbitrage). On verra l’étape suivante. On veut rediscuter de beaucoup de choses. On veut arriver à gagnant-gagnant », a répondu le représentant de Bruxelles à Alger.

Les échanges entre l’UE et l’Algérie ont atteint plus de 50 milliards d’euros en 2024. D’après l’agence officielle, le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures (HH) vers l’UE n’a même pas atteint les 14 milliards de dollars (mds USD) durant la décennie (2005-2015), alors que le cumul des importations algériennes auprès de l’UE s’est chiffré à 220 milliards de dollars, avec une moyenne annuelle de 22 milliards de dollars.

En plus, l’accord d’association a engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de DA en matière de recettes douanières algériennes durant la même période, d’après la même source.

Sur 15 ans (2003-2018), les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’UE sont passées de 344 millions de dollars en 2003 (deux ans avant l’application de l’accord) à 889 millions de dollars en 2018.

Par ailleurs, à une question sur l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal, l’ambassadeur de l’UE s’est refusé à tout commentaire. « Je n’ai pas de commentaires à faire ».

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