Vu la précarité de leur situation administrative et la difficulté de décrocher ou de renouveler un titre de séjour, beaucoup d’étrangers établis en France tombent dans les filets des arnaqueurs.
Profitant de la détresse des demandeurs de titres de séjour qui font face aux retards de leurs préfectures ou à la complexité des procédures dématérialisées, les escrocs pullulent sur le web.
Ces derniers n’opèrent plus à une échelle locale. Ils sont désormais organisés en fausses sociétés et détiennent même des sites web à l’apparence très professionnelle.
Elle a failli se suicider suite à une arnaque au titre de séjour
Le média d’investigations Street Press a pu collecter 15 témoignages de personnes ayant versé entre 250 et 400 € à ces sociétés sans obtenir de résultats. Dans son enquête, le média français donne la parole aux victimes et dévoile le mode opératoire de ces fausses entreprises d’aide à la régularisation et à l’accélération des procédures en préfecture.
En 2022, Valeria, 26 ans, une étudiante étrangère attendait déjà depuis des mois la réponse de sa préfecture à propos de sa demande de titre de séjour. « Désespérée », elle a finalement fait confiance à un site internet qui promet de débloquer sa demande à la préfecture.
Valeria verse 300 € et attend que la promesse se réalise. Mais des mois sont passés et aucune nouvelle. Les employés qui étaient aux petits soins avant le versement de la somme demandée, ne répondaient plus au téléphone ni aux emails.
Valeria entre dans une sévère dépression et tente même de se suicider à cause de l’arnaque. Le site auquel elle a fait confiance est Action-Juridique.fr, dévoile le média français.
Titres de séjour : attention aux arnaques en ligne
Comme Valeria, il y en a beaucoup d’autres. Certains se retrouvent même sans-papiers, Comme c’est le cas d’Anissa, qui a confié à Acrion Juridique son dossier de changement de statut d’étudiant à salarié en 2022.
Cette demandeuse de titre de séjour s’est vite retrouvée sans titre de séjour. En situation irrégulière, elle était obligée de raser les murs pendant plusieurs mois de peur d’être expulsée.
Ces entreprises ne misent pas seulement sur leurs sites web souvent bien référencés par les moteurs de recherche, ils vont aussi au contact de leurs victimes. Zidane, 70 ans, n’a rien fait. Il a été contacté directement par la société Légal Protection.
Ce demandeur de titre de séjour confie n’avoir jamais fait de recherche sur internet et a raconté avoir reçu un appel d’une dame qui lui dit que sa société « travaille avec la préfecture ». Le vieil homme leur fait confiance et perd « ses derniers sous » sans récupérer de titre de séjour.
Sites d’aide à la régularisation : des menaces pour faire payer les victimes
Après avoir harponné leurs victimes, ces sociétés font tout pour qu’elles leur versent de l’argent, même s’il faut user de menaces. Avant de passer à l’étape versement, Sarah, qui a confié son dossier à Action Juridique, sent l’arnaque et refuse de payer.
Très vite, elle est assaillie d’appels et de messages de la part de l’employée de la société. Après les insultes, viennent les menaces. On lui fait savoir que si elle ne paye pas, « son dossier sera bloqué pendant 8 mois ».
Anissa quant à elle, après avoir flairé l’arnaque, a laissé un commentaire négatif sur la société sur Google. En guise de représailles, l’entreprise divulgue les détails privés de sa situation et les rend accessibles à tous sur le web.
Des sociétés fantômes et des patrons qui se la coulent douce
Après avoir pris l’argent, ces escrocs ne répondent souvent pas aux appels. Les victimes tentent alors de se rendre dans leurs sièges. Ces derniers ne sont cependant que de simples domiciliations administratives, ou il n y a ni locaux ni employés.
Pierre, le compagnon de Valeria, en a fait l’expérience. Il est allé à l’adresse du siège mentionnée sur le site web d’Action Juridique. En arrivant, il tombe sur un concierge qui lui dit « qu’il n’était pas le premier à essayer de les retrouver ».
Le patron d’Action Juridique, et de plusieurs autres sites similaires, serait Radhi Bouloussa, un entrepreneur d’origine tunisienne, affirme Street Press. Pendant que ses victimes sont au bord du gouffre, lui il publie des photos de lui sur des voiliers de luxe naviguant en méditerranée.
Que font les autorités ?
L’entrepreneur dirige aussi des entreprises de matériel informatique. Toujours sur les réseaux sociaux, il vante les mérites d’une application qui facilite le démarchage par SMS. Contacté par Street Press, Radhi Bouloussa n’a pas souhaité répondre aux questions.
Mais que font les autorités françaises face à cette situation ? La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dévoile que plus de 650 signalements à propos de sites internet proposant des démarches administratives ont été recensés en 2024.
Créée en 2021, la société Légal Protection était toujours active en 2024. Le ministère de l’Intérieur assure pourtant qu’il reste « attentif aux sites frauduleux qui monnayent des démarches qui sont gratuites sur les sites officiels de l’administration » et appelle les demandeurs à signaler tout problème via la plateforme Signal Conso.