Politique

« Stigmatisation des Algériens de France » : le coup de gueule de Ségolène Royal

De nombreuses voix en France dont celle de Ségolène Royal sont montées au créneau pour dénoncer les propos de Marine Le Pen sur le passé colonial de la France en Algérie dans un contexte de grave crise entre les deux pays. La fille de Jean-Marie Le Pen a soutenu que la colonisation de l’Algérie n’était « pas un drame ».

Dédiabolisation ou pas, Marine Le Pen, la cheffe de file du Rassemblement national, le parti français d’extrême-droite, est restée, sur les questions liées à l’Algérie, la fille de son père, qui a fondé le Front national au début des années 1970 autour d’un noyau dur de nostalgiques de l’Algérie française et de résidus de l’OAS.

Jean-Michel Aphatie dénonce le révisionnisme de Marine Le Pen sur l’Algérie

En pleine crise diplomatique avec l’Algérie, au déclenchement de laquelle son courant politique a grandement contribué, Marine Le Pen a apporté sa part de provocation en déclarant, mercredi 29 janvier sur LCI, que « venir globalement dire que la colonisation a été un drame pour l’Algérie, ce n’est pas vrai ».

« Économiquement, en termes d’infrastructures, la France a apporté à l’Algérie un capital qui aurait dû lui permettre de se développer et de devenir la Norvège du Maghreb », a-t-elle soutenu. Marine Le Pen a surtout refusé de condamner l’OAS.

« L’Algérie était française. Est-ce qu’on peut condamner des gens qui ont souhaité que l’Algérie reste française ? », s’est-elle interrogée.

Des propos et un révisionnisme qui ne passent pas, y compris en France où plusieurs personnalités les ont dénoncés. Ne serait-ce que du point de vue du bilan des pertes humaines, estimées par l’Algérie à 5,6 millions de morts depuis 1830, il est inconcevable de penser que la colonisation de l’Algérie n’a pas été un drame.

Sur le plateau de TMC, le journaliste anticolonialiste Jean-Michel Apathie a répondu par les chiffres.

Pour lui, Marine Le Pen a été « totalement » prise en flagrant délit de révisionnisme historique. Apathie a rappelé « quelques faits historiques », notamment le bilan de 1 million de morts de la conquête de l’Algérie par l’armée française en 30 ans, entre 1840 et 1871.

« Si la colonisation n’était pas un drame, je me demande bien ce qu’est un drame”

« Des enfants, des femmes, des hommes, des paysans algériens, ils n’ont pas d’armes, trucidés. Un million sur 3 millions à l’époque. Si ce n’est pas un drame, je me demande bien ce qu’est un drame », a-t-il dit.

Quant aux prétendus bienfaits de la colonisation, Apathie a souligné que pendant 130 ans, la France a scolarisé 10 % des enfants algériens, « alors que l’école républicaine était obligatoire pour tous » et a « organisé la déculturation d’un peuple ». « Aucun pont, aucune route, aucun hôpital ne peut excuser le sang versé et la violence exercée », a assuré le journaliste.

Ségolène Royal : « Il y avait une grande civilisation en Algérie »

Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle de 2007, partage le même avis, soutenant elle aussi que la colonisation française a effacé une « grande civilisation » en Algérie, « L’Algérie c’était une grande civilisation, il ne faut pas oublier ça, quand on les entend on a l’impression que la France est arrivée et a trouvé des sauvages ! Pas du tout, il y avait une grande civilisation algérienne, il y avait une culture, un développement économique, des structures familiales et villageoises, tout cela a été brisé, broyé par cette effroyable guerre d’Algérie », a accusé la socialiste sur BFMTV.

Mme Royal a estimé qu’il faut arrêter « tous les discours méprisants pour l’Algérie », car, a-t-elle expliqué, « de tels propos ne font que raviver les blessures du passé ».

Ségolène Royal est revenue à la charge lundi. Sur le plateau de BFMTV, l’ancienne candidate sociale à la présidentielle de 2007 a dénoncé le discours visant à faire croire que tous les Algériens établis en France sont des « délinquants », « sans jamais qu’un mot positif ne soit dit sur les Algériens qui contribuent à l’économie française, qui travaillent dans nos usines, nos hôpitaux, etc…».

 « Il faut changer de posture vis-à-vis de l’Algérie », a-t-elle soutenu, en dénonçant le « ton comminatoire » de certains dirigeants français. « Il y a un problème de posture, a-t-elle ajouté. On a été des barbares comme disait Aimé Césaire ».

Benjamin Stora, historien spécialiste de l’Algérie, a lui aussi répondu à Marine Le Pen dans un entretien à TSA publié lundi 3 février.

« Pour ceux qui vivaient bien de la colonisation, oui, ce n’était pas un drame. Par contre, pour ceux qui étaient considérés comme des ‘indigènes’, qui vivaient sans droits, sans possibilité d’expression et dans une misère économique terrible, c’était un drame », a rétorqué l’historien.

Si ce n’était pas un drame, « on se demande pourquoi il y avait tant d’Algériens qui avaient rejoint les organisations politiques nationalistes très tôt », a-t-il appuyé.

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