Nouveau coup dur pour la politique de colonisation du Sahara occidental par le Maroc, après le rappel à l’ordre de la Commission européenne aux compagnies aériennes desservant le Sahara occidental occupé.
En France, le Conseil d’État ordonne que les melons et les tomates cerise sahraouies comportent la mention du « Sahara occidental » au lieu du Maroc.
Cette décision de justice qui date du 28 janvier 2025 fait suite à une demande de la Confédération Paysanne française. Ce syndicat agricole a demandé au gouvernement français l’interdiction de l’importation en France des tomates cerise et de melons charentais récoltés au Sahara occidental et étiquetés comme originaires du Maroc.
Ce syndicat estime que ce non-étiquetage est contraire au droit de l’Union européenne sur l’information des consommateurs. Ne recevant aucune réponse du gouvernement, la Confédération Paysanne a alors saisi le Conseil d’État.
Celui-ci, à son tour, a alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui indique que « l’étiquetage des produits originaires du Sahara occidental pour l’importation et la vente en Europe devait mentionner comme pays d’origine le seul Sahara occidental, et non le Maroc, pour ne pas induire en erreur le consommateur ».
Dorénavant, sur tout le territoire de l’Union européenne, les produits sahraouis devront être étiquetés « Sahara occidental ».
Après cette première victoire, le syndicat français ne compte pas en rester là. Il milite pour l’interdiction totale en France des tomates cerise et de melons charentais récoltés au Sahara occidental.
Une démarche à mener au niveau des autorités européennes. En effet, l’accord d’association entré en vigueur en mars 2000 entre l’Union européenne et le Maroc impose à travers son article 2 le respect des droits de l’Homme.
Pour sa part, la Confédération Paysanne se félicite de la décision de la CJUE et indique dans un communiqué que : « Elle a confirmé, qu’en application de la réglementation agricole, les produits originaires du territoire du Sahara occidental doivent être étiquetés origine Sahara occidental et non Maroc ».
Au-delà de la dénonciation d’une concurrence basée sur l’exploitation d’une main d’œuvre sahraouie sous-payée et de ressources en eau souterraine fossile, le syndicat français ajoute : « La CJUE rend enfin justice au peuple sahraoui, dont les terres colonisées par le Maroc sont utilisées pour produire une partie des fruits et légumes exportés par le Maroc ».
Pour les exportateurs marocains de tomate cerise opérant au Sahara occidental, le risque est grand de voir leurs produits boudés par les consommateurs européens.
Ces opérateurs, dont « Rosaflor, Soprofel, Azura et Les Domaines Agricoles », selon le site Western Sahara Resource Watch (WSRW), exportent vers l’Europe leurs produits sous des marques comme Azura, Idyl, Étoile du Sud et Les Domaines Agricoles. Ils disposent d’un parc de serre de type canarien de plus de 600 hectares et de 3.000 heures d’ensoleillement par an.
En juillet dernier, l’agence AFP révélait que « Azura cultive dans le Sud du royaume, où le climat permet de récolter des tomates toute l’année sans chauffer les serres, situées autour d’Agadir, mais aussi de Dakhla dans le territoire disputé du Sahara occidental ».
L’agence de presse indiquait que « les tomates rejoignent l’Europe par camion et bateau. Depuis Perpignan (Sud de la France), elles sont ensuite expédiées vers les supermarchés français, allemands ou suédois ».
En octobre 2019, un reportage paru dans la revue agricole Réussir Fruits et Légumes révélait comment les tomates et les melons produits au Sahara Occidental étaient exportés depuis Agadir et étiquetés comme Produits du Maroc : « Produire à Dakhla nécessite une organisation logistique sans faille pour éviter d’être pris au dépourvu. Il en est de même pour les intrants, les stocks de caisses, le transport… En effet, 1.200 km séparent les sites de production et les stations de conditionnement du Souss. Ici, c’est le Sud du Sud, à 20 heures de route et deux chauffeurs, d’Agadir ».
Image dégradée du Maroc en France
Cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne illustre la progression de la connaissance et de la sympathie croissante envers le peuple Sahraouie en Europe.
Pour les citoyens européens et les associations de solidarité avec le peuple sahraouie, cette décision offre des nouvelles possibilités, à l’image de la campagne contre les oranges Outspan d’origine sud-africaine, devenue au milieu des années 1970 le symbole du régime d’apartheid.
Dans le monde, la campagne « Boycott Désinvestissement Sanctions » (BDS) est née du cri d’alarme de la société civile palestinienne en juillet 2005 contre la construction d’un mur de séparation construit en territoire palestinien. Aujourd’hui en France, le code 729 signalant les produits des colonies israéliennes est connu par de nombreux consommateurs européens.
Lors du grand festival international du film documentaire (Fipadoc) qui se tient actuellement à Biarritz, bien que « la moitié des spectateurs avoue n’avoir jamais entendu parler du Sahara occidental », la salle a applaudi à la fin de la séance de projection d’un film consacré à Mariem Hassan, une chanteuse sahraouie légendaire, relate ce 28 janvier Radio France Internationale.
La décision de la CJUE illustre également une dégradation de l’image du Maroc. Ce 29 janvier, David Lisnard, président de l’Association des Maires de France, a dénoncé sur la radio France-Inter « l’hypocrisie » actuelle qui règne en France concernant le trafic de drogue en provenance du Maroc.
Afrique du Sud, Palestine et aujourd’hui Sahara Occidental, les décisions de justice internationale et les mouvements citoyens changent la donne face aux colonisateurs.
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