Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’université de Tizi-Ouzou, analyse dans cet entretien à TSA, les effets de la Taxe Trump sur l’Algérie[YG1].
Le président américain a décidé mercredi d’imposer de nouvelles taxes douanières à 180 pays, dont l’Algérie.
Cette décision peut avoir un double impact sur l’Algérie. D’abord sur ses exportations vers les États-Unis qui étaient de 2,5 milliards de dollars en 2023. Ensuite, sur les prix du pétrole.
Quel impact de la taxe Trump sur les exportations algériennes vers les États-Unis ?
Les exportations algériennes vers les États-Unis ont été relativement stables ces dernières années, principalement dominées par l’énergie.
Un droit de douane de 30 % entraînerait une hausse du coût d’importation des produits hors hydrocarbures, ce qui pourrait se traduire par des prix plus élevés pour les consommateurs américains, entraînant une diminution de la demande pour certains produits algériens.
Les importateurs américains pourraient choisir de se tourner vers d’autres pays offrant des produits similaires sans les coûts supplémentaires associés aux droits de douane élevés.
Toutefois, les hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) représentant l’essentiel des exportations algériennes vers les États-Unis, ne seront pas affectés par le droit de douane de 30 % du fait que les produits énergétiques sont souvent soumis à des régulations spécifiques et non aux droits de douane classiques appliqués aux biens manufacturés ou agricoles.
L’Algérie doit-elle riposter en imposant davantage les produits américains ?
Si l’Algérie estime que ce droit de douane est discriminatoire ou non conforme aux accords commerciaux bilatéraux existants, elle pourrait faire appel, mais de façon isolée, tout en appliquant la réciprocité.
Cependant, il est fort probable que ce soit fait indirectement à travers l’ensemble des relations commerciales, y compris dans le secteur de l’énergie.
Les accords à long terme entre les deux pays pourraient s’en ressentir si l’impact s’avérait vraiment négatif sur la balance commerciale bilatérale.
La Taxe Trump a provoqué un effondrement des prix du pétrole vendredi. Est-ce que ce n’est pas là le véritable risque pour l’économie algérienne dont les exportations sont composées de 90 % d’hydrocarbures ?
Effectivement, la crainte de l’Algérie est par rapport au marché pétrolier, s’il venait à réagir par une importante tendance baissière, d’autant plus que les pays de l’OPEP+ ont signifié une augmentation de l’offre de pétrole brut de 441.000 barils/jours à partir du mois de mai prochain.
Toujours est-il, les effets attendus par la nouvelle politique tarifaire de l’administration américaine vont vers plus d’inflation, une plus forte fluctuation des cours du dollar et une perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales en raison de la fragmentation des processus productifs sur le plan géographique, suite à une probable réaction en chaîne des partenaires commerciaux américains.
Il est clair qu’un prix du pétrole brut pas cher se répercuterait négativement sur la balance commerciale algérienne et sur les équilibres macroéconomiques du pays.
Ce scénario n’est pas à souhaiter du fait de la forte dépendance de l’économie nationale vis-à-vis des exportations d’hydrocarbures, car risquant de remettre en cause les principaux arbitrages tant sur le plan économique que social.
En plus du pétrole, le dollar s’est dégringolé face à l’euro après l’annonce de cette taxe. Quel serait l’impact sur l’économie algérienne et ses réserves de change ?
Les hausses de droits de douane peuvent entraîner des perturbations commerciales et un sentiment d’incertitude sur les marchés mondiaux, particulièrement le marché pétrolier et celui des changes.
Cela pourrait influencer directement la valeur du dollar, qui est la principale monnaie de négociation pour le pétrole.
La plupart des pays qui commercent avec les États-Unis, dont l’Algérie, accumulant des réserves de change libellées en dollars, sont justement très attentifs à l’évolution de la monnaie américaine qui demeure encore la monnaie internationale. Tout changement dans la parité du dollar aura des conséquences sur les marchés financiers et l’économie mondiale dans son ensemble.
Au demeurant, une éventuelle dépréciation du dollar favoriserait en premier lieu les exportations américaines de produits manufacturiers, et en second lieu, rendrait le prix du pétrole moins cher pour les autres pays, ce qui pourrait augmenter la demande mondiale de pétrole.
Plus encore, le président Trump ne chercherait-il pas à renégocier des accords commerciaux pour les rendre plus favorables pour son pays, tout en réduisant la dépendance des USA à l’égard de certains fournisseurs étrangers (européens et asiatiques) et à encourager une relocalisation de la production (reshoring), car considérant que la mondialisation telle qu’elle s’est opérée depuis le début du millénaire s’est faite au détriment des États-Unis.
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