Économie

Saidal : les graves révélations et accusations d’Ali Aoun

Le groupe Saidal, jadis fleuron de l’industrie pharmaceutique algérienne, est devenu un nain. En quelques années, sa position sur le marché algérien a nettement régressé.

C’est le ministre de l’Industrie pharmaceutique qui le dit, avec une rare franchise. Lundi, Ali Aoun a décrit avec des mots forts et durs, sans langue de bois, l’incroyable régression de Saidal.

Le ministre de l’Industrie pharmaceutique a fait de graves révélations sur le groupe pharmaceutique public qu’il a dirigé par le passé.

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Ali Aoun a usé de propos très fermes en formulant de graves accusations et en regrettant « une campagne de destruction de ce groupe public » qui a subi, ces dernières années, une incroyable régression.

« Je ne dis pas que Saidal est en crise, mais il fait face actuellement à des difficultés pour satisfaire les besoins du pays en médicaments. Lors de sa visite au Palais des expositions à l’occasion de la dernière édition de la foire de la production nationale en décembre, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a déploré le fait que Saidal a été brisé et détruit », a lancé Ali Aoun lors de sa visite pour l’inauguration d’une usine de montage de stylos d’insuline à Boufarik.

« Ce groupe qui, dans un passé récent, couvrait 45 % de la demande du marché national en médicaments ne couvre actuellement qu’à peine 4 % du marché. Et encore, le président de la République a été généreux car ce groupe public ne couvre actuellement que 2 % du marché », a déploré le ministre Ali Aoun.

Une campagne de destruction de Saidal

Dans la foulée, Ali Aoun s’adresse aux cadres centraux du groupe pharmaceutique public algérien : « Il est temps de lancer une réforme. Je vous l’ai déjà dit : ce groupe doit être la locomotive de la production de médicaments du pays. On ne doit plus compter sur les laboratoires étrangers. Saidal doit reprendre sa place d’antan ». 

Ali Aoun fait un rappel historique saisissant sur l’incroyable régression de ce fleuron de l’industrie pharmaceutique algérienne : « En 2008, Saidal a réussi à avoir une prestigieuse position lors d’un classement mondial des producteurs de médicaments génériques, en décrochant la 3e place. Lors de ce même classement, le laboratoire israélien et sioniste Teva était classé à la 80e position. Après une campagne de destruction, ils ont pu supprimer Saidal du marché national, alors que Teva est devenu leader mondial du générique. Voyez comment on a détruit un groupe qui a occupé une place prestigieuse mondiale ».

Saidal : une incroyable régression

Ali Aoun appuie ses critiques par des chiffres pour illustrer une incroyable régression. « Saïdal est passé de la production d’une gamme de 330 médicaments à un maximum de 70 substances produites ! Si vous ne lancez pas une réforme, vous allez disparaître et vous ne trouverez que vos yeux pour pleurer. Aujourd’hui l’échec n’est plus permis ». Ces propos sonnent un sérieux avertissement en direction des cadres de Saidal.

Et de s’adresser au top-management de Saidal, Ali Aoun n’a pas mâché ses mots : « À part un ou deux cadres centraux, tout le reste doit être écarté. Je vous ai donné des instructions à plusieurs reprises pour écarter tel ou tel responsable ». « Si vous continuez à tergiverser encore, vous allez partir avec eux », a-t-il lancé à l’adresse de la PDG de Saidal.

« Je préfère être franc avec vous. On n’a pas de temps à perdre. Les orientations du président de la République sont claires. Il n’y a pas un jour où je le rencontre, où il ne me pose pas de questions sur Saidal. Donc, l’avertissement est clair », met en garde le ministre.

« Le responsable qui était en poste en 2012 payera »

Ali Aoun évoque, par ailleurs, un problème lié à l’inégalité des salaires au sein de ce groupe pharmaceutique public algérien : « Il faut qu’il ait une attribution équitable des salaires dans cette société. Vous savez bien que ceux qui ont mis en place ce système en 2012 voulaient détruire l’entreprise. J’ai visité l’unité de production de Saidal à Gué de Constantine. C’est incroyable ! Des gens qui ont entre 20 à 30 ans de carrière reçoivent encore entre 35 000 et 40 000 dinars de salaire mensuel ».

« Je suis partisan d’une distribution équitable de la masse salariale. Revoyez les salaires des soi-disant top-managers et des cadres et revoyez les salaires des femmes de ménage et des gardiens. Vous allez voir qu’il y a une injustice criarde. S’il y a des justices à rétablir, c’est dans ce domaine-là qu’il faut agir », ordonne-t-il aux cadres dirigeants de Saidal.

« Ayez un peu honte ! »

Et le ministre de donner des instructions fermes à la PDG de Saidal : « Nous vous demandons une réorganisation dont notamment une nouvelle grille des salaires. Il y a trop d’injustices entre le salaire d’un directeur central et celui d’un agent commercial travaillant dans un magasin. Ayez un peu honte ! Ce n’est pas de votre faute. Vous avez hérité de cette situation. Le responsable qui était là en 2012 payera un jour », lance Ali Aoun.

Et ce dernier d’insister : « Je vous invite à faire passer rapidement devant le conseil d’administration la nouvelle organisation et la nouvelle grille de salaires pour une application fin mars. Ne créez pas d’injustices. Faites très attention. Je veux des résultats clairs et précis ». Et de s’adresser à la PDG de Saidal : « Madame, l’inspectrice générale qui vous suit actuellement avec une loupe vous suivra désormais avec un microscope ».

Graves accusations

Autre reproche du ministre : « Saidal a un problème de distribution des médicaments. La distribution des médicaments n’est pas équitable à travers le territoire national. Les produits d’oncologie doivent être destinés exclusivement aux hôpitaux publics. Les cliniques privées n’ont pas besoin de vous ».

« L’État importe des médicaments pour satisfaire les besoins des hôpitaux publics et non pas ceux des cliniques privées. Celui qui a fait cela, il rendra des comptes après. C’est une faute très grave », promet Ali Aoun.

« Pendant que les hôpitaux publics subissent une rupture de médicaments d’oncologie, des produits importés par l’État avec l’argent du trésor public sont détournés vers les cliniques privées. Regardez si les cliniques privées ont des problèmes de ruptures. D’où les cliniques privées s’approvisionnent-elles en médicaments ? Pourtant, elles n’importent pas de produits pharmaceutiques », s’interroge-t-il.

« Nous avons ouvert une enquête. Les médicaments sont détournés des hôpitaux. J’ai des raisons pour me poser des questions. Pourquoi vendre des médicaments aux cliniques privées et non pas aux hôpitaux ? Ayez un minimum de honte ! », s’exclame Ali Aoun. Et ce dernier de donner un ultimatum : « Voici mes instructions. Fin mars on fera le point si elles sont appliquées ou pas ».

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