Dans son discours à la nation prononcé ce dimanche devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a évoqué les relations entre l’Algérie et la France qui traversent une crise inédite, et dit qu’il serait un « jour reconnaissant » si une « statue géante » de l’Emir Abdelkader trône à Paris.
Dans la salle circulaire du Palais des nations à Club des pins sur la côte ouest d’Alger, le chef de l’Etat a évoqué pour la première fois l’affaire Boualem Sansal qui est incarcéré en Algérie depuis la mi-novembre et le dossier du litige mémoriel avec la France qui empoisonne les relations entre les deux pays.
Le président de la République qui a qualifié Sansal d’ « imposteur » a usé de mots très forts pour dénoncer les crimes du colonialisme qui a tué, a-t-il rappelé, 5,63 millions d’Algériens.
« Ils ont gazé les Algériens, Bugeaud est un génocidaire, que cela plaise ou pas. Ils ont enfumé des grottes. Ce n’est pas un génocide ? Mai 1945 où il y a eu 45.000 morts, ce n’est pas un génocide ? », s’est interrogé le président de la République.
A l’adresse des dirigeants français actuels, le président Abdelmadjid Tebboune a réitéré qu’il n’exige pas des excuses mais de la reconnaissance sur la période coloniale.
Algérie – France : Tebboune veut de la reconnaissance sur les crimes coloniaux
« Je ne vous demande pas de vous excuser pour ce qu’ont fait vos ancêtres, mais au moins, reconnaissez », a-t-il dit, précisant que l’Algérie n’attend pas des compensations financières de la France, mais une « reconnaissance morale pour ce qui s’est passé ».
À l’adresse de ceux qui parlent des bienfaits de la colonisation, le président Tebboune a répondu : « À l’indépendance, 90% du peuple algérien était analphabète ». « Ils parlent de civilisation alors qu’ils se vantent d’avoir pris des crânes comme des butins de guerre », a-t-il encore asséné.
Le président de la République a réitéré que ce qui s’est passé en Algérie pendant la colonisation ce ne sont pas des « légendes ».
« L’Algérie n’était pas des marécages, elle livrait du blé à Rome », a-t-il dit, ajoutant qu’il ne laisserait pas tomber la mémoire juste pour être qualifié de « démocrate ».
« Je ne suis pas démocrate et je continuerai à vous réclamer des comptes », a-t-il asséné. Il a aussi rappelé, entre autres crimes du colonialisme, les essais nucléaires français dans le Sahara algérien.
« Vous êtes devenus une puissance nucléaire et vous nous avez laissé des maladies. Venez nettoyer, nous n’avons que faire de votre argent. Je ne laisserai pas tomber la mémoire, je ne demande rien, ni euro ni dollars, mais la dignité de nos ancêtres et de nos citoyens », a-t-il insisté.
Et cela, « sans aucune arrière-pensée », a-t-il précisé à l’adresse de ceux qui accusent les dirigeants algériens de faire de la mémoire « un fonds de commerce ».
« Laissons nos jeunes se connaître et mettons-nous autour d’une table. Je serai reconnaissant le jour où une statue géante de l’Emir Abdelkader trônera dans la capitale française », a ajouté le président algérien.
Dans son rapport portant sur la colonisation française de l’Algérie qu’il a remis au président Emmanuel Macron en janvier 2021, l’historien Benjamin Stora a proposé la construction d’une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader en France.
De son côté, l’Algérie réclame la restitution par la France de l’épée, du burnous, du Coran, des canons et de la tente de l’Emir Abdelkader, mais le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf a dit en mai dernier que Paris était réticente à satisfaire la demande algérienne.